Des racines traîtres jonchent le sol, elle doit redoubler de prudence pour ne pas trébucher. Elle marche toute la matinée, le silence seulement brisé par le chant des oiseaux et le crissement des feuilles sous ses pieds. La fatigue la gagne, mais elle persiste, animée par une détermination nouvelle. Enfin, le village se dévoile au loin, une mosaïque de toits rouges et de murs blanchis par le soleil. Soulagée, Béatrice accélère le pas, sentant ses forces revenir à mesure qu'elle se rapproche de la civilisation.

Une fois arrivée, elle se dirige vers une auberge modeste, attirée par l'odeur réconfortante du pain chaud. L'auberge est sombre et accueillante, avec des tables en bois rustiques et une cheminée où crépite un feu. Elle s'assoit à une table près de la fenêtre et commande un repas simple : une soupe de légumes épaisse, une tranche de pain de seigle et un verre de cidre. Le repas est frugal, mais bienvenu. Chaque cuillerée de soupe réchauffe son corps et apaise son esprit.

Elle savoure le goût terreux des légumes, la texture moelleuse du pain, la fraîcheur acidulée du cidre. C'est un moment de répit, une pause bienvenue avant de plonger dans l'inconnu.

L'estomac apaisé, Béatrice se sent plus forte, prête à affronter l'inconnu. Elle aborde d'abord l'aubergiste, un homme corpulent au visage rougeaud, puis quelques clients attablés. Elle pose des questions discrètes sur le palais, essayant de ne pas éveiller les soupçons. Mais les réponses sont désespérément uniformes. Tous racontent la même histoire, celle d'une apparition soudaine et inexplicable.

Un jour, le palais s'est dressé au milieu de la forêt, comme s'il avait surgi de terre d'un seul coup. Personne ne sait quand, ni comment. C'est un vieux du village, promenant son chien, qui l'a découvert le premier. Au début, les gens pensaient à une illusion, un mirage dû à la chaleur ou à la fatigue. Mais le palais était bien réel, imposant et mystérieux.

Et puis, il y a cet homme, Ambrose, apparu en même temps que le palais. Un inconnu, dont personne ne connaissait l'origine, devenu subitement riche et puissant. Les villageois parlent de lui avec un mélange de crainte et de curiosité. Certains le considèrent comme un bienfaiteur, d'autres comme un être étrange et inquiétant. Béatrice écoute attentivement, le cœur lourd.

Ces témoignages ne lui apprennent rien de nouveau, mais ils confirment l'étrangeté du palais et de son propriétaire. L'impression d'être piégée dans un conte de fées sombre et déroutant se renforce. Elle remercie les villageois et sort de l'auberge, le pas hésitant. La vérité semble se dérober à elle, cachée derrière un voile de mystère impénétrable.

Le soleil cogne fortement alors que Béatrice se lance dans une quête ardue à travers les rues du village. Elle aborde les passants, mais la plupart détournent le regard, visiblement peu enclins à s'arrêter pour écouter une femme à l'allure si peu soignée. La boue éclabousse sa robe, ses cheveux sont en bataille et la sueur perle sur son front. Malgré la richesse évidente de ses bijoux et de sa tenue, elle est facilement confondue avec une mendiante, une âme égarée.

Les heures s'égrènent, ponctuées de refus polis ou de regards méfiants. Le découragement la guette, mais elle s'accroche à l'espoir tenace de trouver une piste. Finalement, après une persévérance acharnée, une vieille femme au visage ridé et aux yeux clairs s'arrête. Elle écoute attentivement la question de Béatrice, puis hoche lentement la tête.

"Le vieux ? Ah, oui, je le connais. Il habite une maison grisâtre, près de la fontaine, avec un escalier qui donne directement sur la rue du pont." Béatrice sent son cœur bondir dans sa poitrine. Une localisation !

Enfin une information concrète. Elle remercie chaleureusement la vieille femme et se dirige vers la fontaine, le pas désormais plus léger et déterminé. L'espoir renaît, illuminant son visage fatigué. La maison grisâtre, avec son escalier particulier, l'attend, promise à révéler peut-être les secrets du palais et d'Ambrose.