CHAPITRE XLIII

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-"Diego ?" reprend-il d'une voix mal assurée.

J'ai fait celui qui n'entendait rien et j'ai continué à marcher, le regard noir fixé sur le plongeoir.

'Alors là, s'il croit que je vais lui parler après tout ce qu'il m'a fait, il peut toujours courir !'

J'étais énervé.

Pourquoi, fallait-il qu'il vienne juste à ce moment là ? C'est à cause de lui que j'ai complètement raté mon plongeon. Je sentais encore la brûlure de l'eau sur ma peau et ressentais encore plus profondément la honte de m'être ridiculisé à ses yeux. J'ai fait quelques pas, j'ai hésité un instant et finalement je me suis dirigé vers mes affaires.

-"Diego, s'il te plait...

-"Laisse moi tranquille !" réplique-je d'une voix sèche et rageuse toujours sans le regarder.

C'était idiot, je le sais quand j'y repense. Je réagissais comme un petit garçon vexé mais on ne se commande pas toujours et puis il n'avait qu'à pas me repousser avant...

J'ai fait quelques pas sur le carrelage glissant, j'ai monté deux marches sur les gradins et j'ai saisi ma serviette pour m'essuyer.

-"Diego, je voudrais m'excuser...

-"T'excuser de quoi ? J'ai compris, tu veux plus me voir... OK, j'ai compris, alors laisse-moi !

-"Oui, je sais mais... non... Diego, j'avais tellement peur..."

J'ai entendu un craquement dans sa voix comme une déchirure et je n'ai pas pu m'empêcher de me retourner. Il était à deux mètres de moi, le pied sur la première marche des gradins, le regard tourné vers le sol. Je l'ai senti seul, triste et vulnérable et j'ai immédiatement oublié mon amour propre imbécile.

-"Oh je suis désolé..."

Il a relevé la tête, ses yeux étaient mouillés et il me regardait avec cette intensité que Stéphane avait perçue l'autre soir à la réunion.

-"Heu, est-ce que je pourrais te parler ? S'il te plait ?"

J'ai haussé les épaules encore bougon et il a repris.

-"Je sais que tu n'es pas homophobe, Boris est venu me parler ce matin !

-"Ah Boris t'a parlé ?

-"Oui et il m'a dit que tu l'avais engueulé pour ce qu'il m'avait fait et que tu lui avais dit qu'il devait venir s'excuser...

-"Non je l'ai pas engueulé mais oui c'est sûr qu'il a du comprendre que j'étais choqué et énervé...

-"Oui, et il m'a dit aussi que tu avais insisté auprès de lui parce que c'était important pour moi... et aussi pour toi...

-"Oui, c'est vrai et je suis content qu'il l'ait fait !"

-"Moi aussi ! Tu peux pas savoir comme je me suis senti soulagé !"

-"Heu, tu veux qu'on aille se prendre un café et un chocolat ?"

Il a souri avec le plus extraordinaire sourire que j'ai jamais vu ; son visage s'est transformé, il s'est illuminé, ses yeux se sont comme éclairés de l'intérieur et s'il n'y avait qu'une chose à retenir de cet après midi, ce serait cette joie qu'il avait retrouvée...

Nous sommes revenus nous installer dans les tribunes nos gobelets à la main.

-"Tu sais, je veux vraiment m'excuser parce que tu ne méritais pas que je te traite comme ça..."

Ce qui est incroyable, c'est que j'en ai terriblement voulu à Thibaud de ne pas m'écouter, de ne pas me croire, de détourner les yeux quand je le croisais, de m'avoir rayé de sa vie et franchement, maintenant je n'en ai plus rien à faire.

'J'suis vraiment bizarre !'

-"Non, je comprends tout à fait ; même si c'est vrai, je t'en ai voulu mais mon père m'a dit que c'était normal, tu cherchais à te protéger.

-"Tu... tu en as parlé à ton père ?

-"Oui mais seulement à lui et il dira rien j'te jure !

-"Je te crois, j'suis... je sais pas comment dire... impressionné que t'en aies parlé à ton père...

-"Ouais j'étais un peu... affecté par tout ça mais je pense que c'était rien comparé à toi !

-"Oui, c'est vrai, j'te jure quand je t'ai vu en train de rigoler à côté de Boris il y a deux semaines en allemand... surtout que vous vous êtes retournés plusieurs fois en regardant vers moi, j'ai cru que j'allais mourir...

-"Non mais en fait, Boris se moquait d'Enzo à côté de qui Bérangère s'était assise parce qu'il a pleins de boutons et d'ailleurs on n'était pas très sympa...

-"Oui je sais, Boris m'a expliqué... et comme j'étais en diagonale juste derrière Enzo et Bérangère, j'ai cru que Boris t'avais dit que...

-"Que tu es gay ?

-"Oui et que vous foutiez de moi. Et alors j'ai eu peur que tout recommence et j'ai paniqué."

Son visage a blêmi alors qu'il évoquait ce triste épisode et j'ai senti que ça avait du être très dur pour lui.

-"Tu m'étonnes, c'est normal ; tout le monde aurait paniqué à ta place..."

J'avais envie de lui demander de me raconter son histoire mais je ne voulais pas être indiscret, c'est surement très douloureux pour lui et je ne voulais pas réveiller d'horribles souvenirs. On s'est tu un instant, on a fini nos boissons.

-"J'ai pas trop envie de nager aujourd'hui et toi ?

-"Heu non, moi non plus. En fait, c'est mon père qui m'a presque forcé à venir ; il m'a acheté un nouveau maillot alors il m'a dit que ce serait bien d'aller l'essayer... il m'a dit que j'allais faire se retourner toutes les filles de la piscine !" réponds-je en rigolant.

-"Ah oui, je te confirme, il te va super bien... j'ai failli boire la tasse quand je t'ai vu arriver !

-"Moi, j'ai regardé à la ligne d'eau où tu nageais avant mais c'était pas toi...

-"Oui, j'ai vu... j'étais tellement impatient d'aller te voir à la fin de la séance mais je suis resté à te regarder faire des supers plongeons du bout du bassin... j'osais pas...

-"Ah tu m'a regardé ? Tu sais, j'étais furieux tout à l'heure parce que tu m'avais vu rater mon plongeon et je me sentais humilié... c'est ridicule !

-"Oh non ! D'ailleurs, c'était de ma faute parce que j'ai bien vu que lorsque tu m'as aperçu, ça t'a coupé dans ton élan et tu es parti sur le côté...

-'Oui, c'est vrai mais on n'en parle plus, c'est ridicule.

-"OK, si tu veux... heu ça te dirait de venir prendre le goûter chez moi puisqu'on ne retourne pas nager ?

-"Ah oui super !

-"Vas-y, passe devant que je regarde s'il y a des filles qui se retournent !

-"N'importe quoi ! Et puis de toute façon il n'y a personne !

-"C'est pas grave, tu diras à ton père que les nageuses du Cercle se sont toutes retournées pour te regarder plonger, toutes les nageuses... et un nageur !"

-"Ouais ben pour mon père, je parlerai seulement des filles !"

...

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