Chapitre 35 : C'est trop tard... Partie 3

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Sheamon ne sut combien de temps s’était écoulé depuis qu’il pourchassait les vampires survivants, traquant sans relâche ceux qui le fuyaient et éliminant ceux qui tentaient de l’arrêter, ou encore réduisant en poussière tous les bâtiments de Varenn. Le renégat ne réfléchissait plus. Il avait perdu la notion du temps. Tuer jusqu’au dernier de ces monstres était devenu son idée fixe. Sa raison de vivre, peut-être.

Au début, les vampires l’avaient attaqué par dizaines, tentant de l’encercler en le surpassant en nombre. Sheamon, de sa simple volonté, les avaient écrasés. Puis, d’une seule pensée, il avait convoqué sa magie, qui brûlait de se répandre.

« Division Absolue » avait-il ordonné, sentant que se déliaient les liens qui le retenaient entre l’espace et le temps, le rendant plus rapide, tandis que les gestes de ses ennemis semblaient bien plus lents.

Un à un, avec sa lame ou sa hache, il répandait la mort comme s’il fauchait le blé à la manière d’un paysan exerçant son art avec une telle expérience, qu’il pouvait fermer les yeux en se contentant de laisser son corps agir instinctivement. Sheamon était dans un état d’esprit semblable, porté par la rage et la haine : son sixième sens était si aiguisé qu’il percevait chaque geste, chaque respiration de ses adversaires, tandis qu’il les écrasait mentalement, brisant leur esprit et forçant leur cœur à s’arrêter, les tuant sous le choc. Ceux qui parvenaient à résister avaient à peine la force de se tenir devant lui. Aucune attaque ne l’avait touché ; les armes et les projectiles de ses assaillants s’évaporaient bien avant, anéanties par la magie qui entourait le renégat comme un cocon protecteur.

Une telle dépense d’énergie l’aurait normalement épuisé au bout d’une vingtaine de minutes… Mais à chaque fois que son énergie semblait défaillir, le renégat n’avait qu’à se saisir de l’un des vampires pour le vider de ses forces afin de s’en emparer en quelques secondes seulement. C’est ainsi qu’il avait pu continuer à massacrer chacun ennemi croisant son chemin, l’esprit fixé sur un unique but : éliminer Evander. Le guide de Varenn était celui qu’il cherchait dans chaque victime suppliante, chaque adversaire qui lui faisait face, sans succès pour l’instant. Sheamon, toutefois, ne s’inquiétait pas. Il avait toute la nuit, toute la vie même, pour éliminer un à un les vampires de Varenn. Un moment donné, il finirait forcément par tomber sur Evander. Et il s’assurerait que ce dernier voit l’œuvre de sa vie réduite à néant avant de mourir.

Il effacerait Varenn de la carte et laverait la souffrance infligée à Triss par le sang de ses bourreaux.

Sheamon percevait vaguement d’autres bruits de luttes autour de lui, notamment le vacarme des fusils et les rugissements de Voldra. Bientôt, d’autres sons vinrent s’ajouter, des cris désespérés, le chant mortel des flammes, les atroces hurlements de douleur des mourants… Même ses adversaires, au début enragés et avides de l’attaquer, commençaient à reculer, effrayés par sa résistance et les cadavres qui s’amoncelaient derrière lui. La terreur s’était emparée d’eux et ils tentaient désespérément de fuir.

Sheamon leur avait donné la chasse, indifférent aux flammes de Voldra qui ne pouvaient le toucher sous la protection de sa Division Absolue. On le suppliait, on le maudissait, mais peu lui importait : tous mourraient sous ses coups.

En retirant sa hache de la poitrine de sa dernière victime, le renégat chercha des yeux d’autres proies. Mais aussi loin que portait son regard, il ne voyait plus que des flammes et des ruines, jonchées de cadavres ensanglantés. Il sonda les environs et capta au loin l’immense aura de Voldra poursuivant d’autres présences qui n’étaient en comparaison que de petites lanternes effrayées s’éteignant rapidement, signe que celles-ci étaient passées de vie à trépas. Autour de lui, d’autres consciences se fanaient déjà…

Mais aucune trace d’Evander.

Il se rappela l’avoir brièvement aperçu tentant de grimper sur la plateforme avant que la clameur du combat ne l’aspirât. Il s’apprêtait à y retourner pour l’inspecter quand ses sens magiques l’avertirent de la présence du dragon qui passait au-dessus de lui. Voldra atterrit au milieu de la place, chassant d’un puissant battement d’ailes la poussière pour darder son regard sur le renégat aussi minuscule qu’une fourmi devant lui. Autour d’eux, Varenn était en flammes et les cadavres jonchaient le sol. A eux deux, ils avaient rasé le refuge entier et transformer le cœur de la montagne en un volcan bouillonnant de désespoir.

  • Je me demandais qui osait me voler mes proies… déclara le dragon d’une voix grave et sombre où perçait l’excitation du massacre. Cette rage, cette soif de sang… J’ai presque cru qu’un de mes frères dragon était arrivé ! J’ai mis un moment à comprendre que c’était finalement toi. Je n’imaginais pas que tu avais un tel potentiel, ange déchu…

Le dragon releva la tête, comme s’il envisageait Sheamon sous un nouveau jour.

  • Cela me donne une furieuse envie de tester moi-même ce que tu vaux vraiment… susurra la bête.
  • Si tu tiens tant à mourir, je peux t’y aider… laissa tomber Sheamon, impassible.

En temps normal, il aurait préféré éviter un affrontement direct avec une pareille créature. Mais il était à présent dans un tel état de rage qu’il accueillait presque avec reconnaissance l’idée d’un tel combat, dans l’espoir d’apaiser enfin la folie meurtrière qui s’était emparée de lui.

Pendant quelques secondes, Voldra et le renégat s’observèrent sans bouger, chacun attendant que l’autre esquissât le premier geste qui déclencherait l’affrontement…

Puis le dragon se redressa.

  • Surveille tes paroles, insecte, gronda Voldra. Aujourd’hui tu n’es pas mon ennemi. Je dois en priorité raser toute trace de cet endroit et de ces pitoyables vermines de la nuit pour effacer l’affront que j’ai subi… Mais un jour, peut-être que l’envie me prendra de venir te tuer. Et dans ce cas tu peux être certain que je te chercherai parmi les sept mers et les sept continents, en Enfer jusqu’aux profondeurs du Tartare et même jusqu’aux sommets de l’Eden s’il le faut pour t’écraser…
  • Dans ce cas, je t’accueillerai comme il se doit.

Le dragon sembla amusé par les paroles de Sheamon. Il s’envola d’une puissante impulsion qui fit trembler le sol.

  • Nous verrons cela, ange déchu, gronda-t-il avant de se diriger vers le nord du cratère, crachant au passage des langues de feu qui engloutirent les dernières ruines encore debout.

Laissant le dragon continuer son œuvre de destruction, Sheamon voulut consulter l’Horologium à son poignet presque par habitude, mais il s’aperçut alors que son bras était couvert de sang… tellement que le cadran de l’artefact en était illisible. Cette simple image lugubre lui rappela alors la mare rouge aux pieds de Triss enchainée à l’estrade, et l’inquiétude remplaça la haine qu’il ressentait. De par sa simple volonté, ses armes redevinrent des pièces qu’il rangea dans ses poches. La haine céda place à l’inquiétude. Le renégat devait retrouver Triss. Il devait s’assurer qu’elle allait bien.

Sheamon sentit soudain l’approche aérienne de quelqu’un d’autre, mais il identifia rapidement le nouveau venu et se détendit. C’était le devin. Jonas se posa à une certaine distance de Sheamon, observant attentivement le renégat. Ce dernier sentit que Jonas n’avait pas peur de lui, mais sa tension était palpable. Le devin tenait son fusil fermement, doigt sur la gâchette, bien qu’il ne le pointât pas sur le renégat…

  • Sheamon… le salua-t-il avec une retenue inhabituelle.
  • Où est Triss ? demanda le renégat, peu disposé à échanger des civilités.
  • En sécurité. Inconsciente, comme miss Philippa, mais Naru et Ryku sont avec elles. La sorcière leur donne les premiers soins.

Sheamon se sentit soulagé. Triss était en vie. Il ne l’avait pas perdu. Cette simple pensée atténua sa colère.

  • On doit partir d’ici, Sheamon, le pressa alors Jonas. Sinon le feu et la fumée risquent de nous prendre au piège, et…
  • Pas encore, l’interrompit le renégat, se rappelant alors pourquoi il était resté ici. Je dois trouver Evander. Il doit mourir.

Un sombre frisson parcourut le devin, tandis qu’une expression lugubre se peignait sur son visage.

  • Il a déjà payé, crois-moi, l’informa Jonas. Evander a voulu tenter de s’emparer à nouveau de Triss pour t’arrêter, mais il en est mort. La shinobi lui a fracassé le crâne… Ce n’était pas beau à voir...

Sheamon haussa un sourcil. Une partie de lui était déçue, car il aurait voulu s’emparer d’Evander vivant pour lui infliger les pires souffrances… puis le tuer le plus lentement possible. Mais l’autre était reconnaissante à Philippa d’avoir châtié ce monstre comme il se devait. Finalement, elle avait prouvé sa loyauté, du moins envers Triss.

  • Je vois… murmura Sheamon en se rapprochant lentement de Jonas. Tant mieux, alors. J’ai libéré les prisonniers comme prévu, ils attendent probablement dans les tunnels. Finalement, ton plan s’est déroulé sans accrocs, non ?
  • Pas vraiment, non… répondit Jonas, alors que Sheamon s’arrêtait à sa hauteur.

Le renégat attrapa le démon par le col de son manteau, le tirant brutalement à lui.

  • Tu étais au courant ! gronda le renégat. Tu savais ce que Triss allait endurer, mais tu as préféré ne pas me le révéler, de peur que…
  • De peur que tu ne perdes la raison et que tu agisses comme un psychopathe, ce qui aurait provoqué la mort de Triss avant que tu ne puisses la sauver ? rétorqua Jonas, peu impressionné.

Ses mots s’enfoncèrent comme un pic de vérité glacée dans le cœur de Sheamon. Le regard du devin était sombre, accusateur…

Et il avait raison. Sa priorité aurait dû être de sauver Triss, mais il s’était laissé emporter par la rage, et au final c’était Jonas, Philippa et Naru qui avaient secouru la jeune fille.

Le renégat relâcha brusquement le devin, soudain dégoûté et fatigué. Il en avait assez de tout cela, du sang, de la destruction…

  • Quittons cet endroit de malheur, grommela-t-il.

A son grand soulagement, Jonas ne chercha même pas à poursuivre leur discussion. Mieux, il sembla presque soulagé de partir. Sheamon s’apprêtait à déployer ses ailes, quand un hurlement de colère déchira la nuit.

  • SHEAMON WAVE ! hurla une voix étranglée que Sheamon connaissait.

Le renégat se retourna en maudissant son imprudence pour ne pas avoir pensé à bâillonner et ligoter son prisonnier avant de l’abandonner. Il pensait qu’il dormirait encore pendant plusieurs heures... Sheamon remarqua soudain que le visage de Jonas se contractait imperceptiblement ; un soupçon saisit alors l’ange déchu.

  • Tu savais qu’il allait venir, n’est-ce pas ? lança-t-il au devin. Et tu voulais l’empêcher de me rattraper.

Jonas ne répondit pas, mais son expression était éloquente. Sheamon se retourna alors lentement.

Ilyann, car c’était lui, se tenait à une vingtaine de mètres. Il était sale et amoché, mais bien vivant, un fusil ensanglanté entre les mains, le visage rempli de larmes et les traits déformés par la rage et la haine. Il regarda avec une stupeur terrifiée les cadavres de ses compatriotes étalés à ses pieds avant de se retourner vers Sheamon, rendu fou par la douleur.

  • Pourquoi ? rugit-il. Pourquoi ? Nous vous avions accueillis en héros, nous vous avons ouvert nos portes ! Pourquoi avoir commis… une pareille atrocité ?!
  • Ils ont provoqué eux-mêmes leur mort, gamin, répondit Sheamon d’une voix plus dure que l’acier. En s’attaquant à Triss et en choisissant de suivre aveuglément ton père, ils se sont condamnés.
  • Vous mentez ! Jamais ils n’auraient commis un crime aussi abject ! C’est vous les monstres qui avez amené la mort et la destruction parmi nous ! Soyez maudits, tous autant que vous êtes ! Que vous soyez condamnés à mourir dans la souffrance, vous et tous ceux qui vous sont chers !

Sheamon sentit la colère l’enflammer. A vrai dire, il n’avait pas envie de briser les illusions de ce jeune crétin qui souffrirait déjà bien assez de la perte de son foyer, de la disparition de son père et de tous ses proches. Mais la façon dont il niait avec véhémence les crimes commis par les siens, alors même que Triss en avait tant souffert, le mettait hors de lui. Néanmoins, il parvint à se maitriser.

  • Crois-ce que tu veux, cela m’est égal, lâcha-t-il en serrant les poings avant de se détourner à moitié. Je ne t’ai pas tué avant et je ne tuerai pas plus maintenant. Pars avant que Voldra ne t’attrape. Il ne sera probablement pas aussi clément que moi…

Ilyann leva son fusil et vida son chargeur en direction de Sheamon, mais les balles se désintégraient avant d’atteindre leur cible. Il jeta son arme à feu inutile et s’empara alors d’une épée trainant près d’un cadavre, puis courut vers son adversaire en poussant un cri de rage, mu par la force du désespoir. Par habitude, le renégat décrocha prestement son arbalète et s’apprêtait à la pointer sur Ilyann quand Jonas lui agrippa l’épaule.

  • Sheamon, non ! s’écria-t-il.

Le renégat marqua un instant d’hésitation, qu’Ilyann mit à profit pour combler la distance les séparant. Alors qu’il n’était plus qu’à deux mètres, Sheamon claqua des doigts et le jeune homme s’immobilisa aussitôt, écrasé par la volonté implacable de l’exorciste. Incapable de résister, il tomba à genoux en hurlant de frustration impuissante, vaincu.

Sheamon s’approcha lentement d’Ilyann, en maintenant sa pression mentale de façon à l’empêcher de bouger sans qu’il ne s’évanouît, puis pointa son arbalète vers le jeune garçon. Il avait cessé de hurler pour le dévisager avec une haine pure, qui fit un instant vaciller la résolution du renégat.

  • Vous allez me tuer, comme vous avez assassiné tous les autres ? l’invectiva le vampire. Vous voulez finir le travail, c’est ça ? Alors allez-y, espèce de monstre !
  • Ne l’écoute pas, Sheamon, lui conseilla Jonas en raffermissant sa prise sur son épaule. Ce n’est qu’un gamin, tu le sais ! Il n’a pas à mourir, lui aussi ! Ne penses-tu pas avoir versé suffisamment de sang aujourd’hui ?

La main de Sheamon se crispa sur la poignée de son arme. Pendant un instant, il envisagea de tuer Ilyann. Celui-ci risquait en effet de leur causer des problèmes un jour et, en un sens, le supprimer ne serait-il pas le soustraire à l’enfer que serait sûrement sa vie après ce tragique évènement ? Le renégat remarqua alors parmi les victimes deux vampires, un homme et une femme, morts en se tenant par la main, symbole d’amour éphémère dans ce tombeau de souffrance et de désespoir. C’est lui qui les avait tué.

Sheamon déglutit, puis abaissa son arme, empli soudain d’un profond dégoût envers lui-même. Jonas avait raison ; il y avait eu trop de morts… bien plus que nécessaire. Alors, il redressa la tête pour soutenir le regard d’Ilyann.

  • Je pourrais te tuer d’un simple claquement de doigts, gamin, lui dit-il sur un ton à la fois calme et menaçant. Je pourrais rendre tes os plus fragiles que du verre, et ils craqueraient à la moindre contrainte, te condamnant ainsi à une éternité de douleur sans même battre un cil. Alors si j’étais toi, je profiterais de la pitié qui m’est offerte pour tenter de mener une vie tranquille loin de tout ça. Tu es le dernier vampire de Varenn. Vis pour ceux qui sont morts aujourd’hui, et ainsi leur disparition aura au moins un sens.

Puis Sheamon se détourna, adressant un signe de tête à Jonas pour qu’il le suivît. Celui-ci, soulagé, lui emboita le pas. Ilyann recommença à se débattre en hurlant des malédictions et des imprécations, mais Sheamon ne lui prêta guère d’attention. Quand il serait suffisamment loin, il le libèrerait de son emprise en espérant que celui-ci aurait la présence d’esprit de s’échapper avant que Voldra ne l’attrapât. Il pouvait survivre, puisqu’il connaissait la montagne et ses passages secrets comme sa poche. Après… Il devrait se débrouiller.

  • Triss Nocturii !

Aussitôt, le renégat se figea, tandis que le visage de Jonas passa de la stupeur à l’effroi.

  • C’est à cause d’elle que tout est arrivé ! poursuivit Ilyann avec une telle haine que ses mots parurent avoir le poids d’une prophétie énonçant une vérité immuable. C’est elle qui a amené la mort ici ! Elle nous a trahis ! Qu'elle soit maudite elle aussi !
  • Viens, Sheamon ! le pressa Jonas, en proie à une panique subite.

Mais le renégat refusa de bouger, comme s’il était hypnotisé.

  • Au nom de mon père et de tous mes camarades, je jure de venger leurs morts, provoquées par la traitrise de ceux qu’ils ont accueillis ! Je vous tuerai tous ! Que cela me prenne des mois, des années, ou même un siècle, je jure que J’AURAI MA VENGEANCE !

Les paroles d’Ilyann résonnèrent dans l’esprit de Sheamon. Lentement, très lentement, il se tourna vers Ilyann pour lire dans les yeux de ce dernier une terrible détermination. Ce regard, il le connaissait. C’était celui qu’il voyait à chaque fois qu’il se regardait dans un miroir, sombre rappel de sa propre vengeance qu’il cherchait à assouvir depuis si longtemps. Ilyann paraissait déjà transformé. Du jeune vampire amical et protecteur envers les siens, plein de bonne volonté et d’attention, il ne restait plus qu’un gamin brisé et rempli de haine qui n’avait plus qu’un seul objectif, tuer Sheamon et Triss. A cet instant, Ilyann ressemblait terriblement à Sheamon.

Et c’est pourquoi le renégat savait qu’il tiendrait parole, et peu importeraient le temps et les sacrifices qu’il devrait consentir pour y parvenir. Il savait qu’Ilyann deviendrait un ennemi redoutable qui attendrait patiemment son heure, s’opposant à eux par tous les moyens possibles. Et le moment venu, lorsqu’il serait certain de réussir, il lancerait son attaque. Sheamon était puissant, mais il n’était pas invincible et Triss encore moins. Or rien n’était plus dangereux que la détermination d’une personne qui n’avait plus rien à perdre.

De nouveau, le renégat sentit monter en lui une profonde colère, bientôt remplacée par une sombre détermination. Il avait commis des d’erreurs qui avaient coûté très cher à Triss. Cette fois, il ne récidiverait pas. Peu lui importait de salir un peu plus son âme pour protéger celle-ci.

  • Tu n’en auras pas l’occasion…gronda-t-il.

Sheamon s’avança vers Ilyann, mais Jonas s’interposa de nouveau.

  • Ecarte-toi ! ordonna le renégat.
  • Ne le tue pas ! le supplia le devin. Il divague ! Tu sais très bien qu’il serait bien incapable de vous tuer toi ou Triss, il n’en a pas le pouvoir ! Laisse-le, je t’en prie ! Jamais il ne vous retrouvera !
  • Peux-tu me l’assurer ? rétorqua Sheamon. Peux-tu me jurer que jamais il ne parviendra à ses fins ? Qu’il n’existe pas une seule possibilité qu’il réussisse ?

Jonas ouvrit la bouche pour parler… Mais il resta sans voix, les poings serrés devant son impuissance à empêcher l’irréparable. Sheamon reprit d’une voix stoïque :

  • Je connais la détermination d’un homme acculé par le destin, devin. C’est pourquoi je ne prendrai pas le risque de le laisser devenir suffisamment puissant pour mettre ses projets à exécution. Alors écarte-toi…

Jonas savait pertinemment qu’il n’aurait pas la force nécessaire pour empêcher le renégat d’agir… Alors il tenta une dernière fois de le persuader :

  • Je t’en prie, Sheamon, réfléchis bien aux conséquences… murmura-t-il avec fébrilité. En agissant ainsi, tu te haïras toi-même… Et ce n’est pas ce que Triss souhaiterait, tu le sais !

L’ombre d’un sourire sinistre étira les lèvres du renégat.

  • Mais au moins elle sera en sécurité, lâcha-t-il en dépassant le devin.

Tout en marchant, il raccrocha son arbalète à sa ceinture. Il n’en aurait pas besoin. Puis, par sa simple volonté, il libéra Ilyann de la pression qui l’empêchait de bouger. Surpris, le vampire faillit perdre l’équilibre, mais il se rattrapa in extremis en cherchant son souffle. Ses mains se saisirent de son épée et il se redressa aussitôt, menaçant Sheamon de son arme pour le tenir à distance. Son regard exprimait l’incompréhension à travers la haine qui le brûlait. Il se demandait surement pourquoi Sheamon l’avait libéré.

Le renégat ne pouvait pas lui fournir un combat équitable, car l’issue était inévitable. Mais au moins Ilyann mourrait les armes à la mains et libre de ses mouvements comme un homme libre, et non comme un criminel sur l’échafaud.

Sheamon s’avança encore, jusqu’à se retrouver tout près du jeune vampire.

  • Tu veux ta vengeance, gamin ? le défia-t-il, impassible comme la mort. Alors, viens la chercher…

Pendant un instant, le renégat lut une certaine hésitation chez le jeune vampire, comme s’il avait compris qu’il n’avait aucune possibilité de l’emporter contre Sheamon, et que sa seule chance de vengeance était de fuir pour réessayer plus tard, bien plus tard… C’était la seule décision rationnelle face à une voie sans issue, que n’importe qui d’autres aurait prise dans une telle situation. Mais Ilyann était aveuglé par la rage et la haine. Aussi, poussa-t-il un nouveau hurlement en brandissant son épée avant de se jeter sur Sheamon de toutes ses forces, poussé par le désespoir, la soif de vengeance, et peut-être l’envie de mourir…

Avec une lenteur qui lui parut infinie, le renégat leva la main vers son adversaire, trompant la garde de ce dernier pour atteindre sa poitrine. Sa puissante magie se déversa dans sa paume, produisant un éclat de lumière blanche de plus en plus scintillante, comme un torrent que rien ne pourrait arrêter.

  • Division, ordonna-t-il.

A suivre...

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