Chapitre 6 - Super bahut

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- Une plaquette de paracétamol, s'il-vous-plaît.

- Onze Francs, merci.

Voilà ce que l'on obtient quand on veut jouer les gros durs.


Le jour suivant mon altercation avec Gisèle, je me suis réveillé dans la cave. C'est pas que je me suis laissé faire, mais disons que le voisinage n'a pas beaucoup apprécié notre échange « amical » à haute sonorité. En effet, la bruyante conversation « sympathique » que Gisèle et moi avions entamés, ce soir-là, en a irrité plus d'un. Ces balourds de voisins se sont bousculés à la porte pour mettre fin à notre « petite entretien inoffensif ». Seulement, ils ne se sont pas contentés de rester dans le rôle de spectateurs. Il fallait aussi qu'ils s'incrustent dans l’échange et ce, en faveur de Gisèle, bien-sûr.

Dans quelle dispute bisexuelle les gens viendraient-ils pour défendre l'homme ?

Ça n'a certainement pas encore été inventé, ça.

En tout cas, elle avait bien besoin d'aide. Je ne me suis pas laisser aveugler par la nature du sexe adverse. Si, les voisins ne s'étaient pas interposés entre nous, je lui aurais éclaté sa vieille tronche de piaf. Enfin, même si j’ai dû me faire mettre des pansements à l'infirmerie et qu'elle en est restée indemne, c’est quand-même moi qui me suis tapé le haut de l'immeuble cette nuit-là. La cave avec ses conditions de vie rudes ne m’ont laissé aucun répit. Et comme par magie, il a plu. Ce qui explique ma sortie de la pharmacie le lendemain. Je dois me rendre au lycée tout fiévreux et balafré.

Un monde cruel !


- Bonjour Sébas. Qu'est-ce qui t'es arrivé ? Me demande la CVS du bahut.

Ma douce Angéla, toujours aussi belle et attentionnée !


- Salut toi, lui dis-je d'un air de gros dur – Ce même air de gros dur qui a failli me couté la vie, la veille - Ah ! Tu parles de ça ? J'me suis fait foudroyer en revenant de la campagne, hier. Rien de bien particulier !

Merde ! Franchement, je ne sais pas d'où m'est venu le talent de sortir de telles conneries.

Ça y est ! C'est devenu ma marque de fabrique.

- Aïe ! Réplique-t-elle d'un sursaut qui entraîne son aguichant physique dans un long et à la fois court tremblement de ses parties les plus ondulées.

Même son tailleur beige n'arrive pas à tenir le coût à ce moment-là.


- Es-tu allé voir ta mère comme tous les mardis ?

Une fois, je lui aie dit que je me rendais en campagne les mardis. Ça m’a excusé d’une absence à la réunion des professeurs.

J'avais trop le trac ce jour-là. Je ne savais pas comment réagir si je me retrouvais avec d'autres enseignants... d'autres enseignants comme moi... mais, plus vieux.


- Ce n’était pas très douloureux, j'espère ?

- Juste pendant les quarante premières minutes.

L'essentiel, c'est qu'elle me croit.

- Oullà ! Ça doit être ce qui te rend la peau aussi humide et délicate.

- A… aie ! Ça doit l'être, en effet.

- Haha ! T'as toujours des histoires aussi drôles.

Angela se tortille de rire soudainement.


- Ah non ! Les enfants m'ont déjà assez congratulé de moqueries, ce matin. Alors, tu ne vas pas t’y mettre aussi. En tout cas, merci, mais non merci.

Je passe mon tour !


- Haha ! Tu es un vrai goguenard, toi.

Pourquoi continue-t-elle de se marrer ? Ne me croit-elle pas, en fin de compte ?


- Se faire foudroyer. Haha ! Il n'y a que toi pour vivre ce genre de situation, Mordécaille.

Mort de rire !

(Boom !!!)

Encore une pluie !


Si hier, le tonnerre ne m'a pas touché, aujourd'hui, il ne va pas m'épargner.

Je n’aurais pas dû raconter une fausse histoire à Angéla. Je risque d’être rattrapé par le karma.


Je me suis endormi. J'attendais les élèves pour les cours de l'après-midi, mais, ils ne risquent sûrement pas de venir de par un temps pareil. L'administration est fermée. Le lycée est vide. Ils ont tous probablement fugués en raison du temps menaçant. Moi, je me retrouve allongé au fond d’une salle de classe. C’est pour ça que personne ne m’a vu et interpellé.

C’est drôle ! L'ambiance est... différente. Je dirais même … agréable. J’ai du mal à reconnaître le bahut. C’est presqu'un rêve d'y être en ce moment. Les murs vitrés tagués d'encolures de goûtes de pluies enjolivant l'image presque trop clichée et parfaite de la ville : La circulation des véhicules haut en couleurs ; les immeubles de diverses tailles et formes ; les passagers tous trop pressés d'échapper au carnage climatique ; les parapluies volants vers le ciel brusquement arrachés à leur propriétaire par la fureur du vent pluvieux. Mon corps glacé, presque givré par le temps effroyable, par l’émotion. Une émotion encore nostalgique, toujours autant infantile, me rappelant l'enfance que j’ai passé sans m’en rendre compte, saccagée de chagrin et de tristesse par la disparition prématurée de mon père, et beaucoup trop préoccupé à l'idée de grandir vite - En tout cas, juste assez pour ne plus avoir à m'emporter facilement aux sentiments comme un gamin - Les couloirs vides laissant entendre les échos presque plasmatiques de cries des élèves appartenant aux différentes générations l'ayant foulées ; des promotions ayant maintes fois redorées le blason de l'établissement et de l'éducation scolaire française ; la fierté du peuple et de la contrée ; l'honneur de toutes ses familles encore endeuillées par le départ universitaire de leurs élites ; l'ascension sociale. Sans oublié les rencontres amoureuses et amicales, sources d'unions inébranlables toujours présentes en ces jours.

Ce bahut comme tous les bahuts a été à l'origine du bonheur de plus d'un.

Coupure d'électricité.


Il me faut aller chercher des bougies dans le placard. Si la pluie continue comme ça, je risque de passer la nuit ici, et ce n'est pas pour me déplaire vu ce à quoi le bahut ressemble actuellement. On dirait un coin de rêve.

Je ne suis plus vraiment sûr d'être le bienvenu à l'appartement, de toutes les façons.


Rien dans les placards de tous les étages. Direction le sous-sol. Pas d'choix. Dehors, ma voiture se trouve, sur le parking, accompagnée de celle d'une personne qui aurait probablement oublié la sienne ou prévu de la récupérer après l'orage.

Ce qui est assez étonnant et dénué de sens, après réflexion.


Je suis au sous-sol. Hourra ! Je dois trouver un petit outil, ne fusse que pour déverrouiller la porte principale et sortir.

Tout à coup, j'entends comme des soupirs chargés de tristesse se délivrant d'une voix provenant d'une sorte de vieux bureau qui n’est plus en service.

Apparemment, je ne suis pas le seul dans l'établissement.


Je me rends précipitamment au sous-sol, histoire de dissiper le doute pesant sur la nature de « l’intrus ».

Serait-il un voleur… ou un fantôme ?

Oh, j'espère que non ! Je suis extrêmement nul pour ce qui est de me défendre. Les évènements de la veille l’attestent clairement.


Je suis à deux doigts de dépasser la face qui maintient le mystère sur l'identité de « l'intrus ». Je peux enfin clairement l'identifier. C’est…

- Angéla ?

- Ah ! Sébas, t'es là ? M'adresse le soi-disant intrus après avoir sursauté d'étonnement à mon apparition.

C’est elle. C’est Angéla. Ça doit être sa voiture qui chaperonne ma vieille Mitsubishi sur le parking.

- Oui, c’est bien moi ! Je suis là. Mais, qu'est-ce que tu fais là, toi ? Lui dis-je à la fois surpris et ravie par sa présence.

- Euh ! Je suis descendue ici par... parce qu'il faisait beaucoup trop froid en haut, me répond-t-elle en essuyant de plusieurs tours du poignet avec sa main droite son visage tout brillant.

- Qu'as-tu ? Tu pleures ?

- Hum ! Non ! Me retourne-t-elle hâtivement. Enfin, pas vraiment.

- Hein ?

- J'ai toujours eu du mal avec les orages. Ça... ça m'effraie toujours autant, me répond-t-elle en se donnant toute la peine du monde pour faire disparaitre les gouttes de larmes qui luisent sous ses yeux.

- Ah bon ?

- Oui ! Balance-t-elle rapidement avec un regard légèrement peint d'un soupçon de nervosité, influençant déjà sa petite voix aigüe. C'est dû à un traumatisme qui remonte à depuis l'enfance.

- Sérieusement ?

Ça me parait plutôt louche, cette histoire.


- Ce n’est pas très facile de te croire, lui dis-je amusé de voir qu'elle a retrouvé le sourire.

Ce sourire pharamineux qui a à chaque fois le don de me faire me sentir très spécial à ses yeux.

- Et bah ! Tu vois ? Il n'y a pas que toi qui as des histoires invraisemblables. Hihihi !

Touché !


J’ai encore un léger soupçon sur le motif de ses pleurs, mais je sais que je n’ai plus aucun moyen d'en tirer des explications. Elle a sans doute compris que je lui ai raconté des âneries, moi aussi. Donc elle ne va pas se donnée trop de mal pour se défendre, dès à présent.

Le coup de l’ironie est une très bonne idée. Très pratique pour faire taire ma curiosité.

Intelligente, mon Angéla !

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