La gourmandise , un vilain défaut?

3 minutes de lecture

Lundi matin nous avons eu l'agréable surprise de découvrir que quatre agents de maîtrise et un chef d'atelier ont été contaminés au sein de l'entreprise G... Le cerbère qui officie à l'entrée de l'usine n'y a rien fait.

En effet, chaque matin, on peut voir le grand gaillard vêtu d'un gilet jaune, bien campé sur ses deux jambes comme pour arrêter je ne sais quel criminel. En fait, le seul crime dont peut se prévaloir l'ouvrier G. est d'oublier son badge, ou alors, ce qui est plus grave, entrer dans l'usine non masqué. L'ouvrier G... doit savoir que le port du masque est obligatoire. C'est bien spécifié. On vous le fait comprendre par tous les moyens visuels au premier rang desquelles cette présence massive et péremptoire du type qui vous fait savoir que dès lors que vous entrez dans l'enceinte de l'entreprise vous ne serez plus la personne libre et adulte mais un sujet de sa Majesté le Capital. Vous entrez dans un espace qui n'est pas le vôtre. Un espace de production qui appartient au Capital. Seul l'air que vous respirez vous renvoie à votre dignité d'être humain. Le masque et le badge vous confisque de facto toute velléité à l'individualité quelle qu'elle soit. Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable. Ce ticket qui vous donne droit à être vous-même. Le droit à votre singularité. Tous fichés, tous masqués. Le badge symbolise votre assujettissement. Le masque matérialise votre asservissement. Vous ne vous appartenez plus. Vous appartenez au Capital. Toute velléité d'indépendance ou de transgression en tout genre sera sanctionnée par un avertissement pour l'embauché et le renvoi immédiat pour l'intérimaire étourdi ou rebelle. On ne plaisante pas avec le virus. Le virus est là comme un ennemi invisible qu'il faut débusquer, traquer, éradiquer de l'entreprise car il n'est pas le bienvenu. Le virus est ennemi du Capital. Il y a de l'argent en jeu. Il peut être dangereux pour le Capital. Pas pour l'ouvrier. Le Capital se fout de l'ouvrier. Avec le virus même l'individu "patron" n'existe plus. Il est englouti dans le même magma cataclysmique universel. L'ordre classique de la hiérarchie n'a plus de sens. Tous portent le même masque. Du patron à l'ouvrier. Chacun se doit de respecter les mêmes règles sous peine d'être sanctionné. Le message de fermeté est dit et répété chaque jour par les agents de maîtrise missionnés par le Capital et qui doivent montrer l'exemple.

Aussi doit-on se poser la question de savoir par quelles négligences sont arrivées ces soudaines contaminations. Cinq au total. Quatre agents de maitrise et un chef d'atelier. Excusez du peu. Il s'agit d'une contamination simultanée car on a constaté leur absence le même jour. Comment le G... a-t-il été ridiculisé de la sorte ? En effet, ce ne sont pas des salariés lambda, auquel cas on aurait trouvé cela normal. On aurait accablé ces salariés de reproches. On les aurait accusés d'alourdir le déficit de la sécurité sociale. On les aurait traités de mauvais français. Bref, la stigmatisation classique des pauvres et des minables. Mais là il s'agit de pontes, de responsables irresponsables qui ont cédé à la gourmandise. En fait dans cette contamination chacun a mis la main à pâte si l'on peut dire. C'est parti d'un bon sentiment. Les croissants étaient chauds et croustillants. Difficile de résister. Le problème est que le virus a été le premier à se servir.

On ne le répétera jamais assez, la gourmandise est un vilain défaut.

Adrien de Saint-Alban

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Adrien de saint-Alban ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0