CHAPITRE XCIII

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Les vacances !

D'habitude, je les attends avec impatience mais cette année, je les redoute plus qu'autre chose. Pourtant, j'ai fini la dernière semaine d'école sur les genoux, complètement à plat. Le contrecoup de l'accident de Stéphane certainement et puis je n'ai pas digéré l'entretien avec l'assistante sociale. Cela m'a porté un coup au moral et depuis je redoute de la revoir ou d'apprendre qu'elle a appelé Sébastien pour "vérifier que je ne suis pas en danger."

'Qu'est-ce que c'est que cette bonne femme ? Et pour qui se prend-elle ?'

Je pense que j'irai voir madame Faure ou le proviseur à la rentrée pour raconter l'entretien que j'ai eu avec elle et leur dire que je ne veux plus la voir. Elle est sensée m'aider, m'apporter un soutien, des conseils et à la place elle sous-entend que je suis en danger et que Sébastien ne peut pas s'occuper de moi. Rien que d'y penser, je sens à nouveau la colère monter en moi...

Nous irons passer le réveillon de Noël à Locmariaquer même si, ni Sébastien, ni moi, n'en avons réellement envie. Il s'agit plus de continuer à vivre en attendant que la situation de Stéphane évolue, de paraitre à défaut d'être...

-"Tu veux que je t'aide à faire le repassage, Séb' ?"

D'habitude à cette heure, il y a de la musique dans le séjour et Sébastien chante et s'agite dans tous les sens en même temps qu'il repasse mais aujourd'hui il est dans le canapé, même pas habillé à suivre les informations à la télé.

-"Heu oui, tu as raison, je vais m'y mettre..."

Finalement, je suis allé mettre un vinyle de leur collection, Supertramp, Breakfast in America, quelque chose de joyeux pour nous tirer de notre apathie. Pendant que Sébastien s'affairait dans le salon, j'ai passé l'aspirateur dans les chambres. Leur chambre, d'habitude toujours impeccablement rangée, était dans un tel désordre que j'ai dû commencé par ramasser tous les vêtements qui traînaient avant de la nettoyer. Le monde à l'envers, la logique voulant que ce soient plutôt les ados qui aient un problème avec le rangement !

...

Cet après midi, nous sommes allés voir Stéphane au CHU et nous avons appris qu'il allait être transféré lundi à l'hôpital Bellier situé dans le quartier de Doulon, à l'est de la ville. C'est la personne qui est à l'accueil qui nous l'a appris et Sébastien a appelé le secrétariat du Docteur Sanjay pour connaitre les raisons de ce transfert.

-"Ils m'ont dit que c'est parce que son état ne justifie plus de le maintenir dans un service de surveillance intensive.

-"Ca veut dire qu'ils pensent que son état ne va pas changer rapidement et qu'il va rester dans le coma ?

-"Je ne sais pas. C'est à la fois une bonne nouvelle parce qu'ils considèrent qu'il n'y a plus de danger et en même temps ils ne savent toujours pas si son état va évoluer rapidement..."

Dans ma tête, j'ai entendu "ils ne savent pas s'il va se réveiller" et j'ai senti un frisson glacé me parcourir le dos. J'ai blêmi et Sébastien s'en est aperçu parce qu'il a tout de suite rajouté.

-"Il faut qu'on reste optimiste, Didi ! Ca peut prendre du temps mais je suis sûr qu'il va se réveiller ! -"Oui moi aussi !

-"Allez, on oublie nos inquiétudes et on monte le voir !"

...

Nous sommes partis pour Locmariaquer dans l'après midi de dimanche, le réveillon de Noël ayant lieu le lendemain soir. Le weekend a été désespérant pour tous les deux, nous n'avions goût à rien et nous avons passé notre temps, chacun dans notre bulle, à ressasser les évènements récents. J'ai essayé de lire mais je n'arrivais pas à me concentrer alors j'ai fait des allers-retours entre ma chambre et le salon où je zappais devant la télé sans parvenir à trouver un programme intéressant. Je m'étais allongé sur le canapé, et j'ai regardé sans vraiment prêter attention aux images qui défilaient devant mes yeux. Sébastien a travaillé dans le bureau, je ne crois pas qu'il y soit réellement parvenu mais comme moi, il a tenté désespérément de s'occuper l'esprit...

Marie et Edouard nous attendaient avec impatience, je l'ai senti. Ils sont venus voir Stéphane, et sont bien sûr parfaitement au courant de la situation. Nous n'étions pas à l'aise au début parce que tout le monde essayait de jouer le plaisir de se revoir pour passer les fêtes ensemble alors que personne n'était joyeux à commencer par moi, le plus concerné par Noël et les cadeaux. Je n'arrive pas à faire semblant et d'ailleurs je n'en ai pas envie. Puis rapidement autour du goûter servi dans la cuisine nous avons abordé la situation, le coma qui se prolonge et nous avons réussi à parler un peu. J'ai pleuré et Marie a tenté de me réconforter mais elle s'est mise à pleurer elle aussi. Edouard et Sébastien essayaient de tenir bon mais ils étaient à deux doigts de craquer alors ils ont décidé de partir faire une grande ballade à pied tandis que je suis resté à la maison avec Marie pour l'aider à préparer le repas du soir.

Sophie est arrivée le lundi en fin d'après midi, la période de Noël est un moment important en grande distribution, et elle a quitté son équipe assez tard car ils étaient débordés. Son arrivée nous a redonné un peu d'entrain car, passé la décoration du sapin qui nous a occupé le matin et puis un peu d'aide à Marie pour les préparatifs du repas, encore une fois, nous commencions à tourner en rond.

Marie avait invité ses voisins, des retraités tout comme eux, qui se sont installés dans une maison du village il y a quelques années. Ils sont arrivés vers 19h30 avec des fleurs et une bonne bouteille de vin et Edouard a fait les présentations.

-"Je vous présente ma fille, Sophie, qui a enfin réussi à quitter son travail pour se joindre à nous. Elle travaille dans un Centre Leclerc à Nantes et à mon avis, elle devrait travailler un peu moins et profiter un peu plus de la vie...

-"Oh Papa, j'adore mon travail et je suis très heureuse comme ça !

-"Vous faites quoi exactement ?" demande Henry.

-"Je suis responsable du rayon Epicerie salée et avec les fêtes de Noël, c'est vrai que nous sommes débordés ! Mais quoi qu'en pense mon père, ça me plait !

-"Alors c'est l'essentiel ! Moi aussi j'ai travaillé vingt ans dans la grande distribution, chez Auchan et je sais ce que c'est.

-"Et voici mon fils, Sébastien, qui travaille aussi à Nantes dans l'informatique mais ne me demandez pas en quoi consiste son travail, je ne pourrai pas vous l'expliquer !" reprend Edouard en riant.

-"En fait ce n'est pas si compliqué que cela. Je réalise des projets pour des entreprises qui veulent améliorer leur système de communication interne ou externe." répond Sébastien.

-"Ah l'informatique, j'ai essayé de m'y mettre mais comme je le dis à nos petits enfants, ce n'est pas de notre génération !

-"Et enfin, je vous présente Diego, le fils de Sébastien, notre petit fils, qui est un acharné de la pêche ! Je crois qu'il connaitra bientôt mieux que moi les meilleurs coins de la presqu'ile !

-"Oh ça non, à côté de Papy, je n'y connais rien mais c'est vrai que j'aime pêcher et peut-être encore plus manger tout ce qu'on ramène !

-"Tu as bien raison mon garçon ! Tu as quel âge ?

-"Presque quinze ans.

-"Et bien, tu es un bien beau jeune homme et ton papa peut être fier de toi !

-"Merci de vous êtes joints à nous pour ces fêtes... c'est un moment difficile pour notre famille parce que Stéphane, le compagnon de mon fils a eu un grave accident, il est dans le coma alors nous essayons d'oublier un instant ce malheur en espérant qu'il aille mieux très très vite."

J'ai vu qu'Edouard regardait Sébastien avec beaucoup d'amour dans les yeux et qu'il était très ému. Cela m'a beaucoup surpris qu'Edouard parle si ouvertement de l'homosexualité de Sébastien parce que c'est un point qui est resté très sensible entre eux. Sébastien aussi a été surpris et j'ai vu que ses yeux brillaient d'émotion.

-"Merci Papa !"

Sophie est venue à côté de lui et lui a passé doucement la main dans le dos.

-"Et si nous passions au salon ?"

Nous nous sommes donc installés pour prendre l'apéritif dans le salon. Le feu ronronnait dans le poêle et apportait une douce chaleur dans la pièce. Les paroles d'Edouard résonnaient toujours dans ma tête et je me suis dit que cette fois, enfin, il avait complètement accepté son fils et que c'était, en ce Noël très particulier, le plus beau cadeau qu'il pouvait lui faire.

...




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