CHAPITRE XXXV

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Je suis resté un instant sans parler, j'ai essayé d'avaler quelques bouchées de hachis mais j'ai finalement repoussé mon assiette.

-"Et après, comment ça s'est passé au foot ?

-"Ben, en fait il n'est pas revenu... mais il n'était pas très bon...

-"Boris, comment tu peux dire ça ! Il a arrêté le foot à cause de vous !"

Je me suis tu, j'étais énervé et écœuré et quand j'ai regardé Boris il a du le voir dans mes yeux. Il était très mal à l'aise et j'ai eu l'impression qu'il ne m'avait pas tout dit.

-"Et il n'y a pas eu autre chose ?

-"Si... au collège...

-"Tu veux dire qu'il était à Jules Verne?

-"Oui... Je sais pas comment mais ce qui s'est passé dans les vestiaires s'est su et... mais c'est pas moi qui en ai parlé, j'te jure !

-"Oh non, c'est pas possible... tu veux dire qu'il s'est fait emmerdé au collège ?

-"Oui, tout le monde rigolait quand il arrivait, il se faisait traiter de pédé, il y avait des 3èmes qui l'emmerdaient, ça a du être horrible...

-"Et toi aussi, tu as participé ?

-" Ben oui... comme tout le monde... on ne se rendait pas compte de ce qu'on faisait tu sais... mais j'suis vraiment pas fier...

-"Mais c'est hyper grave, c'est de l'homophobie !

-"Oui je m'en rends compte maintenant, à l'époque c'était... c'était plus quelque chose qu'on ne comprenait pas et on était des gamins, on se rendait pas compte de ce qu'on faisait...

-"Et ça a duré longtemps ou ça a fini par se calmer ?

-"Ben il s'est fait emmerder pendant plusieurs semaines c'est sûr et après je l'ai plus revu donc ça s'est calmé.

-"Tu l'as pas revu ?

-"Ben non, à la rentrée il était plus au collège...

-"Quoi ? Il n'est pas revenu au collège ? Mais vous lui avez bousillé sa vie ! Tu ne rends pas compte qu'il a arrêté le foot et qu'il a changé de collège à cause de tout ce que vous lui avez fait subir ! Putain, je suis écœuré, je comprends qu'il voulait pas me parler ; il a du croire que tu me racontais tout ça en allemand lundi et qu'on se foutait de lui... pire il a du croire que ça allait recommencer !"

Boris n'a rien répondu, je voyais bien qu'il était très mal à l'aise et je pense que s'il l'avait pu, il aurait tout simplement disparu.

-"Et depuis, tu ne l'as pas revu ?

-"Non sauf depuis le début de l'année en allemand...

-"Et qu'est ce qu'il s'est passé ?

-"Ben rien, je lui ai pas parlé et lui non plus ; c'est comme si on se connaissait pas."

Je réfléchissais à la situation et je me suis dit qu'il ne fallait pas que ça reste comme ça. Même s'il n'y avait pas eu le problème de mercredi à la piscine, ça ne pouvait pas rester en l'état.

-"Boris, il faut que tu ailles le voir et que tu t'excuses !

-"Hein ? Mais ça fait trois ans et j'suis pas homophobe, c'est juste que j'était un gamin mais j'ai pas voulu lui faire du mal exprès !

-"Oui, je comprends mais lui, il a besoin de l'entendre. C'est trop tard pour que tes excuses soient acceptées ça je suis d'accord. Mais par contre, c'est super important pour lui que tu t'excuses pour qu'il sache que ça ne recommencera pas, qu'il peut être tranquille. Tu comprends ?

-"Ouais...

-"Imagine ce qu'il a du penser quand lui, il t'a vu en allemand au début de l'année ? Il a du croire que son cauchemar allait recommencer... et puis je suis sûr que c'est ce qu'il a aussi pensé lundi en allemand... Boris, il faut que tu me promettes d'aller t'excuser, c'est super important, d'accord ?

-"Ouais, d'accord..."

J'ai entendu du bruit derrière nous et je me suis retourné. Le personnel de service était en train de nettoyer les tables et je me suis aperçu qu'il n'y avait plus personne dans le réfectoire. On a pris nos plateaux, le mien ne donnait pas l'impression que quelqu'un avait déjeuné, et on s'est dirigé vers la sortie.

-"Heu désolé, on n'avait pas fait attention" glisse-je à un employé qui mettait les chaises sur les tables.

-"C'est pas grave. On avait compris que c'était important, ça va ?"

Je me suis rendu compte que plongé dans ce dramatique épisode, j'avais complètement perdu de vue l'environnement et que certainement, nous n'avions pas été très discrets.

-"Heu oui, oui oui, ça va merci".

J'ai pris la pomme que je n'avais pas mangée et je suis vite parti débarrasser mon plateau. J'ai rejoint Boris, on n'était pas très à l'aise, je ne savais pas quoi dire et lui non plus.

-"Bon je file, j'ai peut-être une interro en Anglais, je vais réviser un peu..." finit-il par lâcher.

-"Ouais d'accord. A plus !

-"Salut !"

...

A la fin des cours, à 17h, Bérangère est rentrée avec moi. Ca m'avait surpris le matin de la voir au garage à vélo ce matin et elle m'avait répondu que c'était pour qu'on puisse rentrer ensemble. Je commence à comprendre ce que ça veut dire d'avoir une petite copine et d'abord que je vais devoir passer pas mal de temps avec elle. Rien que de plus normal mais je ne sais pas pourquoi, ce n'était pas quelque chose qui me réjouit autant que cela devrait.

On est donc parti ensemble et on a remonté le boulevard du Massacre. D'habitude, je tourne à gauche au premier carrefour mais ce soir j'ai accompagné Bérangère jusqu'à chez elle, vers Plaisance pas très loin d'où habite Théo. On a roulé doucement et comme il ne pleuvait pas c'était plaisant.

-"On s'arrête là ?" me dit-elle en désignant une aubette de bus.

-"Oui, si tu veux..."

On a posé nos vélos le long du mur de la maison la plus proche et nous nous sommes assis sur le banc de l'aubette. Elle a sorti son téléphone et s'est exclamée en rigolant.

-"Tu es au courant pour Alicia et Boris ?

-"Non, qu'est-ce qu'il se passe ?

-"Ils sortent ensemble ! Alicia vient de m'envoyer un texto !

-"Ah bon, j'ai vu Boris ce midi et il m'en a pas parlé !

-"Ben non, ça vient juste de se faire ! Il l'a raccompagné chez elle et ils se sont embrassés !"

Elle était complètement excitée. Elle a envoyé une réponse composée de tous les smileys imaginables et m'a regardé en riant.

-"Et toi, tu n'as pas envie de m'embrasser ?"

-"Ici ? Il peut y avoir du monde...

-"On s'en fiche !'

Je me suis rapproché d'elle et j'ai posé mes lèvres sur les siennes. J'ai glissé ma langue à la recherche de la sienne et nous avons furieusement oublié le temps présent pendant quelques instants...

Tut tut tut tut tut tut

Le klaxon d'une Clio blanche qui passe nous a fait brusquement émerger de notre étreinte et Bérangère s'est écriée.

-"Merde, c'est ma sœur, elle nous a vus !

-"Heu oui , c'est sûr !

-"Pourvu qu'elle le dise pas à mes parents ! Faut que je l'appelle ! Heu faut que je rentre !"

Interloqué, je la vois presque paniquer alors qu'elle me disait il y a à peine cinq minutes que ce n'était pas un problème de s'embrasser dans la rue.

'Je crois que je ne comprends vraiment rien aux filles !'

...







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