Chapitre 11

6 minutes de lecture


Par Diraxo et Rowani

Nathan resta de marbre depuis plusieurs secondes. Aucun des deux garçons ne parla. Lucas semblait attendre une réponse, et plus le temps passait, plus celui-ci s’impatientait. Nathan tenta de sortir quelques mots, mais sous le coup de la panique, il avait oublié son excuse toute faite :
— Euh… Je venais pour euh… pour prendre mon sac.
— Les sacs c’est dans la chambre des parents, juste à côté, répondit Lucas.
Soudain, la porte s’ouvrit d’une volée, manquant de s’écraser en plein sur le visage de Nathan. Livia débarqua dans la chambre, et se mit aussitôt à le dévisager.
— Tu fous quoi ici, toi ? T’as pas vu le sens interdit sur la porte ?! s’agaça-t-elle.

C’en était trop pour lui, cette soirée était en train de virer au cauchemar. Il n’acceptait pas qu’on lui parle comme à un chien. Il répondit alors glacialement :
— Désolé, de toute façon je comptais pas vous déranger plus.
Il fit un demi-tour juste assez rapide pour que Livia n’ait le temps d’ouvrir la bouche, il ferma la porte brutalement, laissant Livia seule avec Lucas.
— C’est bizarre qu’il parte aussi tôt, il aime pas l’ambiance ? demanda-t-elle, troublée.
Lucas haussa les épaules. Il avait plus important à faire pour le moment.
— Euh, j’ai une nouvelle à t’annoncer.
—C’est quoi ?


Il déglutit. Les mots étaient tout prêts dans son esprit, mais il savait qu’ils auraient une conséquence terrible. Il prit une grande inspiration en fermant les yeux, puis expira bruyamment. Livia le fixait les yeux grand ouverts, attendant l’annonce fatale.
— C’est Paul… souffla-t-il tout doucement, presque inaudible.
Rien qu’en entendant ce prénom, le visage de Livia devint livide.
— Donc il est vraiment venu, ce p’tit enculé ? J’te jure, si j’le vois, je le prends, je le découpe, j’en fais un barbecue et je…
— Shhh ! interrompit Lucas en essayant de la calmer. On va faire comme on a dit, et tu le croiseras pas.

***


Paul jeta un bref coup d’oeil en direction de la chambre de Livia, sans exprimer le moindre sentiment. Il n’avait rien raté de ce qui venait de se passer.

Rien ne lui échappait.


Il gardait la mâchoire serrée et ses yeux bougeaient dans tous les sens sans s’arrêter : il analysait la situation, prenait un maximum d’informations, construisant son plan à toute vitesse.

Son regard se figea soudain sur un garçon qui semblait déjà à moitié amoché : Baptisteétait en train de rentrer dans la chambre où étaient entreposés les sacs, le dos courbé, manquant de s'effondrer à chaque geste qu'il effectuait : la cible parfaite.
Il s’approcha de lui, puis lui tendit la main. Baptiste leva les yeux, le dévisagea pendant quelques secondes, puis accepta l’aide qui lui était proposée.


— T’as pas l’air d’aller super bien… lâcha alors Paul d’un ton compatissant.
— C’est rien, mec… ça ira mieux, demain… Je tiens super mal l’alcool… C’est tout…
Baptiste était rouge et complètement essoufflé. Il prenait sa respiration entre chaque mot.

— Arrête ton cinéma ! répondit Paul en faisant semblant de s’offusquer. Les autres s’en foutent de toi, mais moi, je vois que tu as des problèmes, des secrets qui te font du mal et qui sont lourds à cacher. Tu peux tout me dire, je pourrais peut-être t’aider…
Baptiste prit le temps de reprendre sa respiration, puis ils rentrèrent tous les deux dans la chambre, et il s’adossa contre un mur.
— C’est vrai que j’ai personne pour m’aider. T’as l’air d’être quelqu’un de bien, c’est dommage qu’on passe si peu de temps ensemble…
— Dis-moi ce qui te fait du mal ! s’écria Paul, qui n’avait même pas écouté ce qu’il avait dit.

Baptiste ne répondit pas pendant un moment, son regard se perdit dans le vide. Il semblait réfléchir, hésiter. Comme s’il repassait dans sa mémoire tous les moments douloureux qu’il avait vécus, comme si malgré tout l’alcool qu’il avait ingéré, il arrivait à mesurer l’importance de ce qu’il allait dire. Et les yeux de Paul brillaient devant la torture morale à laquelle il assistait.
— C’est Nathan… il s’était passé un truc entre nous, y a quelques mois…

Baptiste se sentait parcouru par un frisson, il avait la tête qui tournait et ses yeux lui faisaient mal. Le bruit de la musique venait lui fracasser les tympans, son ventre criait de douleur et il n’arrivait même plus à tenir droit. Il se sentait dans une détresse absolue, accentuée par l’alcool, à tel point que l’aide de Paul sonnait comme le bruit des cloches en pleine guerre.

Mais celui-ci commençait à s’impatienter.
— Bon dis moi tout !
— Euh… À partir de la première, on s’est retrouvés dans la même classe. On était juste potes, moi j’étais en couple et lui… j’savais pas trop. On en parlait pas. Puis on a passé beaucoup plus de temps ensemble et ma copine s’est mise à jubiler sur lui le monsieur parfait.
Baptiste sentait ses yeux se fermer, mais Paul se mit à le secouer vigoureusement.


— Continue !

— J’ai oublié nos 6 mois… Et Nathan me l’a rappelé par message. Un jour, en se baladant sur mon tel, elle l’a vu. Elle était folle de rage. Puis à partir de là, elle m’a comparé à lui encore et encore, alors j’ai été en toucher deux mots à Nathan qui lui en a tout de suite parlé. Pendant un temps, tout est rentré dans l’ordre. Jusqu’au jour ou elle m’a quitté. À ce moment Nathan était là pour me soutenir et il m’a aidé à aller mieux. C’est là que j’ai su qu’il aimait aussi les mecs. Il me l’a dit pour me remonter le moral : son « plus grand secret ».

Baptiste avait les yeux rouges, il sentait une grosse boule prête à éclater dans sa gorge.


— Quelques semaines plus tard…
Il avala bruyamment sa salive puis reprit.
—Enfin, il m’a aidé à remonter la pente, et avec le temps, les aprem’s chez lui. Et quelques semaines plus tard, un jour où ses parents étaient pas là, j’sais pas ce qui m’a pris…

Baptiste s’était mis à verser des larmes, il était rouge et n’arrivait plus à prononcer quoi que ce soit d’audible pour Paul qui déposait simplement quelques tapes sur son épaule.
—Il s’est passé quoi ? demanda Paul.
Un silence de mort envahissait la pièce, Baptiste s’était calmé mais n’arrivait pas à ouvrir la bouche.
— Qu’est-ce qui s’est passé ! hurla-t-il. Dis-le ! T’en as besoin !
Après quelques secondes, la bouche de Baptiste s’entrouvrit légèrement, un soupir sortit, puis rien…

Il réessaya et bégaya un peu :
— Je l’ai embrassé. dit-il tout bas.
— Pardon, répète ? demanda fermement Paul.
— J’ai collé ma bouche contre la sienne et je l’ai embrassé, j’me suis littéralement jeté sur lui. répéta Baptiste.
— Et la suite ?
— Il m’a d’abord repoussé, mais j’ai insisté, et il s’est laissé faire. On a passé toute une aprèm’ ensemble, à faire des… trucs. J’ai adoré ce moment, et j’ai voulu le reproduire encore et encore. Alors on s’est vus de plus en plus souvent, et il a commencé à s’attacher, mais pas moi. Moi, j’aimais juste ces instants avec lui, et quand je me cassais, c’était comme s’il s’était rien passé. Lui, il m’a dit qu’il y repensait encore des heures après, qu’il mettait la tête dans son oreiller pour retrouver mon odeur. Alors j’ai décidé de mettre fin à ces conneries…

Paul ne put s’empêcher de sourire. Il tourna la tête pour que Baptiste ne le voit pas. Il prit une grande inspiration puis se retourna vers lui, planta son regard dans le sien, essayant de mettre le plus « d’amitié » et de « compassion » possible.
— J’te promets qu’à partir de maintenant, tu seras plus jamais seul. J’te laisserai pas tomber, moi.
Puis il se mit sur ses pieds, et lui tendit la main pour l’aider à se relever.

— J'reviens ! fit-il en sortant de la pièce.

Quelques minutes plus tard, Baptiste vit Paul arriver dans la chambre avec deux verres bien remplis.

— Tiens ça c'est pour toi, et ça pour moi !

— J’suis désolé, mais je crois que j’en ai eu assez pour…
— Mais nan ! coupa Paul. Et puis on est là pour faire la fête ! Va dans le jardin, j'te rejoins après !

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