Jules se sentait de plus en plus à l'aise dans les allées silencieuses de la bibliothèque. Les jours se transformaient en semaines, et ses recherches prenaient une ampleur inattendue. Il avait commencé par les registres les plus anciens à la disposition du public, puis remontait patiemment le temps, page après page, ouvrage après ouvrage. Le village qu'il tentait de relier aux gravures de la boîte n'apparaissait sur aucun document. Il devait être abandonné depuis si longtemps qu'il était peut-être même oublié.

Il en oubliait parfois l'heure, et le monde extérieur. Il avait développé une routine, arrivant souvent juste après l'ouverture, s'installant à sa table habituelle, entouré de piles de livres poussiéreux et de photocopies. La jeune bibliothécaire de permanence, discrète, s'était habituée à sa présence et se contentait de lui indiquer la direction des rayonnages sans un mot.

Un après-midi pluvieux, alors qu'il était plongé dans ses recherches. En levant la tête, légèrement désorienté, se tenait devant lui une femme aux cheveux grisonnants. L'ancienne bibliothécaire, maintenant à la retraite, mais bénévole de temps en temps, avait remarqué le jeune homme plongé dans des ouvrages qui n'étaient plus de première jeunesse. Elle lui avait demandé sur quel sujet portaient ses investigations si intenses.

Il lui expliqua en hesitant, la quête étrange dans laquelle il s'était lancé. La recherche d'un village abandonné quelque part, pas très loin d'ici, ou une sorcière y aurait été brûlée sur un bûcher quatre siècles auparavant.

Elle lui indiqua que ce n'était pas la première fois qu'on lui parlait de cette histoire. Il y a presque deux décénies, une autre personne était venue lui poser des questions similaires. Elle aussi cherchait un ouvrage précis, qui mentionnerait ce village et cette légende. Elle était persuadée que ce n'était pas qu'une simple légende. Le lien avec sa mère était trop évident pour être une coïncidence.

La bénévole se dirigea instanténément vers un escalier qui descandait un niveau plus bas, après lui avoir demandé de patienter sans attendre sa réponse. Les minutes s'étirèrent. Pour Jules, l'attente fut interminable, chaque seconde une éternité. Le silence de la bibliothèque n'était brisé que par les pages tournées par un lecteur lointain. Il imaginait la bénévole fouillant des étagères poussiéreuses, éclairée par une ampoule solitaire, à la recherche de ce volume qu'elle n'avait pas vu depuis des années.

Puis, après ce qui lui sembla une éternité, il entendit des pas feutrés sur les marches. La bénévole était réapparue, tenant délicatement un livre ancien. Il était jauni par le temps, étonnamment fin et sa couverture rigide semblait avoir connu des jours meilleurs. Mais c'est la page de garde qui retint toute son attention. Un symbole gravé, presque effacé par les siècles, y était dessiné. C'était un motif complexe, fait de lignes sinueuses et de points précis. Le cœur de Jules s'était emballé. La gravure ressemblait étrangement à celle ornant la boîte que ses parents lui avaient donné.