Chapitre 2

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Il fait chaud et sec. Une odeur de fumée et un bruit de buches qui craquent dans l’âtre. Suis-je au Valhalla ? J’ouvre péniblement un œil. Il fait nuit. Une toiture de bois solide, des murs bardés de bois et de pierres, des peaux de bêtes étalées au sol et accrochées aux parois pour garder la chaleur. Ça ressemble tellement à la maison où j’ai grandi, entourée par l’amour d’une mère d’adoption et d’un garçon qui fait battre mon cœur plus vite. Si le Valhalla ressemble à ça, c’est véritablement le paradis de Freyja et non celui de Hel. Ça me semble si réel que ça en devient irréel.
Un mouvement sur la droite attire mon regard. Tournant péniblement la tête, je découvre Flock, endormi dans un fauteuil, une couverture glissant le long de son torse, dévoilant des pectoraux parfaitement dessinés. Il ne peut être mort. C’est tout simplement impossible. Ou alors je ne suis pas morte et il m’a ramenée chez lui. Ça me semble tout aussi improbable que le Valhalla. Mon corps refusant de bouger, je reste clouée au lit et ne tarde pas à m’endormir.

Je me réveille, aveuglée par un rayon de soleil. Je me débats avec la lourde couverture pour la tirer plus sur mon visage. Un rire léger résonne et une grande main m’enlève ma protection. Je gémis. Je veux juste dormir quelques minutes de plus. J’entends du bois creux se poser sur une surface avant de sentir des doigts rugueux parcourir la peau de mon bras et des lèvres frôler ma mâchoire. Un frisson me parcourt et je m’oblige à ouvrir les yeux. Pour en rencontrer deux verts émeraude, brillants, malicieux et intelligents. Je les reconnaitrais entre mille. Un seul homme possède ces yeux qui font battre mon cœur à la chamade. Je ne suis donc pas morte mais bien chez le chef de clan.

  • Notre belle endormie se réveille enfin ? Tu m’as fait peur, tu sais. J’ai essayé de te retenir quand tu es tombée mais tu t’étais déjà évanouie. Je suis désolé de ne pas avoir remarqué dans quel état tu étais avant de partir.
  • Ne t’inquiète pas, ce n’est rien. J’ai juste cru que j’étais au Valhalla.
  • Non ! Ne dis pas ça ! Tu as déjà dormi pendant quatre jours et cinq nuits. Je n’aurais pas supporté voir les Valkyries venir te prendre à moi.
  • Je ne voulais pas partir mais j’ai peur des conséquences de ton acte.
  • Quoi ? Tu as peur que le reste de la ville prenne mal le fait que je t’accueille chez moi pour te protéger de l’hiver et pour t’aider ? Nous ne sommes pas obligés de leur dire directement nos plans.
  • Quels plans ? Ceux où je deviens ta femme ? Ceux où je deviens la mère de tes enfants ? Ceux pour lesquels il faudrait penser à m’affranchir et à faire évoluer les mentalités d’une grosse centaine de personnes ? Soyons réalistes, tout ça est impossible.
  • Pas impossible. Ça sera long et parfois douloureux mais tout est réalisable. Je t’ai déjà affranchie. Il y a des années, même. Mais ça n’a pas eu l’effet escompté...
  • Tu... Tu m’as affranchies il y a des années ? C’est une blague ! Je crois que je le saurais si j’avais été libérée.
  • C’est pourtant ce qu’il s’est passé. Tu peux aller voir les registres, tu as été enlevée de celui des esclaves et ajoutée à celui des membres du clan. C’était il y a trois ou quatre ans.
  • Mais... Alors... Pourquoi se sont-ils tous encore comportés comme si j’étais une moins que rien ?
  • La jalousie. C’est tout ce que j’ai trouvé. Les femmes t’en veulent parce qu’elles savent que tu vas être mon épouse et les hommes veulent venger leurs filles qui ont perdu la chance de devenir la femme du chef.
  • C’est... des enfantillages. Seuls les enfants de bas âge se comportent ainsi. C’est mesquin et gamin.
  • On ne peut pas demander à la terre de passer de l’hiver à l’été d’un seul coup. C’est impossible. Mais lentement et surement, l’hiver disparait pour laisser venir l’été. Les hommes sont pareil. Sois patiente. Ils changeront ou ils mourront tous.

Il pose ses lèvres chaudes sur les miennes, se relève et m’aide à en faire autant pour que je puisse manger. Quelques minutes plus tard, la porte d’entrée s’ouvre avec fracas. Flock retourne dans l’immense salle de réception, me lassant seule pour finir mon bol d’avoine. Une voix grave et agressive retentit. Je la reconnais. C’est celle de Bjorn. Et il est très en colère. Il menace Flock d’une révolte s’il ne me chasse pas. Celui-ci garde son calme. Du moins dans sa voix car je sais qu’il est furieux. Le ton monte rapidement et je ne peux pas rester derrière à me cacher. Je me lève et remarque enfin qu’on m’a habillée d’une des robes de l’ancienne maîtresse des lieux. Je souris en passant la main sur la lourde étoffe de laine de yack mais je ne me permets pas de m’attarder là-dessus. Je contourne la cheminée et découvre les deux hommes qui s’empoignent. Bjorn a l’avantage de la carrure et de la taille mais Flock est plus rapide et fort, sans compter qu’il est plus intelligent.
Je viens poser ma main sur son bras, le tire doucement vers moi, attirant l’attention des deux hommes. L’intrus réagit en premier, m’attirant à lui, le visage fermé et ses yeux stupides brillants de rage. Je reste calme et me laisse faire. Il se met à me hurler dessus mais je ne l’entends pas. Lentement, je me positionne. Il ne le sait pas encore, mais il va souffrir. Des années de colère refoulée remontent à la surface. Quelqu’un va payer de ma torture et Bjorn est celui qui va le faire.
Mon genou monte rapidement et touche sa cible à la perfection. Mon poing suit et atterrit dans son estomac. Je le fais redescendre vers le service trois pièces, l’empoigne et tourne. Il hurle de douleur et de rage mais il me lâche et glisse à terre. Je n’attends pas. Mon pied trouve son visage et je sens son nez se casser sous mon coup. Du sang jaillit mais je ne faiblis pas. Je continue à frapper, jusqu’à ce que Flock intervienne. Un sourire flotte sur ses lèvres et il se met entre ma victime et moi. Bjorn crache encore un peu de sang avant de nous foudroyer du regard.

  • Tu comptes sérieusement épouse cette furie ? Elle est complètement folle ! Personne ne l’acceptera jamais !
  • C’est là que tu te trompes, Bjorn. Elle n’a fait que de rendre la monnaie de sa pièce. Malheureusement pour toi, c’est toi qui t’en es pris plein la gueule. Maintenant dégage avant que je ne te tue moi- même.
  • Vous allez le payer ! Personne ne vous suivra et vous finirez morts dans votre lit !
  • C’est une menace ? Bjorn, tu devrais dégager comme Flock te l’a gentiment proposé sinon je t’arrache les couilles et je te les enfonce dans la gorge jusqu’à ce que tu étouffe.
  • Sorcière ! Tu aurais dû mourir avec ta mère !
  • Bjorn. Dernier avertissement. Dégage ou je t’étripe pour l’exemple.

Ce dernier se relève difficilement, nous jette un dernier regard noir et sort en boitant. Flock se tourne vers moi, souriant à pleines dents jusqu’à ce qu’il voit mes mains et mes pieds ensanglantés. Je me suis blessée en frappant Bjorn mais la colère m’a empêchée de sentir la douleur. Maintenant que je me calme, celle-ci apparait enfin. Grommelant contre les idiots du village qui se croient meilleurs que les autres, je retourne dans la chambre pour me laver. Une fois que c’est fait, je me retourne enfin vers l’homme furieux et inquiet qui se tient dans mon dos. Il prend l’onguent posé sur la table de chevet, me fait m’asseoir sur le lit et en met sur les éraflures avec une douceur inattendue.

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