Chapitre 2

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Tili ne savait pas à propos de quoi être le plus choqué. C’était la première fois qu’il sortait hors du dôme. La lumière était aveuglante, assez différente de celle qui illuminait son lieu de vie. Le ciel n’était pas rempli de lampes et de plaques, il était bleu et tâché de blanc par endroit. Le blanc bougeait et il n’était pas que blanc, il était en nuances de gris.

Le sol était couvert de sable et à l’horizon, il n’y avait que ça, le sable. Il connaissait sa texture, il y en avait dans le dôme mais il semblait chaud et par moment, il volait, au grès du vent. Il frissonna. Tout les autres étaient là, en file, en train de rentrer dans ce qui semblait être d’immenses vaisseaux, posés aux sols. Très rapidement, un être étrange l’approcha.

Il était grand, immense en faites, sa peau n’avait rien d’humaine et son regard était d’un vert étrange. Il portait des vêtements très différents de ce qu’il y avait dans le dôme. Une partie de lui était surprise et choquée. Une autre était simplement curieuse. L’idée d’une vie différente de la sienne, d’un autre monde, ce n’était pas difficile à admettre. Chaque dôme était différent. Chacun avait sa culture et même ses particularités physiques qui divergeaient peu à peu au fil des siècles. Alors c’était simplement un peu plus… Juste un peu plus.

L’individu étrange releva les lèvres et les tira en arrière, dans une grimace qui ressemblait très vaguement à un sourire alors en retour Tili lui offrit un petit sourire entre la gêne et l’angoisse.

- Tili, n’est-ce pas ?
- Oui…
- Troisième file, nous embarquons bientôt.

Il le conduisit près de nombreuses personnes, mais aucun de ses amis ne se trouvaient là. Il les chercha du regard et finit par les trouver. Ils étaient loin de lui et partaient vers un autre vaisseau, mais au moins ils étaient ensemble. Quant à lui, il était avec une cinquantaine de personnes de son dôme. En dehors de l’alien étrange qui les conduisait de la sortie de l’ascenseur à leur file, il n’y avait que quelques autres inconnus. L’émissaire Jarga était à la tête de l’une des files, entrain de parler avec des aliens du même genre que le premier.

- Tili ?

Le jeune homme sursauta et se retourna vers celui qui l’avait appelé. C’était un jeune, comme lui. Ils avaient le même âge, venant de la même génération.

- Airi !
- On dirait qu’on va faire le voyage ensemble…
- Oui…
- L’ancien Luvan est aussi avec nous. Nous avons beaucoup de chances.
- Tu as raison c’est une très bonne nouvelle.

Tili n’avait jamais spécialement apprécié Airi, ils n’avaient pas les mêmes centres d’intérêts. Le jeune homme aimait les activités physiques, les sports et globalement tout ce qui impliquait un corps fort. En face de lui, il se sentait toujours maigre et maladroit. Ce n’était pas une impression agréable et petit à petit, il en était venu à l’éviter. Malgré tout, il se sentait rassuré qu’il soit là, simplement parce que c’était quelqu’un qu’il connaissait et le moindre repère était le bienvenu.

La queue se mit lentement à avancer, ils grimpaient dans les vaisseaux, alors Tili prit le temps d’observer l’horizon. Les grosses machines ne l’intéressaient pas réellement. Là, dehors, c’était sa planète. C’était la première fois qu’il pouvait observer son ciel ou avancer dans son air et c’était sans doute la dernière fois qu’il la voyait. Il tentait d’en garder chaque détail en mémoire, mais bientôt, il arriva devant la zone d’embarcation. Plusieurs aliens se tenaient là. Sans même le vouloir, Tili en fixa un. Sa peau avait une légère teinte violette et ses grands yeux verts les scannaient. Il portait des vêtements amples à la texture étranges. Ça ne ressemblait pas vraiment à du tissu. Il s’arrêta un instant, surprit, en quittant le sable. Il hésita puis posa le pied sur la plate-forme sur laquelle ils s’entassaient tous et bientôt, elle se mit à bouger alors ils reculèrent pour s’éloigner du bord et observèrent autour d’eux. L’intérieur du vaisseau ne permettaient pas de voir l’extérieur. Ils étaient arrivés dans une salle d’embarquement vide et très vite, leurs accompagnateurs leurs permirent de rejoindre leurs quartiers. Tili se retrouva dans une petite chambre avec les huit autres jeunes de son âge. Des lits, très similaires à ceux de son dôme avaient été installé de part et d’autre.

- A votre avis, que va-t-il se passer ? demanda un petit brun.
- On va devoir essayer d’aider ces gens…
- Mais de quoi ils pourraient avoir besoins ? Enfin, je ne sais pas vous mais moi, je ne sais rien faire de particulier.
- L’ancien va sans doute venir nous expliquer ce que nous devons faire. En attendant, on devrait se reposer.

C’était peut-être un bon conseil, mais ils continuèrent à parler pendant des heures, refaisant le discours de l’ancienne, le débarquement sur leur propre planète et puis leur rencontre avec cet alien qui souriait si bizarrement. Il fallut un très long moment pour que l’ancien ne vienne effectivement les voir. Il leur fit un sourire doux et leur révéla ce qu’il avait comprit et apprit.

- Nous allons passer trois jours sur ce vaisseau, le temps de rejoindre un spatioport. Au terme de nos voyages, nous arriverons tous chez une espèce différente. Nous avons été sélectionnés pour répondre à leurs profils alors il n’y a pas de raisons de s’inquiéter.
- Ancien… comment pouvons-nous les aider ?
- Chaque espèce a des besoins différents. Il va falloir que vous découvriez les besoins de l’espèce a qui vous serez confié et puis, vous trouverez peut-être une solution mais si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave. Le prix pour que notre planète aille mieux, c’est simplement que nous fassions ces voyages et que nous essayons réellement d’aider. Si vous réussissez, vous offrirez davantage à la Terre.

Il y eu un vague silence avant qu’un jeune ne demande :

- Combien de temps ça va durer ?
- Toute vos vies. Il n’y aura pas de voyages de retour.

Le silence revint, plus lourd et oppressant qu’avant avant d’être brisé par le plus courageux d’entre eux alors que Tili tentait d’encaisser, le cœur battant la chamade sous les révélations trop importantes.

- Est-ce que l’on peut en savoir plus sur … les gens que l’on va rejoindre ?
- Oui, nos hôtes sont prêts à répondre à certaines questions. D’ailleurs, Tili, j’aimerais te parler. En privé.

Le jeune homme était resté silencieux tout le long, écoutant simplement les échanges et il sursauta devant l’interpellation directe. L’ancien lui fit signe de le suivre et il obéit simplement comme il avait appris à le faire depuis son plus jeune âge.

En sortant il fut frappé de voir à quel point les couloirs pouvaient être différents des chambres. Ils n’étaient pas une reproduction fidèle de leur dôme voilà tout, mais ça ne se situait pas simplement dans leur aspect visuel. C’était plus profond que ça. La texture du sol, un peu mou, était bizarre. L’odeur dans l’air aussi. Ce n’était pas comme le dôme, mais ce n’était pas non plus comme ce qu’il avait pu sentir à l’extérieur.

L’Ancien Luvan le conduisit à une petite chambre qui semblait être la sienne et s’installa doucement sur le lit, tout en tenant son dos fatigué d’une main. Il était épuisé.

- Excuse-moi de t’avoir ainsi séparé des autres mon enfant.
- Ce n’est rien.
- Certains d’entre nous feront un très long voyage. Une fois arrivé au spatioport, je monterais dans un vaisseau immense à priori, avec un certain nombre d’autres personnes et nous voyagerons plusieurs mois avant d’arriver à destination. Pendant le voyage, je devrais rencontrer deux ou trois espèces différentes. Alors pour tout ceux qui auront un parcours similaire, il n’y a rien de pressé.
- Donc ce ne sera pas mon cas ?
- En effet. Certaines espèces sont très impatientes. Si j’ai bien compris, l’espèce à laquelle tu es destiné est appelée Laeïa. Tout le monde les respecte énormément ici et c’est un véritable honneur que de les rencontrer. Ils vivent par groupe de trois et il faut donc t’intégrer à un groupe ayant une place disponible ce qui n’arrive qu’en cas de très grands malheurs. Chaque jour qui passe est problématique pour ce binôme et ils ont tenu à faire une partie du voyage. Tu partiras demain avec eux.

Tili avait envie de s’asseoir sous le choc. Depuis que ça avait commencé il avait l’impression de se recevoir des coups de marteaux successifs contre lesquels il ne pouvait rien. Il était simplement censé encaisser, mais comment encaisser de telle chose ? Il avait toujours cru qu’il ne sortirait jamais de son dôme et voilà qu’il quittait sa planète ! Ce qu’il ressentait maintenant était tout à fait nouveau pour lui. Il avait l’impression d’être vide, creux et qu’il n’y avait aucune forme d’espoir. C’était pourtant faux. Ou plutôt, ça ne pouvait pas être vrai. Il savait voir les bons côtés des choses : son voyage serait court avant de commencer sa mission -quelle quelle soit-, il allait rencontrer une espèce que les autres respectaient et c’était une chance que de vivre à leur côté, plus jeune, il rêvait d’aventure et enfin, ça lui arrivait. Mais l’impression de vide ne le quittait pas. L’Ancien posa doucement une main sur son épaule qu’il pressa légèrement.

- Ca va aller. Tu vas être parfait. Ils auront beaucoup de chances de t’avoir avec eux mon garçon. Je comprends que tu sois perdu, mais ce serait vraiment bien pour toi, si tu allais rencontrer l’équipage et leur poser des questions sur les Laeïas. Fais ton enquête, d’accord ?

Il acquiesça et ressortit, mais il se sentait toujours aussi mal. En errant, un peu perdu, dans les couloirs, il tomba devant ce qui semblait être un écran géant. Il mit un certain temps à comprendre que ce n’en était pas un. C’était une fenêtre donnant vers l’extérieur et cette petite boule déjà lointaine, c’était sa planète. Une planète jaune et bleue. Ils étaient déjà aussi loin ? Il déglutit nerveusement et s’assit devant ce spectacle qu’il passa des heures à observer sans penser à rien.

Oh de temps en temps, son cerveau farceur s’amusait bien à recouper des détails, lui rappelant ce qu’on lui avait dit. « Un grand défi. » « Une espèce très différente de nous. » « Nos bienfaiteurs ont des problèmes et des besoins. » Qu’était-il censé en comprendre ? Il tremblait comme une feuille à imaginer les heures qui s’écoulaient et qui le rapprochait de sa sentence.

A un moment donné, il remarqua un membre d’équipage, l’un de ces humanoïdes à la teinte de peau étrange et aux expressions faciales qui semblaient toujours fausses.

- Excusez-moi ? Puis-je vous déranger quelques minutes.

L’alien l’observa d’un regard froid, hésita, puis acquiesça doucement tout en crachant.

- Parler. Doucement.

Tili se sentit bête de ne pas avoir pensé qu’il pouvait y avoir une barrière de la langue mais pourquoi des aliens venus d’aussi loin parleraient-ils la langue internationale des dômes ? Ils avaient dû apprendre et visiblement, ce membre d’équipage avait été moins loin dans son apprentissage.

- D’accord. Je voudrais… des renseignements sur les Laeïas.
- Laeïas. Le corrigea l’alien visiblement peu convaincu par sa prononciation avant d’ajouter. Intelligent. Beaucoup. Beaucoup. Modèle… autonome. Bon… médecin. Bon… scientifique.
- Est-ce qu’ils sont… gentils ? marmonna Tili en hésitant mais l’autre n’eut pas l’air de le comprendre.

Comment poser cette question autrement ?

- Sont-ils sympas ? Agréables ?

Il y eut un grand moment de silence pendant lequel Tili se demanda si l’autre comprenait ces mots puis le couperet tomba.

- Non. Laeïas, intelligent, malin, beaucoup savoirs… Mais pas gentil. Pas sympas. Pas agréables. Pas… pacifiques.

Il cligna des yeux d’une manière qui n’avait rien d’humaine et presque au même moment, le premier alien qu’il avait vu sur le sol de sa propre planète arriva et échangea quelques mots avec son semblable dans une langue inconnue, puis il se tourna vers lui et demanda.

- As-tu compris ce qu’il t’a dit ? Il n’est pas encore très perfectionné avec votre langue, ça ne fait que deux de vos jours qu’il l’apprend.
- Oui… Je voulais des renseignements sur les Laeïas et …

Il se tut. Incapable de dire à voix haute qu’il allait être offert à des êtres dont les valeurs semblaient si différentes des siennes.

- Si tu veux réussir ta mission, il va falloir que tu dépasses beaucoup de choses.
- Comme le fait qu’ils ne soient pas gentils ?
- Oui. Ils n’ont pas à l’être et même s’ils le pouvaient, je ne pense pas qu’ils sachent le faire. Ce n’est pas une espèce généreuse mais tu seras vu comme l’un des leurs et tu ne risqueras rien avec eux. Tu es plus chanceux qu’un certain nombre d’humains.

Il hésita un moment, essayant d’encaisser mais se sentant d’autant plus vide puis il ajouta :

- Est-ce qu’il y a quelque chose d’autres que je devrais savoir ?
- Ils sont physiquement très différents de tout ce que tu connais, mais n’oublie pas que ce sont des individus plus performants que toi et qui mérite tout ton respect.

Que répondre à ça ? Que penser de ça ? Son cœur palpitait dans sa poitrine alors qu’il expérimentait pour la première fois de sa vie une angoisse aussi profonde. Sa tête tournait un peu et il se rapprocha d’un mur pour se stabiliser. Ça ne pouvait pas être aussi catastrophique que ça. Ça ne pouvait pas… Quelqu’un le rattrapa. Un humain. Une personne qu’il connaissait et il se laissa aller dans ses bras sans plus réfléchir.

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