Chapitre 8 : Vers une nouvelle vie (2e partie)

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 Le temps de rassembler nos affaires et nous chevauchions de nouveau côte à côte dans cette nature sauvage. Nous avions choisi pour l'heure d'éviter les routes pour limiter le risque de mauvaises rencontres. Cela nous mettait à la merci des variations de la nature du terrain, nous obligeant régulièrement à contourner des obstacles naturels mais nous gardions le cap, nous fiant à la position du soleil.

 Le temps était en train de changer quand arriva la fin de journée. Tous les oiseaux s'étaient tus subitement. De lourds nuages commencèrent à s'amonceler dans le ciel, offrant des formes variées et toutes sortes de nuances du blanc au violet en passant par des gris du plus clair au plus noir. Le soleil couchant laissait filtrer par moment des rayons rouge sanguin. C'était magnifiquement effrayant. Le vent se leva.

 Comme un fait exprès nous étions dans une plaine. Pas le moindre abri à proximité. Geralt jura grossièrement.

– Je n'aime pas du tout ce que je vois, un pli soucieux barrait son front, à la vitesse où ça s'installe il faut qu'on essaie de monter de quoi nous protéger tout de suite.

 Il descendit souplement de cheval et j'en fit autant. Nous fîmes rapidement l'inventaire de ce que nous avions à disposition : une toile enduite (merci Rodric !), deux couvertures, de la ficelle et c'était tout. Je repensai à l'ingéniosité de mon mari : s'il avait été là il aurait su quoi faire. Je réfléchis à haute voix :

– Il faut trouver le moyen de tendre la toile pour qu'elle nous abrite… mais à quoi? Un éclair de génie me traversa. Aux chevaux ? J'ai vu Ablette accepter de rester allongée à ta demande, je ne sais pas si Orage acceptera…

 Le vent mugissait à présent autour de nous. Le ciel était de plus en plus noir. Geralt fit coucher Ablette et commença a fixer la toile à sa selle et à son filet. Il lui parlait d'une voix douce et apaisante. Je vins poser mon front contre celui de ma jument, lui caressant les naseaux.

 Je la voyais inquiète, frémissante, prête à s'enfuir. Geralt me rejoignit et vint la flatter de sa main, mêlant sa voix étonnamment douce à la mienne. Il fit un Signe et je vis les paupières d'Orage commencer à se fermer mais elle luttait. Geralt fit à nouveau le Signe tandis que je lui saisissai un antérieur pour l'amener vers la position allongée. Geralt en profita pour la pousser avec douceur vers l'arrière, l'obligeant à engager les postérieurs. Orage céda et s'allongea, endormie. Nous achevâmes de fixer notre toit de fortune juste à temps. De grosses gouttes de pluie commençaient à s'écraser autour de nous quand nous nous glissâmes dans notre abri. Nous avions rabattu la toile autant que possible sur le corps et la tête des juments afin qu'elles soient aussi protégées, l'une et l'autre.

 Dehors les éléments se déchaînaient. C'était à présent des trombes d'eau qui s'abattaient au dessus de nous, glissant sur notre toit de fortune pour dévaler en cascade le long du flanc d'Orage. Le vent parvenait à se glisser dans notre abri, nous éclaboussant quelques peu de la pluie qu'il entraînait Des éclairs illuminaient presque en continu la nuit noire et le tonnerre n'en finissait pas de gronder et de rouler autour de nous.

 Les hurleurs étaient de la partie : j'entendais leur cris lugubres qui me glaçaient le sang. J'étais enroulée dans une couverture et blottie dans les bras de Geralt qui, me faisant rempart de son corps, ronflait paisiblement. Comment diable pouvait-il dormir dans de telles conditions ?! Moi je n'y parvenais pas, même si c'était bon de le sentir contre moi. Sa présence et celle des chevaux me faisaient me sentir protégée malgré notre situation précaire. J'étais épuisée. Je somnolai par à coup, incapable de me laisser aller vraiment au sommeil. Je finis par m'endormir quand l'orage s'éloigna enfin. La pluie, elle, perdura.

 Je m'éveillai en sentant Orage bouger près de moi. Elle essayait de se relever ce qui était une très mauvaise idée étant donné notre organisation. Je tentai de l'apaiser et m'empressai de détacher la toile pour la libérer. Je me retrouvais donc bêtement sous la pluie, ma jument contrariée en main. Geralt émergea un peu hébété de sous la toile qui venait de lui tomber dessus.

– Bonjour, lui lançai-je, as-tu bien dormi ? Comme tu peux le constater il fait un temps charmant !

 Il s'ébroua, enfila sa cape pour se protéger et me lança la deuxième. Il libéra Ablette et nous remballâmes rapidement toutes nos affaires. Nous mangeâmes un peu de pain et de viande séchée tout en chevauchant sous la pluie. Nous fûmes bientôt trempés et, pour ma part au moins, passablement grincheux. J'avais froid. La pluie avait fini par imbiber la cape qui pesait à présent très lourd sur mes épaules. J'étais sale, boueuse, dans les mêmes vêtements depuis trop longtemps. J'étais aussi fatiguée après cette nuit d'orage où j'avais si peu et si mal dormi. Je me surpris en train de grommeler, bougonner et jurer de très vilaine façon. J'avais tout simplement envie de hurler ma rage de cette situation. D'ailleurs il n'y avait personne alentours. Je pris une grande inspiration pour crier... et éclatai bêtement en sanglots bruyants, reniflant à qui mieux mieux avant de me moucher dans ma manche. "Voilà que tu vires hystérique ma pauvre fille ! De mieux en mieux ! Encore une découverte sympathique sur toi-même !" Me tançai-je intérieurement. Geralt me tapota dans le dos et me dit, pragmatique :

– Je vais nous trouver une auberge pour cette nuit. J'ai comme l'impression que tu as besoin d'un peu de confort.

 Il accéléra ensuite l'allure, passant devant moi pour ouvrir la voie. Je passai le reste de la journée à me répéter mentalement, comme un mantra, que je serai bientôt au chaud et à l'abri. C'est ce qui me permit de supporter ces heures interminables passées sur la pluie.

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