Chapitre 10

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Quand nous sortons enfin de la maison, nous découvrons des rues saccagées, les tonneaux renversés, répandant leur contenu sur le sol encore gelé, des morceaux de bois partout, des portes à moitié enfoncés portent des traces de griffes larges, des fenêtres ont explosé et un peu de sang relie la bergerie à la forêt. Les loups sont passés et ont emporté avec eux un mouton. Rien de bien grave, quatre brebis attendent des petits et les portes et les tonneaux sont remplaçables. Higre grimace et essaye d’échapper à l’attention de tous mais je vois qu’elle porte trois nouvelles traces sanglantes sur ses bras.

Je m’éclipse et la suis jusqu’à chez ses parents. Elle n’a pas l’air surprise de me voir, comme si elle avait attendu ma venue. D’une voix grave et secouée de sanglots, elle me raconte qu’un grand loup noir est entré dans sa chambre la nuit dernière, s’est transformé en homme, l’a violée puis lui a dit que Grunt avait payé pour ses actes de trahison envers la ville. Je ne comprends pas tout et elle non plus, manifestement. Je vais à nouveau devoir m’en référer à Flock et aux quelques savants que compte la population. Je lui recommande tout de même d’aller voir un soigneur pour son bras et prends congé d’elle. Mon cerveau est à nouveau en ébullition et les questions affluent encore une fois. Si la vie d’une femme de Jarl est de se poser 36.000 questions par jour pour comprendre tout ce qu’il se passe, je vais devoir me faire des réserves de glace pour faire passer mes migraines et un bon tonneau d’hydromel pour essayer de les oublier.

La nouvelle du viol de Higre par un homme-loup se répand rapidement en ville. La pauvre n’ose plus sortir et les femmes lui apportent régulièrement de la nourriture et des vêtements propres ainsi qu’un bac d’eau chaude. Tous semblent soulagés que la malédiction de Grunt soit partie avec lui mais peu semblent se demander pourquoi il a été maudit et quelles sont les causes de sa trahison, si on reprend ce que m’a raconté son ancienne fiancée.

Cependant, je n’ai plus le temps de réfléchir à toutes ces questions douloureuses car le départ des expéditions est prévu pour très bientôt. L’excitation reprend le dessus sur la peur, les enfants courent à nouveau partout, semant le désordre là où ils vont, les adultes préparent les provisions pour ceux qui partent et les autres retournent dans les champs pour finir les dernières semailles. Déjà, les fleurs laissent place aux premiers fruits de la saison, les céréales et les légumes poussent. Le miel coulent des nids des abeilles et est récupéré par quelques courageux pour en faire de l’hydromel et pour le conserver. Le bétail est retourné dans les prés, étroitement surveillé par les bergers et les fermiers qui ont décidé de ne pas partir cette année. Les femmes tissent la laine pour en faire des voiles et des vêtements et veillent sur les bambins à tour de rôle.

Je sens en moi-même un changement. Ma poitrine a forci, mon appétit a augmenté étrangement fort et je ne me sens pas bien au matin ou quand je sens une odeur trop forte. Inquiète, je vais voir les soigneurs en espérant qu’ils auront une réponse à mon mal. Leurs mains se baladent sur mon ventre, tapent doucement dessus, l’oreille collée juste à côté pour percevoir un retour puis me sourient de manière entendue. Habituellement, quand ils sourient comme ça, ça n’augure rien de bon.

À bout de patience, je leur exige une affirmation à mes inquiétudes. Ils se regardent, se concertent du regard et m’annoncent en cœur que j’attends un enfant. Choquée, mes jambes ne supportent plus mon poids et je m’effondre, rattrapée de justesse par un assistant. Je veux bien reconnaitre que depuis la mort de Grunt, Flock a repris ses activités nocturnes et pas que la nuit d’ailleurs, tirant parti de chaque instant où nous pouvons nous isoler dix minutes, mais de là à avoir un enfant... c’est une autre histoire...

Je ne sais pas comment je vais le lui annoncer et comment il va réagir à cette nouvelle. Va-t-il tout de même partir en expédition, demain, ou va-t-il tenir à rester prendre soin de moi ? Et s’il ne voulait pas de l’enfant ? Ou s’il n’en voulait pas avant le mariage ? Selon les estimations, il devrait venir au monde à la fin de l’hiver. Ça voudrait dire que je vais me marier avec le ventre rond comme une besace et qu’il va falloir que je crée une nouvelle robe. Marchant sans but, je prends plusieurs heures avant de rentrer à la maison et en faisant attention à éviter toute personne avec l’impression d’avoir un écriteau au-dessus de la tête criant que je suis enceinte et que mon ventre est déjà trop arrondi.

Arrivée à la maison, je reste encore quelques instants à observer le soleil qui se couche, formant des phrases dans ma tête. Comment bien tourner les choses pour qu’il les prenne bien et qu’il ne s’inquiète pas ? Après tout, il sera parti pendant quatre longs mois et ne reviendra que pour le mariage, juste après les moissons et avant l’hiver... Je retourne le problème une millième fois dans ma tête. Le bruit de la prote qui s’ouvre derrière moi me tire de mes réflexions. Je tourne lentement le visage vers mon fier chef en essayant d’avoir l’air sereine. Manifestement, c’est raté. Il s’assied à côté de moi, regarde quelques minutes le soleil puis me dévisage, essayant de percer le secret que je lui cache. Je cache mes yeux sous mes cheveux mais il les retire et les remet derrière mon épaule.

- Que me caches-tu, à la fin ? Personne ne t’a vue de la journée et tu réapparais au coucher du soleil, muette et troublée. Il s’est passé quelque chose ? On t’a fait quelque chose ?

- Non. Personne ne m’a rien fait. On devrait parler à l’intérieur. Je ne veux pas déranger le reste de la ville avec des éclats de voix.

- Des éclats de voix ? Ma Fraya, dis-moi ce qu’il se passe, au nom de Vor !

- Rentrons et je t’expliquerais tout, répondis-je en passant la porte puis la fermant sur lui. Je... Je ne sais pas par où commencer...

- Par le début, ma douce. Prends une chope de bière ou d’hydromel, asseyons-nous et explique-moi tout depuis le début.

- Pas d’alcool. Pas pour le moment. C’est surtout toi qui devrait prendre à boire.

- Arrête de tourner autour du pot et parle !

- C’est bon ! Promets-moi juste de m’écouter jusqu’au bout, sans t’énerver ni tenter de faire quoique ce soit.

- Promis. Parle.

- Depuis quelques semaines, on a repris beaucoup d’activités au lit. Non pas que ça me dérange, au contraire. Enfin bref. Quand un homme et une femme ont beaucoup d’activité sexuelle, il arrive souvent qu’un enfant vienne pointer le bout de son nez. Et c’est ce qu’il se passe. Je suis enceinte de toi. Par pitié, ne m’en veux pas. Je sais que c’est un mauvais moment avec le départ de l’expédition demain, le mariage à votre retour, les moissons et tout ça mais... je sais pas. Je devrais être heureuse de porter notre enfant mais j’ai eu peur. Peur que ça finisse comme avec Tarin et Heimden ou que tu ne veuilles plus partir ou que je perdes l’enfant quand tu seras loin et... et...

- Mon tendre amour, tu ne pourrais me rendre plus heureux. Je comprends pourquoi tu as pris peur et pourquoi il t’a fallu autant de temps pour revenir. Je ne t’en veux absolument pas. Frigg toute puissante, je n’ai jamais été aussi heureux de toute ma vie ! Je partirai demain et te reviendrai le plus tôt possible pour m’occuper de toi. De vous deux.

- Tu es sûr que ça ne te dérange pas ? Je veux dire, mon ventre sera bien visible au mariage et j’ai peur des commérages et des conséquences.

- Il n’y en aura pas ! J’ai juré de te protéger et personne ne te fera plus de mal. C’est enfin un signe physique de la réconciliation entre hommes libres et esclaves, tout ce que nous voulions. Si ce sont les commérages qui te font peur, je donnerais des ordres pour qu’il n’y en ai pas et qu’on s’occupe de toi en permanence.

- Pas en permanence, il n’y en a pas besoin. Du moins pas tout de suite. Mon Jarl. Je t’aime. Reviens-moi vivant et en un seul morceau.

- Je te reviendrai toujours, même si je dois traverser la mer à la nage, je le ferai.

Des larmes coulent le long de nos joues. Il me prend dans ses bras, délicatement, me serre un peu puis descend son visage à la hauteur de mon ventre. Il l’observe, le tâte un peu et l’embrasse avec vénération. Il relève des yeux brillants vers moi et je ris de bonheur. Il se relève, me porte avec délicatesse jusqu’à notre lit où il me pose avec la même attention, se déshabille et me rejoint sur les peaux. Son membre en érection me parait si énorme que je m’étouffe en le voyant. Est-ce que tout ça rentrait avant ? Est-ce que ça rentrera encore ? Rien ne saurait me le dire, sauf de passer à l’action. Avec une lenteur délibérée, il remonte ma robe et me l’enlève. Il me regarde droit dans les yeux quand sa main se perdent entre mes cuisses, jouant avec mon sexe. J’halète, perds la notion du temps et dans ses mouvements. Il se place au-dessus de moi et me prend comme si c’était notre première fois.

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