Chapitre 16

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La belle saison est terminée maintenant. Déjà, les premières gelées ont sévi, détruisant les dernières plantes tardives. Heureusement, les réserves sont bien remplies, malgré les nombreux mariages et l’avalanche de nourriture qui a été dévorée. Les neiges sont aussi arrivées, ensevelissant sous des tonnes de poudre blanche la forêt et la ville. Ceux qui habitent le plus loin du centre sont rentrés dans la grande salle où ils sont plus en sécurité et au chaud. Dans mon ventre, le bébé bouge beaucoup et le fait grossir de plus en plus, m’empêchant de bouger comme je le voudrais. Je ne peux plus me pencher, porter des choses lourdes ou de faire des bêtises. Du coup, nos nuits sont plus calmes mais j’ai du mal à trouver une bonne position et je finis toujours enroulée autour de Flock, ce qui n’est pas pour lui déplaire.

L’hiver se fait de plus en plus rude. Cette année, tout le monde vient trouver refuge dans la grande salle. Tous apportent leurs propres réserves avec eux, ce qui augmente celles de la maison centrale, et qui n’est pas pour déplaire aux plus gourmands, ni à moi d’ailleurs... On me réclame sans cesse plus de nourriture et j’ai dû instaurer des quotas pour que tout reste équitable, en comptant en priorité les femmes enceintes comme Tarin et moi ainsi que les anciens et les enfants. Certains râlent mais, dans l’ensemble, tout le monde semble y trouver son compte.

Avec autant de monde sous un même toit, les conflits se multiplient et sèment la confusion entre les villageois. Flock fait de son mieux mais gérer deux cent personnes d’un coup, ça fait beaucoup, même pour le grand chef qu’il est. Alors je l’aide autant qu’il me laisse faire, résolvant les problèmes par la parole plutôt que par les gestes, ce qui ne m’empêche pas de mettre plusieurs déverrouillées aux plus incorrigibles, ce qui détend tout le monde.

Le temps passe trop lentement et ça commence à taper sur les nerfs de la majorité des gens. Les bagarres se multiplient et la nourriture commence à manquer. Le rationnement ne fonctionne plus suffisamment et les remarques se font nombreuses à cause de la faim. Heureusement, le soleil réapparait à travers les nuages, laissant la possibilité de sortir se défouler et de renouveler l’air qui sent un horrible mélange de transpiration et d’autres odeurs corporelles peu accommodantes au fil du temps. Ça fait du bien de prendre l’air.

Dans mon ventre, le bébé bouge beaucoup dans le peu d’espace qu’il lui reste, le faisant onduler sous les coups. Par derrière, Flock me prend dans ses bras et pose ses mains sur le bas arrondi, son menton niché dans mon cou à me faire des petits bisous qui me font trembler. Devant nous, les gens se baladent les pieds dans la neige, se balancent des boules de neige ou se courent après en riant. Enfin, ils pourront rentrer chez eux et retourner à leurs occupations et nous nous retrouverons seuls pour quelques semaines avant la naissance de notre enfant.

Lentement, au fil des jours, la population retourne chez elle en laissant derrière elle des lits vides, de maigres provisions ainsi que quelques possessions qui seront rendues à leurs propriétaires plus tard. Pour ma part, je reste pratiquement constamment allongée toute la journée. De faibles contractions viennent et repartent aussi vite. Les femmes accoucheuses ne me quittent plus du regard, à l’affut du moindre signe du début du travail. Je deviens folle à rester à ne rien faire mais je sais que c’est nécessaire alors je prends mon mal en patience et les laisse faire e qu’elles veulent. Flock tente de tout gérer seul, comme quand il n’était encore qu’un célibataire, mais la charge émotionnelle est parfois trop forte pour lui. Dans ces cas-là, il vient me rejoindre, se couche à côté de moi et me prend dans ses bras. On parle un peu, je l’apaise avec quelques mots et des baisers, puis il repart à la charge.

Les habitants qui vivent au plus près de la grande maison sont rentrés chez eux, laissant ceux qui viennent des périphéries. Mais eux aussi commencent à en avoir assez de rester avec nous et désirent retrouver leurs maisons. Cependant, la neige est encore trop importante, même si l’hiver est terminé, et joue les prolongations. Tout comme le bébé. Je suis inquiète et je vois bien que les soigneurs et les femmes accoucheuses sont également inquiets. Régulièrement, ils viennent vérifier si tout va bien, si les contractions n’accélèrent pas ou si je n’ai pas perdu les eaux. Mais rien à part quelques faibles mouvements qui montrent que l’enfant vit toujours en moi. Tarin et Ygri me tiennent compagnie la journée, laissant la place à Flock à la tombée de la nuit mais aucune distraction n’arrive à me détourner de mon bébé. Les jours passent lentement et dans une tension de plus en plus palpable. Souvent, à travers les rideaux, j’entends les gens parler de moi, leur préoccupation pour moi est aussi touchante qu'énervante.

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