CHAPITRE LXIV

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Samedi midi, Stéphane m’a proposé d’aller voir jouer Mathieu, le fils de son collègue Gaël, et comme je n’avais rien de prévu, j’ai accepté. J’avais sympathisé avec Mathieu lorsque il était venu manger chez nous avec ses parents en septembre. J’aurais pu aller voir jouer Boris et mes amis du SCO mais je ne sais pas pourquoi, je me sens pas très à l’aise. Comment expliquer à mes coéquipiers que j’ai rompu avec Bérangère ? Et pour Boris, là aussi je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’impression que cela a créé une forme de malaise entre nous. Je ne reproche rien à Boris qui, même s’il m’a dit plusieurs fois qu’il ne me comprenait pas, m’a toujours soutenu et contrairement à Bérangère ne m’a pas tourné le dos.

En parlant de Bérangère, j’ai essayé de lui parler à la sortie du lycée jeudi soir dans le hangar à vélo mais elle ne m’a pas écouté.

-« Salut Bérangère, on pourrait se parler un peu ?»

J’avais pris soin de ne pas mettre d’agressivité dans ma voix et de lui sourire, mais peine perdue.

-« Quoi ? Qu’est-ce que tu veux ? » répond-elle sèchement.

-« Ben juste qu’on parle un peu…

-« Ah non, fallait y réfléchir avant, c’est toi qui a cassé ! Maintenant c’est trop tard pour revenir en arrière !

-« Heu non c’est pas ça, je voulais juste qu’on essaye de rester bons amis…

-« Alors là, pas question, tu m’as fait trop de mal ! Je pensais pas que t’étais comme ça, Diego, et que tu jouais avec les sentiments des autres !

-« Mais non pas du tout ! Je sais que ça t’a fait du mal mais…

-« Non, c’est trop tard et maintenant laisse moi tranquille s’il te plait ! »

Elle est montée sur son vélo et s’en est allée sans se retourner. Je suis resté un moment sans rien faire à la regarder s’éloigner.

‘Bon et ben c’est clair, elle a tiré un trait définitif sur moi y compris en tant qu'ami !’

J’étais triste car si je comprenais sa réaction, j’avais espéré qu’on aurait pu continuer à être amis. C’est encore une leçon que la vie me donne dirait Stéphane, on ne mélange pas amour et amitié…

Nous sommes donc allés voir jouer Mathieu au Racing c'est-à-dire à quelques kilomètres de chez moi et nous y sommes allés en vélo pour faire un peu d’exercice. Je trouve que je n’en manque pas mais Stéphane privilégie toujours son vélo à la voiture quand il le peut. Peut-être est-il finalement plus sensible que je ne le pensais à certaines remarques sur ses kilos en trop !

Gaël, le père de Mathieu, était déjà sur place quand nous sommes arrivés. Le match était déjà commencé et nous nous sommes dépêchés de le rejoindre.

-« Oh voilà des supporters ; c’est sympa d’être venus !

-« Salut Gaël, Diego avait envie de voir si Mathieu était meilleur que lui !

-« Bonjour ! Et non pas du tout, il joue à l’aile et moi je suis arrière donc on ne peut pas comparer. C’est plutôt que ça me manque de ne pas jouer, ça fait deux mois et demie !

-« Ah oui tes genoux... et ça s’arrange ?

-« Oui mais j’en ai encore pour un petit moment…»

Mon attention s’est tout à coup portée sur une silhouette que je connaissais.

‘Nom de Dieu, c’est Alexis !’

C’est vrai qu’il m’avait dit qu’il jouait au Racing mais je ne m’attendais pas à ce qu’il soit dans la même équipe que Mathieu. Et presque aussitôt, une pensée m’a traversé l’esprit.

‘Pourvu que Mathieu n’ait pas parlé de notre famille à Alexis !’

S’il est homophobe comme je le crains, ça pourrait être un problème !

J’ai essayé de me concentrer un peu sur le jeu en me disant qu’il faudrait que j’en parle avec Mathieu à la fin du match.

Les rouges du Racing jouent très bien ; ils dominent ce début de match et que ce soit Alexis ou Mathieu, ils font preuve de belles qualités chacun dans son registre. Alexis s’engage bien et malgré un petit gabarit pour des moins de quinze ans compte tenu qu’il n’a pas encore quatorze ans, il ne s’en laisse pas compter. Mathieu est plus technique, il a l’air super rapide ; il a les qualités d’un attaquant.

La première mi-temps s’est passée sans qu’il n’y ait de but de marqué et lorsque l’arbitre a sifflé, Mathieu est venu nous dire bonjour en passant avant d’aller aux vestiaires. J’ai aussi interpellé Alexis lorsqu’il est passé.

-« Salut Alexis, bien joué !

-« Oh salut Diego, je t’avais pas vu ; qu’est-ce que tu fais là ?

-« J’suis venu voir mon pote Mathieu, c’est le fils d’un collègue à mon père.

-« Ah ouais d’accord heu faut que j’y aille…

-« Ouais bien sûr, à tout à l’heure ! »

Il n’est pas très expansif mais au moins il est parti en souriant. Pour tromper l’attente de la reprise et aussi pour se réchauffer un peu, nous sommes allés boire un café à la buvette.

En deuxième mi-temps les adversaires ont repris les choses en main ; ils ont fait plusieurs changements et surtout ils étaient beaucoup plus agressifs dans la conquête du ballon. Le match s’est équilibré et, comme ça arrive souvent au foot, un peu contre le cours du jeu, le Racing a ouvert la marque sur une contre-attaque. La fin a été tendue parce que les bleus ont fait le siège des dix huit mètres du Racing et il a fallu le sang froid de toute la défense et deux belles interventions du gardien pour préserver la victoire.

Après les congratulations d’usage entre coéquipiers, je suis allé féliciter Mathieu et Alexis.

-« Je savais pas que vous connaissiez » dit Mathieu.

-« Ben en fait, juste un peu ; Alexis est le frère d’un de mes potes de lycée.

-« Oui, c’est ça.

-« En tous les cas, encore bravo, beau match, intense et beau résultat !

-« Dommage qu’on soit pas dans la même poule, ça aurait été sympa de vous jouer !" déclare Mathieu.

-« De les battre, tu veux dire !" renchérit Alexis.

-« Ouais c’est ça, c’est beau de rêver !

-« Bon ben salut Diego, à la prochaine !

-« Ouais salut Alexis ! »

Ils sont partis se doucher et je suis retourné voir Gaël et mon père qui discutaient pas du tout de foot d’ailleurs mais d’une histoire de leur lycée.

Peu de temps après Mathieu est ressorti et nous avons pris congé mais juste avant je lui parlé seul à seul rapidement.

-« Heu Mathieu, tu le connais bien, Alexis ?

-« Non pas vraiment on est dans la même équipe depuis cette année seulement.

-« Heu, voilà j’ai un souci avec lui... heu je crois qu’il est homophobe alors je voulais juste te dire qu’il ne faut surtout pas lui parler de mes parents.

-« Oh, t’inquiète pas je sais ce que c’est un secret, tu peux me faire confiance !

-« J’en doute pas, je voulais juste te le dire parce que comme tu as vu que je le connais tu aurais pu croire qu’il était au courant.

-« Non, non, vu comment il parle des homosexuels, c’est sûr que je lui aurais rien dit, soit tranquille ! »

-« OK merci en tous les cas et peut-être sur le terrain la prochaine fois ! »

-« OK salut Diego, c’était super sympa que tu sois venu. A la prochaine !"

On a pris congé de Gaël et Stéphane m’a lancé un petit défi.

-« Une petite course ? Le dernier à la maison fait la vaisselle ce soir ?

-« OK mais faut que j’aille aux toilettes.

-« Je t’attends.

-« Non non, je donne deux minutes d’avance, de tout façon je te rattraperai dans la côte du Pont du Cens !

-« D'accord, je te prends au mot mais n’oublie pas la fable !

Ca ne m’a pas pris deux minutes et j’ai couru jusqu’à mon vélo alors qu’il franchissait juste l’entrée du stade.

’On va voir ce qu’on va voir !’

J’étais en train de détacher mon vélo quand je me suis aperçu que mon pneu arrière était à plat.

‘Merde, et j’ai pas de pompe !’

Il y avait quelques vélos à côté mais je n’avais pas envie d’attendre que leur propriétaire se manifeste alors je suis allé à la buvette et j’ai demandé si quelqu’un avait une pompe à me prêter mais malheureusement personne n’en avait. Je suis retourné à mon vélo et j’ai vu Alexis qui détachait le sien.

-« Oh Alexis, t’aurais pas une pompe par hasard, mon pneu est à plat !

-« Heu non désolé.

-« Bon ben tant pis, il ne me reste plus qu’à rentrer à pied !

-« Heu si tu veux, tu passes par chez moi, on a une pompe à la maison.

-« Ah oui, c’est une bonne idée. Merci, je pense que j’arriverai dans une demi heure à peu près…

-«Oh ben je vais marcher avec toi.

-« Ah mais non, faut pas que tu sacrifies !

-« Non, non, j’ai mon temps et puis je peux peut-être me racheter de l’autre fois où je t’avais laissé poireauter…

-« D’accord comme tu veux, et merci, c’est super sympa ! »

‘Bon sinon, j’en connais un qui va se taper la vaisselle ce soir !’

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