CHAPITRE V

6 minutes de lecture

On est parti fin juillet.

Stéphane était en vacances à partir du 5 après les oraux du bac de français mais Sébastien a du décaler d’une semaine parce que son patron est tombé malade aux Etats-Unis. Il travaille dans une société de services dans le domaine informatique. Je me souviens, il était furieux. « Malade, mon œil ! Il s’est pris dix jours de vacances en plus, oui !».

Mais bon, il a fallu faire contre mauvaise fortune bon cœur et s’adapter. Heureusement on n’avait pas de réservation à l’hôtel ou de billets d’avion, là c’eut été vraiment catastrophique.

Moi, j’ai eu les résultats du Brevet le 8 juillet. Pas de mauvaise surprise, je l’ai eu et avec mention Très Bien. J’avoue que j’étais tout fier !

On est allé en Ardèche dans le sud du Massif Central mais on a pris notre temps et on a visité les villes que nous trouvions jolies et puis Stéphane voulait toujours nous montrer des châteaux, des cathédrales ou de jolis points de vue.

Ils m’ont fait une petite surprise que je n’ai d’ailleurs découverte qu’en arrivant au camping. Sébastien était au volant, Stéphane faisait le copilote et moi je me prélassais à l’arrière.

-« Tiens c’est là ! Tu vas à la réception pour dire qu’on est arrivé, Diego ?

-« Heu ouais… la réception, c’est là-bas ? » dis-je en désignant une grande cabane en bois à l’ombre des sapins.

-« Oui, c’est ça. Vas-y, je te rejoins, je vais prendre les papiers dans le coffre.

-" Et moi je vais aux toilettes et j'arrive".

Je suis donc descendu de la voiture, pas mécontent de me dérouiller un peu les jambes et je suis entré dans le bâtiment de bois.

-« Bonjour !

-« …

-« Je peux faire quelque chose pour vous ?

-« Heu oui… bonjour… je viens pour la réservation de monsieur Brisset. Il va arriver… »

J’avoue que j’ai un peu paniqué au début, la jeune femme qui m’a répondu ne portait qu’un petit short blanc et trônait derrière son comptoir les seins à l’air ; j’ai du avoir l’air complètement stupéfait parce que j’ai vu un petit sourire se dessiner sur son visage alors que le mien exprimait clairement ma surprise.

‘C’est quoi ce délire ?’

-« Papa, c’est pour une arrivée, tu peux venir ? »

Un homme aux cheveux gris qui était assis plus loin sur une chaise et que je n’avais pas remarqué, on se demande bien pourquoi, s’est retourné et entièrement nu, s’est avancé vers moi.

‘Oh les salauds, un camping naturiste et ils m’ont rien dit !’

-« Bonjour jeune homme !

Stéphane et Sébastien sont arrivés sur ces entrefaites et ils se sont royalement fichus de moi tout en affectant de ne rien remarquer de particulier.

-« Ah oui, on avait oublié de te dire Didi, c’est un camping naturiste ! » m’a glissé Sébastien à l’oreille tandis que Stéphane muni des papiers de réservation prenait les choses en main.

-« Non sans blague, j’avais pas remarqué !

-« Ca va, ça ne te gêne pas ?

-« Ben heu… on verra… »

En fait à la maison, on a l’habitude de se voir nus ne serait-ce que dans la salle de bain alors ce n’est pas vis à vis d’eux mais plutôt par rapport aux autres…

-« On avait un peu peur que tu ne veuilles pas si on en discutait ensemble alors on s’est dit qu’on te ferait la surprise !

-« Alors là vous pouvez vous vanter d’avoir réussi ! Merci les gars ! »

On a pris possession de notre bungalow, assez spacieux avec ses deux chambres, son coin cuisine et son salon rustique.

-« Bon aller rendez-vous sur la terrasse pour l’apéro !

-« Ok !

-« Et en tenue, bien sûr ! » reprit Sébastien en fermant la porte de leur chambre.

‘Ah merde ! Ouais en tenue…’

Sans réfléchir, j’ai enlevé mon tee-shirt et baissé mon short et mon caleçon. J’ai entendu Stéphane et Sébastien rire à côté et leur porte s’ouvrir. Je me suis regardé dans le miroir collé au dos de la porte et j’ai souri. Après tout, qu’est ce que ça peut faire d’être nu puisque tout le monde l’est ici.

‘Ouais bon, c’est peut-être pas si simple mais on verra bien !’

Du coup j’ai quand même pris une serviette avec moi dont je me pourrai me servir pour me protéger des regards mais je suis sûr que ça ira !

Passé les premiers moments où j’ai ressenti une certaine gêne à sortir le sexe à l’air devant les voisins qui mangeaient sur leur terrasse, j’ai assez vite oublié ma tenue d’Adam. Je me suis assis dos à eux et j’ai posé ma serviette à côté de moi, l’air de rien…

C’est vrai qu’il nous est déjà arrivé de faire du naturisme à la maison, l’été quand il fait beau. Bien à l’abri derrière la haute haie de cyprès qui borde le terrain, c’est agréable de se promener tout nu et de profiter de la piscine sans maillot de bain et puis comme les maisons des voisins n’ont pas d’étage nous sommes parfaitement à l’abri des regards curieux.

Enfin, dans un camping, c’est différent. Ici on est vraiment exposé aux yeux de tous…

Je regarde mes parents paresser au soleil ; eux ont l’air de s’en ficher complètement. Ils sont naturels et relax à croire qu’ils ont fait ça toute leur vie !

Je dis mes parents parce que pour moi, Stéphane, mon père, et Sébastien ne sont pas seulement des hommes qui s’aiment et vivent ensemble ; ils sont ma famille et je vis avec eux depuis que je suis arrivé en France à l’âge de deux ans et demi ; j’ai toujours vécu avec eux et ils formaient un vrai couple avant de décider d’adopter un petit garçon.

Je suis le fils d’un couple homosexuel et je suis heureux dans ma famille ! Bien sûr, ça n’a pas toujours été facile, deux hommes ensemble qui élèvent un garçon, ça a fait jaser et la pression sociale, particulièrement à l'école mais aussi le voisinage, nous a plusieurs fois contraints à faire nos valises mais aujourd’hui je m’en fiche. Nous sommes heureux et le reste n’a pas d’importance.

-« Tu es bien pensif, Didi ?

-« C’est pas le fait d’être nu ?

-« Oh ça non. Enfin, il faut que je m’habitue un peu…

-« Oui, nous aussi tu sais, mais on l’avait déjà fait plusieurs fois il y a très longtemps alors on a un peu d’avance sur toi…

-« Ah oui ? C’était quand ?

-« Oh il y a longtemps, c’était avant d’avoir reçu le plus beau cadeau de notre vie !

-« Oui, c’était quand nous étions jeunes étudiants ou juste après avoir commencé à travailler, il y a presque vingt ans, tu te rends compte Steph’, vingt ans !

-« Et oui, le temps passe mais nous sommes toujours aussi beaux et fringants, non ?

-« Si, bien sûr, tu es fantastique, juste trois ou quatre kilos à perdre et tu seras parfait !

-« Oh le salaud et toi tu dis rien pour me défendre ?

-« Si, je vous trouve très bien conservés pour deux vieilles personnes de quarante et quelques balais!

-« Trente neuf pour moi, sale gosse ! Aucun respect ! »

Je les détaille du regard et, effectivement, ils sont bien conservés. Sébastien est grand, un mètre quatre vingt trois et musclé ; il faut dire qu’il fait des exercices tous les jours et ses muscles sont saillants et bien dessinés surtout les abdos. Stéphane est plus petit, un mètre soixante quinze à peu près et c’est vrai qu’il a une petite brioche mais rien de disgracieux et puis lui, ce sont ses jambes qui sont musclées avec tous les footings qu’il fait.

Un peu attendri, je décide de corriger le tir et de compléter ce que je viens de dire.

-« En fait pour moi, vous êtes justes les meilleurs pères du monde et c’est surtout ça qui compte mais je dois dire qu’en plus vous êtes très bien conservés et d’ailleurs vous le savez parfaitement sinon vous ne seriez pas venus vous faire admirer dans un camping naturiste !

-« Ha ha bien vu, finalement il n’est pas si bête !

-« Oui et puis il a du cœur en plus, c’est un bon fils !

-« Oui on dirait ! »

On a piqueniqué d’une salade de tomates avec du thon et de fruits sur la terrasse du bungalow en attendant de faire un vrai repas ce soir m’ont-ils promis et j’ai commencé à oublier le petit stress que cette surprise m’avait causé. Je me suis levé plusieurs fois de table sans ressentir de gêne même si je savais que nos voisins pouvaient m’apercevoir en tournant simplement la tête. Après tout ce sont les vacances et puis personne ne nous connaît ici.

Et puis, j’ai entendu dire que les naturistes étaient des personnes particulièrement ouvertes d’esprit alors finalement, si on peut gagner en tranquillité de vie simplement parce qu’on porte quelques petits bouts de tissu en moins, c’est plutôt une bonne idée, non ?

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