Chapitre 29 : Nuit magique

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 Nous suivîmes Elenwëe à travers le village pour gagner un petit sentier serpentant entre les arbres vers l’Ouest. Elle marchait en tête, suivie de Geralt, et Rodric fermait la marche derrière-moi. Impossible de tenir de front tant la végétation était luxuriante tout autour de nous. J’avais laissé quelques mètres entre Geralt et moi pour éviter qu’il ne me bouche la vue avec sa grande carcasse.

 J'observais les plantes qui poussaient de part et d’autre de ce chemin tracé par des passages successifs. Elles étaient vraiment extraordinaires : les fougères géantes se disputaient aux arbustes fleuris entrelacés autour des arbres pluri-centenaires qui déployaient leurs ramures au-dessus de nos têtes. La lune, filtrant à travers les feuillages, éclairait le tout de sa lumière argentée donnant à la scène un aspect irréel. Le mélange enivrant du parfum des fleurs et de l'humus venait compléter ce tableau enchanteur.

 Geralt s’arrêta soudainement devant moi. N’y voyant plus rien, je me retournai vers Rodric qui me surplombait de pas loin de deux têtes. Il haussa les épaules : Elenwëe avait semblait-il disparu mais, Geralt apparaissant serein, nous ne nous inquiétâmes pas. Nous attendîmes ainsi quelques minutes en silence puis la marche reprit sans que je sache au juste ce qu’il s’était passé. J’entendis alors le chant de la source et bientôt nous débouchâmes dans une clairière.

 Je ne pus retenir une exclamation de ravissement tant l’endroit apparaissait féérique : la source coulait d’un rocher en granit sur lequel poussait un immense arbre majestueux et moussu. Il était couvert de jeunes feuilles trilobées et de fleurs délicates que je devinais blanches ourlées de rose et dont le parfum extraordinaire m'envoûtait. Ses branches se déployaient démesurées au point que la forêt semblait lui avoir laissé cette enclave rien que pour lui, les arbres alentour formant un cercle quasiment parfait à plusieurs mètres de lui. L’eau ruisselait sur le granit aux inclusions scintillantes et s’écoulait dans des bassins à débordement successifs qui contournaient l'extraordinaire végétal pour ensuite se déverser en un ruisseau rieur. Une brume flottait au-dessus de ces bassins spacieux et invitants, indiquant la chaleur de l’eau qui s’y trouvait.

 Comme pour ajouter à la magie du lieu, une multitude de lucioles voletait dans toute la clairière, mêlant leur lumière chaude à celle argentée de la lune. Des insectes stridulaient dans les herbes et un rossignol chantait. Mon cœur se gonfla de gratitude d’avoir la chance de poser mes yeux sur un endroit aussi merveilleux. Je saisis les mains d’Elenwëe pour la remercier chaleureusement de nous partager cet endroit. Elle rougit un peu, curieux à observer sur sa peau verte, puis m’offrit un sourire éclatant. Pas besoin de traducteur pour ce message-là.

 Elle nous emmena dans une petite hutte végétale dissimulée en périphérie de la clairière, nous montrant qu’il y avait là de quoi s’essuyer après la baignade, prit ce dont elle avait besoin puis entraîna avec enthousiasme Geralt par la main pour le mener à l’un des bassins de l’autre côté de l'arbre. Bientôt nous les entendîmes glousser de concert, ce qui ne laissa aucun doute sur leur occupation.

 Rodric et moi échangeâmes un regard amusé et gourmand. Mon excitation du matin, qui s’était un peu calmée, remonta de plus belle, me crispant délicieusement le bas-ventre dans une chaleur intense irradiant mon intimité. Je me mordis les lèvres, attendrie et pleine de désir, en regardant l’homme que j’aimais tenter péniblement, d’une main, de se déshabiller. Il avait joyeusement enlevé ses bottes, bataillé un instant avec sa ceinture pour faire tomber son pantalon sur ses chevilles et était en train de réfléchir à comment se débarrasser du haut sans se faire mal :

– Tu comptes rester à me regarder ou tu me files un coup de main ?

 Je pris plaisir à défaire lentement les boutons de sa chemise, laissant glisser mes doigts sur sa poitrine velue. Il frissonna à mon contact. Les hématomes sur son abdomen musclé avaient presque disparu sous l’effet de la potion de Geralt. Les voir me réactiva la peur que j’avais eue de le perdre le matin même. Une vague d’émotion me submergea, me coupant le souffle. Les larmes me montèrent aux yeux. Rodric réagit aussitôt en m’attirant contre lui de son bras valide.

– Je suis en vie Gaëlliane… Je suis en vie et je ferai tout pour le rester. Je t’aime. Je ne veux plus perdre de temps à être en colère pour t’aimer. La vie est trop fragile pour ça… Allez, sèche tes larmes, ça va aller.

 Je restai blottie un moment contre lui, sanglotant de tout mon soûl puis levai mes yeux vers lui pour me perdre dans son regard océan. Il posa sa grande main sur ma joue pour essuyer mes larmes de son pouce, puis vint me caresser les lèvres délicatement.

 Cela m’avait fait du bien de pleurer, sentir son corps chaud et solide contre le mien aussi, sa main sur mon visage, la douceur de ses gestes et de ses mots. Ses lèvres remplacèrent son pouce. Je lui rendis son baiser avec douceur puis passion, glissant ma langue à la rencontre de la sienne. Ma tristesse et ma peur se calmèrent. Le désir reprenait le dessus accompagné de cette envie sauvage, impérieuse, de profiter pleinement de l'instant présent.

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