Christine

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L’application de la SNCB confirme l’arrivée du S8 en direction de Bruxelles Midi. Dans quelques instants, il apparaîtra au tournant qui relie la gare de Genval à celle de La Hulpe.

« Il est à l’heure cette fois-ci », pense-t-elle ironiquement.

Elle l’a attendu, ce train. Au cours de ces dix dernières années, elle ne pourrait compter le nombre de fois où il est arrivé en retard. Beaucoup trop. Elle avait même pris l’habitude de venir un quart d’heure en avance, pour éventuellement attraper l’omnibus précédant le sien.

Ce n’est qu’un détail maintenant. Tous ces matins où elle a poireauté sur le quai qui s’étire là-bas, au loin, s’effacent, comme déjà gommés par le temps. Dans sa tête, bien d’autres choses bouillonnent. Le début... la fin… Joffrey, ce connard qui a fait ses valises dès qu’elle n’a plus pu payer les factures. Et puis les factures, qui se sont empilées à cause de ce connard de virus. Et ce virus, qui a effrayé ces connards de dirigeants alors qu’il ne tue que des vieux qui finiraient quand même par mourir. Et ces connards de vieux qui ne veulent pas laisser vivre le monde au nom de la bien-pensance. Et…

Putain, elle arrivait enfin à joindre les deux bouts. À souffler. À se dire que l’on peut croire aux rêves. En l’avenir. Qu’aimer, ça signifie quelque chose. Qu’il peut y avoir un après elle…

Tout ça n’a plus d’importance, elle a tout perdu. Ça n’a jamais été facile, mais là, le vase déborde de tous côtés. Le monde, la vie elle-même lui claque la porte au nez. Il ne lui reste rien d’autre qu’un passif qu’elle ne supporte plus. Son poids beaucoup trop lourd l’entraîne dans un abîme. Elle qui s’est toujours battue pour ne rien devoir à personne accumule des dettes envers tout le monde. Elle n’avait rien demandé… Trois ans que dure ce calvaire, sans lumière au bout. Que des ténèbres de plus en plus noires.

Elle va leur montrer.

Non, elle ne doit rien.

Non, elle n’a pas à pleurer.

Le monde lui devra.

Les autres pleureront.

Le train approche. Le roulis rythmé de ses grandes roues s’accentue. Du haut du pont routier qui surplombe la voie ferrée, Christine écoute son avenir qui a déjà commencé à ralentir sa course. Le temps se fige. Ses mouvements ne lui appartiennent presque plus tandis qu’elle monte sur le parapet.

- Madame ! Ne faites pas ça !

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