Chapitre 32 : Sacrifice, Partie 3

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Ryku bondit sur ses pattes et cracha de façon menaçante en voyant le jeune vampire menacer son maitre. D’un geste du doigt, Sheamon fit comprendre à l’animal qu’il n’était pas nécessaire d’intervenir. Le tigre cessa d’avancer, mais demeura prêt à bondir sur Ilyann.

  • Je ne souhaite pas en arriver là, Monsieur Wave, rétorqua le garçon. Vous êtes quelqu’un de bien, j’en suis sûr, et je peux facilement vous pardonner d’avoir manqué de respect à mon père et notre communauté. Vous avez peur pour Triss, ce que je comprends parfaitement. Mais si vous voulez vous en prendre à mes camarades, je me verrai contraint de vous ramener à la raison… Et par la force s’il le faut !
  • Tu ferais bien de ne pas te précipiter, mon ami… lui conseilla Jonas avec gravité. Sheamon n’est pas le genre à plaisanter et là, il est d’humeur massacrante…
  • Silence ! A genoux tous les deux et que le chat s’éloigne ! ordonna Ilyann d’une voix qui semblait ferme, mais dans laquelle Sheamon perçut une tension due à l’hésitation propre aux novices. Ne m’obligez pas à tirer !

Le renégat avait compris en l’interrogeant qu’Ilyann ne savait absolument rien des manigances de son père. Contrairement à ce dernier et à lui-même, il était foncièrement bon : sa plus grande préoccupation était de rendre service aux autres. Peut-être était-ce pour cela qu’Evander avait voulu le protéger en le laissant à l’écart des sombres secrets entourant cette communauté. Il était innocent, naïf et débordant de bonne volonté ; un gamin sans presque aucune véritable expérience du combat. Il n’avait probablement jamais tiré sur une vraie personne, aussi hésitait-il à franchir le pas. Malheureusement pour lui, le renégat n’avait pas ce genre de scrupules.

Sheamon claqua des doigts en concentrant son Souffle. Il entendit Ilyann hoqueter de surprise, puis s’effondrer sans un bruit.

  • Par la barbe de Satan, Sheamon ! jura Jonas en sursautant. Tu ne l’as pas tué, au moins ?
  • Bien sûr que non, rétorqua le renégat, légèrement vexé que le devin pût le croire capable d’une telle cruauté. Il est juste évanoui. Aide-moi à le transporter.
  • Mais pourquoi ?
  • Si nous l’abandonnons ici inconscient, il serait à la merci des prédateurs. En plus, il pourra nous servir de monnaie d’échange contre Triss et les autres.
  • Tu veux te servir d’un otage ? comprit Jonas, estomaqué. Tu oserais menacer de tuer ce pauvre gamin ?
  • On n’aura probablement pas besoin d’en arriver là. Si Evander tient vraiment à son fils, il ne tardera pas à céder.
  • On parle d’un homme qui a été asservi pendant des années et qui, après des siècles de colère contenue, détient enfin l’occasion d’atteindre ses anciens maitres… lui rappela sombrement le devin. Pire, il a sans doute, ou il croit avoir, le pouvoir d’affronter les Nocturii. Même s’il aime Ilyann, il est peut-être prêt à tout pour se venger ! Tu te bases sur des suppositions, Sheamon ! Et s’il refuse l’échange ? Que feras-tu dans ce cas ?
  • Alors je les tuerai, lui et tous ceux qui l’ont soutenu, déclara Sheamon d’une voix grondant de colère. Je massacrerai jusqu’au dernier vampire de Varenn ! Ecoute-moi devin, je sais parfaitement que ce plan est immorale. Mais nous n’avons pas le choix, à moins que tu veuilles condamner Triss à une mort certaine !
  • Et si on tombe sur Voldra ? Tu te sens d’attaque pour affronter un dragon ?

Sheamon haussa les épaules.

  • Je prends le risque, déclara-t-il en se penchant vers Ilyann pour le soulever.

Jonas posa la main sur son épaule pour l’arrêter.

  • Laisse-moi étudier l’avenir, lui proposa-t-il. Ainsi nous pourrons peut-être appréhender ce qui risque de se passer… Pour prévenir les dangers potentiels. Il nous sera plus facile de former un plan viable si on sait à quoi s’attendre. Ce serait stupide de ne pas essayer, au moins. Nous risquons gros en fonçant à l’aveugle.

Sheamon hésita. Il n’avait pas de temps à gaspiller s’il voulait sauver Triss mais le devin avait raison. Il serait stupide de se priver d’un tel avantage, alors que l’ennemi avait quant à lui toutes les cartes en mains.

  • D’accord, accepta-t-il.

Jonas s’assit en tailleur et inspira profondément.

  • Il y a encore des restes d’alcool dans ma tête, se justifia celui-ci devant le regard insistant de Sheamon. J’ai bien décuvé mais j’ai tout de même besoin de plus de concentration pour activer mes pouvoirs. Alors si tu veux bien… éviter de me regarder comme si tu allais m’arracher la tête… Je risque d’avoir une panne, sinon.

Sheamon poussa un soupir agacé ; il détourna le regard alors que les yeux de Jonas se mirent à briller d’une lueur azurée.

Le renégat se pencha vers Ilyann et le retourna sur le dos. Le visage du garçon, même dans son sommeil, exprimait une profonde inquiétude. Sa flûte qu’il était en train de fabriquer glissa alors de sa ceinture et roula sur le sol. Sheamon la regarda, et sentit la culpabilité le ronger de l’intérieur. Sans doute les dernières pensées de son créateur avant de perdre connaissance avaient été pour ses camarades et son père, qu’il croyait en danger… Son monde allait basculer quand il se réveillerait. Mais il était préférable pour le jeune vampire d’être inconscient, afin d’éviter qu’il ne tentât quelque chose qui pourrait contraindre le renégat à le tuer.

Il prit le fusil d’Ilyann, son couteau, ainsi qu’une petite longue vue qui devait lui servir à repérer d’éventuels intrus, laquelle il passa à sa propre ceinture. Il examina ensuite l’arme à feu avec attention. C’était étonnamment un modèle d’excellente facture. Sheamon doutait que les vampires eussent les compétences et les moyens de produire eux-mêmes ces fusils. Ils les avaient sans doute achetés à des contrebandiers ; or si Sheamon en jugeait par le nombre d’armes portées par les gardes et les sentinelles du refuge, ils en avaient un arsenal conséquent. Ces armes valaient cher, mais elles étaient efficaces. Evander avait manifestement l’ambition de transformer ses camarades en soldats. Il préparait donc bien une armée pour mener sa guerre contre Némésis.

Avec un peu d’entrainement, tout le monde était capable d’atteindre une cible à plus d’une dizaine de mètres de distance ; de plus les vampires avait un avantage avec leur vision aiguisée qui les rendaient encore plus adroits à ce genre d’épreuve. Mais, si des fusils pouvaient s’avérer efficaces, en revanche ils ne pourraient certainement pas combler l’écart de puissance entre d’anciens esclaves sans véritable expérience militaire et des machines à tuer telles que des shinobis surentraînés, additionnés de surcroit aux soldats expérimentés du Harakaï, sans compter la puissance de Forlwey. Pourtant, Evander n’était pas un imbécile. Il avait dû imaginé que l’ennemi qui frapperait bientôt à ses portes serait puissant, surtout s’il comptait le provoquer en éliminant la fille de Némésis et en faisant circuler la nouvelle.

Alors comment comptait-il s’en sortir ?

Sheamon entendit soudain Jonas inspirer profondément, comme s’il venait de refaire surface. Le renégat se tourna vers le devin, qui paraissait en état de choc. Il était agenouillé, le visage crispé dans une expression horrifiée.

  • Qu’as-tu vu, devin ? le pressa Sheamon en s’emparant de la gourde pour la présenter au démon, pensant que ce dernier était assoiffé.

Jonas sursauta en entendant la voix du renégat et recula d’un bond, tandis que sa main, dans un geste de panique, balayait la gourde des mains de Sheamon. Elle rebondit contre un rocher avant de se vider de son contenu par terre. Stupéfait, le renégat observa Jonas, qui semblait tétanisé par la peur. La peur de lui.

  • Jonas… c’est moi… Sheamon, lui rappela l’exorciste d’une voix apaisante.
  • Je le sais bien ! rétorqua le devin les dents serrées.

Il inspirait avec difficulté, mais il sembla graduellement se reprendre.

  • Qu’as-tu vu ? le pressa de nouveau Sheamon. Que s’est-il passé ?

Jonas ne répondit pas tout de suite. Il paraissait vouloir d’abord mettre ses idées en ordre.

  • J’ai vu beaucoup de choses, finit-il par déclarer. De nombreux avenirs possibles, susceptibles de changer en une seule seconde… en un seul choix. Et c’est toi Sheamon, qui a le pouvoir d’influencer le destin cette fois.
  • Tu ne peux pas t’exprimer plus clairement ? maugréa le renégat.
  • Ce soir, le futur sera celui que tu façonneras. Beaucoup pourraient mourir ou survivre, selon la décision que tu prendras.
  • Je ne comprends toujours pas…
  • Ecoute-moi ! le coupa Jonas avec une telle force que le renégat, stupéfait, se tut aussitôt. Je ne suis pas un philanthrope et encore moins un saint, je sais que le monde est cruel. Mais pour autant, je ne veux pas me rendre responsable d’un massacre…
  • Un massacre ? De quoi diable…
  • Je sais comment sauver Triss et les autres, sans verser plus de sang qu’il ne sera strictement nécessaire. Parmi les vampires de Varenn, la majorité ignore tous des sombres secrets d’Evander. Ils le suivent par reconnaissance, par loyauté même, mais en réalité ils sont endoctrinés parce qu’ils ont peur des Nocturii et des nosferatus qui les ont déjà tant fait souffrir… ils ne méritent pas de mourir pour les erreurs d’Evander. Leur destin est lié au nôtre. Alors tu dois me promettre, Sheamon, tu dois me jurer de suivre mes directives sans poser de questions.
  • Tu pourrais commencer par m’expliquer ce que tu as vu !
  • Non. Sinon, jamais tu ne m’écouteras.

Sheamon serra les poings. Il perdait un temps précieux pour sauver Triss car Jonas se permettait de choisir ce moment précis pour avoir une crise de conscience !

  • Ecoute-moi, devin… gronda le renégat. On n’a pas le temps de jouer à…
  • Donne-moi ta parole, Sheamon ! répliqua Jonas, inébranlable. Sinon je ne t’aiderai pas !

Le renégat considéra un instant l’idée de menacer le démon de son arbalète pour obtenir ses aveux. Mais en croisant le regard du devin, Sheamon comprit que cette fois celui-ci était résolu à ne pas flancher. Ce qu’il avait vu avait manifestement renforcé sa résolution. Le renégat finit par hausser les épaules. Après tout, s’ils parvenaient à sauver Triss et les autres, c’était tout ce qui importait. De plus, il n’avait ni le temps ni l’envie d’essayer de lui arracher la vérité.

  • Je te donne ma parole, jura-t-il.

Jonas parut soulagé, comme si une grande catastrophe venait d’être évitée, et Sheamon se demanda à nouveau ce que le devin avait lu dans l’avenir. Il s’apprêtait à l’interroger encore une fois lorsque celui-ci se redressa.

  • Nous n’avons pas beaucoup de temps, déclara ce dernier en marchant jusqu’à Ilyann pour prendre son fusil, dont il vérifia le chargeur et la visée, avant de hocher la tête et de passer la bandoulière par-dessus son épaule. Pour l’instant, j’ai besoin que tu tires un carreau explosif dans les airs.
  • Pardon ? s’étonna le renégat. On risque d’attirer beaucoup de prédateurs avec…
  • C’est précisément le but.

Sheamon haussa les sourcils, mais Jonas mit un terme aux questions qu’il s’apprêtait à formuler d’un geste impatient de la main.

  • Fais ce que je te dis, s’il-te-plait. Le temps presse…

Sheamon retint une réplique et sortit de sa ceinture un carreau qu’il inséra dans son arbalète avant de tirer au-dessus de sa tête. Le projectile fusa dans les airs avant d’exploser, provoquant une déflagration conséquente. Aussitôt, des piranhodons jaillirent des rochers en poussant des croassements effrayés avant de s’enfuir vers le nord en essaim.

  • Et maintenant ? s’enquit le renégat en se retournant vers Jonas, à la fois agacé et intrigué.
  • Patience, répondit-il. Il est probablement dans le coin.

Il avait raison. A peine avait-il fini de parler que le sixième sens de Sheamon l’alerta d’un danger imminent. Il entendit presque aussitôt un puissant et régulier battement d’ailes qu’il aurait reconnu entre mille…

Sheamon saisit vivement son arbalète, levant les yeux vers le ciel où se découpait progressivement la silhouette de l’immense dragon qui volait à toute allure dans leur direction. Ryku se transforma aussitôt en tigre et lança un grondement d’avertissement.

  • Ça aussi, c’était prévu ? ironisa Sheamon entre ses dents serrées.
  • Oh oui, répliqua Jonas, les yeux rivés sur Voldra qui fondait vers eux. Ça aussi, c’était prévu…

***

Triss regarda s’éloigner les silhouettes de Naru et Philippa, cette dernière soutenue par la sorcière pour ne pas tomber. Elles se dirigeaient vers le sentier menant jusqu’au tunnel s’enfonçant dans les profondeurs de la montagne, escortées par deux gardes armés de fusils. L’un d’eux portait le sceptre de Naru attaché dans son dos. Philippa avait toujours ses chaines car, malgré son état, elle s’était tellement débattue quand ils avaient voulu la sortir de sa cellule qu’elle avait réussi à assommer un garde d’un coup de coude. La sorcière, sans son bâton, avait été jugée inoffensive ; elle n’avait pas un tempérament guerrier.

Evander avait permis à Triss d’assister à leur départ pour lui montrer qu’il tenait sa promesse, mais il ne l’avait pas autorisée à faire de vrais adieux à Naru et Philippa car il avait peur qu’une fois réunies, la jeune fille se déchainât de nouveau. C’était donc sous la garde d’une vingtaine de volontaires alertes qu’elle vit partir ses amies par le hublot d’une cabine spacieuse de l’aéronef. Elle était à nouveau enchainée, mais Triss remarqua que les vampires étaient cette fois aux aguets. Si elle faisait mine de remuer un peu trop brusquement, les fusils braqués dans son dos feraient aussitôt feu.

On l’avait forcée à revêtir une simple tunique de lin blanche pour tout habit. Evander n’avait pas justifié son ordre, mais Triss ne pouvait s’empêcher de penser à une tenue sacrificielle.

  • Elles seront escortées jusqu’à la limite du désert, l’informa alors Evander, et elle reporta son attention sur lui. Dès que mes camarades les auront conduites là-bas, elles seront relâchées et leurs affaires personnelles leur seront restituées. Mais si tu penses à te rebeller…Il tapota son poignet, auquel pendait un bracelet de cuir avec une gemme bleue qui brillait d’un éclat surnaturel.
  • L’un des gardes porte un bracelet semblable, expliqua-t-il. Lorsqu’on effleure l’une des deux gemmes, elles changent de couleur à l’unisson peu importe la distance. Si tu tentes quoi que ce soit, je n’aurais qu’à toucher cette pierre pour donner le signal qui condamnera tes amies. Tu as compris ?
  • C’est si bien expliqué, rétorqua Triss avec ironie.

Evander ne s’offusqua pas de son ton moqueur. Il fit un signe aux gardes se tenant derrière Triss ; celle-ci se sentit soudain empoignée par des bras puissants qui la firent sortir de la pièce.

Ils quittèrent le bâtiment et, toujours sous bonne garde, Triss fut conduite vers l’entrée de l’aéronef. Comme elle n’avait plus de bottes, elle ressentait avec une étrange vivacité le contact glacé du sol sur ses pieds nus ; elle frissonna. Le trajet, les couloirs et les escaliers qu’elle emprunta… tout lui parut interminable, froid, sombre… Comme si le monde commençait à perdre son éclat à mesure que se rapprochait l’heure de son exécution.

Dans le hall d’entrée, Triss eut la surprise de croiser Opra qui l’observa d’un air triomphant et réjoui. A ses côtés, Waldo la regarda passer, une expression indéchiffrable sur le visage.

  • Mon fils va être vengé ! exulta Opra en crachant sur son passage. Tu vas payer pour tes crimes, sale monstre de Nocturii !

Triss ne répondit pas. Elle n’en voyait pas l’utilité. Waldo prit alors Opra par le bras et l’éloigna de force, tandis que celle-ci continuait à maudire Triss. La jeune fille inspira profondément alors qu’ils approchaient de l’entrée.

Dès qu’elle franchit le seuil de l’aéronef, elle fut alors confrontée à une foule impressionnante qui remplissait totalement la grande place. Certains étaient même obligés de grimper sur les poteaux les plus proches pour apercevoir l’estrade située un peu plus loin en face de l’entrée. Elle avait été dressée pour les festivité et était désormais surmontée de deux piliers solidement ancrés dans le sol, d’où pendaient de lourdes chaines de fer. Dès que Triss sortit à découvert, un rugissement de triomphe monta de la foule. Certains agitaient des lances, des hachoirs et diverses armes de fortune, mais d’autre brandissaient des fusils et des torches. Ils lui jetaient tous des regards malveillants et emplis de colère en hurlant des insultes.

  • A mort la chienne Nocturii ! rugit un vampire dont la tête était bandée, probablement une victime de l’escapade de Triss et de Jonas.
  • Qu’on lui coupe la tête ! renchérit une autre.

De sa vie, jamais elle n’avait été confrontée à un tel déferlement de haine à son égard. Même lorsque Léo la battait devant les autres enfants et qu’ils se moquaient d’elle, elle n’avait pas ressenti l’envie de meurtre qui animait à présent tous ces gens. Ces personnes l’avaient accueillie à peine un jour auparavant avec des vivats et des chants d’allégresse, fêtant son arrivée avec des honneurs digne d’une héroïne. A présent ils paraissaient s’être métamorphosés subitement en véritables monstres, brandissant des armes et hurlant des insultes dans sa direction, les yeux brillant d’une haine absolue. Ils étaient impatients de la voir souffrir et mourir le plus cruellement possible. Opra, au premier rang, était la première à l’invectiver. C’était effrayant de voir à quel point la colère pouvait changer les gens…

Quelqu’un jeta une pierre à la jeune fille, et Triss serra les dents lorsque le projectile l’atteignit juste au-dessus de l’arcade sourcilière. Le sang se mit à couler, l’empêchant de voir correctement. Elle dut faire appel à toute sa volonté pour ne pas tenter de se libérer de ses chaines. D’autres lui jetèrent des cailloux à leur tour et la jeune fille n’eut d’autre choix que de baisser la tête au maximum pour éviter d’être trop durement atteinte. Elle devait endurer. Sinon, Philippa et Naru mourraient.

Alors elle endura.

On la força à s’agenouiller au milieu de l’estrade. Puis Evander fit un signe de tête à Waldo, revenu à ses côtés. Le vampire s’empara des chaines reliées aux deux poteaux qui se terminaient par des entraves d’une taille parfaite pour les poignets de Triss. Cette dernière se demanda avec ironie s’il n’avait pas fabriqué ces fers uniquement pour elle. De toutes manières, les véritables chaines qui la retenaient ici, c’était Philippa et Naru dont les vies dépendaient de sa soumission.

Silencieux, malgré les cris excités de la foule derrière lui, Waldo boucla les menottes en prenant soin d’éviter le regard de Triss. Puis il fit un signe au garde qui actionna une manivelle pour remonter les chaines et, par la même occasion, les poignets de la jeune fille. Cette dernière se retrouva alors en position de condamnée, à genoux et les bras écartés comme un oiseau prêt à s’envoler.

Mais Triss savait qu’elle ne s’envolerait plus jamais.

Son cœur se mit alors à battre la chamade ; la peur de la douleur, mais aussi l’angoisse de la mort l’envahirent. Elle se força à les refouler. Ses pensées dérivèrent alors vers Sheamon, Philippa, Naru et Jonas. Au moins, ils étaient libres et en vie. Son sacrifice n’était pas inutile. Cette pensée lui donna le courage de redresser la tête et de refouler les larmes qu’elle avait senties sur le point de couler. Hors de question de donner cette satisfaction à ses ennemis.

Elle tiendrait, jusqu’à bout…

Evander s’avança alors sur le devant de l’estrade, salué aussitôt par une longue acclamation de la foule. Il leva les mains pour réclamer le silence et, malgré l’excitation de ses compagnons, le calme se fit petit à petit.

  • Mes amis ! déclara-t-il d’une voix forte et claire. Réjouissons-nous aujourd’hui car l’heure est venue, enfin, d’affronter ceux qui autrefois se disaient nos maitres ! Oui, l’heure est venue, mes sœurs, mes frères, de nous révéler au grand jour à la face du monde ! Il est grand temps de commencer notre révolution !

La foule en délire l’acclama de plus belle.

A suivre...

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