CHAPITRE CXLIII

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Hier soir, je n'ai pas entendu Thibaud se coucher, j'étais déjà plongé dans un profond sommeil mais ce matin j'ai été le premier à me réveiller. J'ai mis quelques secondes pour réaliser où je me trouvais, je n'arrête pas de changer d'environnement et il me faut à chaque fois un court instant pour me reconnecter avec la réalité du jour présent.

Un peu plus tôt, j'ai entendu un peu de bruit, la voix d'Hugo qui voulait entrer dans la chambre et celle d'Alexis qui lui disait de nous laisser dormir.

'Oui, vraiment il a changé ; avant, il ne se serait jamais soucié du bien-être de son frère !'

Je me redresse et jette un œil vers Thibaud ; il dort paisiblement. Il est tourné sur le côté, la tête vers la fenêtre et je ne distingue pas son visage.

'Qu'est-ce qu'il lui a pris hier soir ? Je ne vais pas le laisser continuer à fuir comme ça !'

Je l'entends respirer calmement et je me lève pour le voir; je ne sais pas pourquoi mais j'ai envie de le regarder. Je vais jusqu'à son bureau, je m'assieds sur le fauteuil et le contemple en souriant. Ses cheveux blonds sont en bataille et il a la main droite près de sa bouche comme s'il suçait son pouce. Cette vision m'attendrit et je sens mon cœur se gonfler d'émotion.

Je demeure ainsi à le regarder béatement quelques minutes et puis une idée un peu folle me traverse la tête.

Je regarde attentivement la forme allongée. Il est presque au bord du lit et a laissé un grand espace inoccupé.

'D'accord, c'est un peu osé, mais au moins cela permettra de faire avancer les choses !'

Je me retiens pour ne pas me mettre à rire en imaginant la surprise de Thibaud...

J'hésite un instant encore. C'est une bataille entre mon côté raisonnable, policé, et un Diego que je connais moins mais qui semble s'affirmer de plus en plus, qui ose davantage et prend plus de risques.

'Allez, j'ai déjà beaucoup trop attendu, il faut oser dans la vie !'

Je reviens vers le côté inoccupé du lit et lentement, je soulève la couette. Je sens son odeur monter jusqu'à mes narines, une odeur douce et chaude. Je m'assieds sur le bord découvert du lit puis lentement je glisse une jambe et je m'allonge tout doucement.

Il ne réagit pas alors je pose ma deuxième jambe sur le matelas et replace la couette sur moi. Je sens que je suis empourpré et je souris de contentement devant une telle audace de ma part. Maintenant c'est trop tard, je ne peux plus revenir en arrière...

Son lit n'est pas aussi grand qu'un lit standard pour deux personnes mais il est plus grand qu'un lit individuel.

'Il doit être pour une personne et demie !' pense-je en riant dans ma tête.

Une personne et demie... quel concept bizarre !

'Moi je dirais plutôt, deux personnes collées !'

Ou deux amoureux, comme le dirait Hugo !

Je ne sais pas quelle heure il est, je constate que le jour est levé mais sans plus de précision aussi je me décide de profiter du moment. Je me tourne moi aussi sur le côté et me rapproche de lui. Mon corps vient épouser le sien sans presque le toucher. Mon visage se rapproche de ses cheveux et je sens encore plus distinctement son odeur qui m'envahit. Elle m'envoute complètement et je sens mon corps réagir... je ferme les yeux et je profite de cet instant de bonheur volé...

Je suis bien...

Mieux que ça, je vis exactement ce que j'ai rêvé de vivre avec Thibaud depuis le moment où j'ai commencé à comprendre ce que je ressens pour lui...

'C'est quelque chose que je n'ai jamais connu et c'est parce que c'est avec lui !'

Je me sens heureux, apaisé et lentement je me laisse glisser dans une douce somnolence...

'Je sais maintenant ce que ça fait d'être amoureux ! Et ce n'est que le début...'

...

Depuis quelques instants, j'ai la sensation que l'on m'observe et immédiatement je reprends conscience que je suis dans le lit de Thibaud et qu'il a dû se réveiller.

'Purée, j'aurai aimé voir sa tête !'

J'entrouvre prudemment une paupière et je découvre Thibaud adossé à la tête de lit qui me regarde comme hypnotisé.

Je lui souris et m'étire doucement.

-"Bonjour...

-"Heu bonjour...

-"Heu... j'avais peur et j'avais froid alors je suis venu dans ton lit !" dis-je sur le ton de la plaisanterie.

Il me regarde sans oser comprendre, je le sens, alors je décide de couper court à tout malentendu. Je me redresse pour être à sa hauteur et je reprends.

-"J'ai compris hier que tu n'étais pas à l'aise certainement à cause d'un message que tu m'as envoyé mercredi midi."

Son visage s'est contracté un peu mais il ne dit rien.

-"Je ne sais pas exactement ce qu'il y avait dans ce message mais je crois le deviner.

-"Heu...

-"Non attends, laisse-moi terminer. Je te répète que je n'ai pas reçu ton message et d'ailleurs je m'en fiche.

-"Mais, je...

-"Chut ! Je suis venu te dire que... que je ressens quelque chose de spécial quand je suis avec toi, je ne sais pas exactement ce que c'est mais c'est quelque chose que je n'avais jamais éprouvé auparavant. Avec personne !... Je crois que je suis amoureux de toi... est-ce que tu veux être mon petit ami ?

-"Hein ? Est-ce que quoi ?

-"Heu peut-être que dans l'autre sens tu comprendras mieux. Est-ce que je peux être ton petit ami ?"

J'ai cru qu'il allait se mettre à pleurer. Il m'a regardé stupéfait comme s'il ne croyait pas ce qu'il venait d'entendre et s'est mis à balbutier comme quelqu'un qui ne sait plus parler.

-"Oh... je... tu... hein ?

-"Dis juste oui, s'il te plait !

-"Oui !"

Je l'ai serré dans mes bras et finalement c'est à ce moment qu'il s'est mis à pleurer. J'ai senti son corps qui tressautait tout contre le mien et puis j'ai senti ses larmes couler. Je l'ai laissé s'apaiser tranquillement, je sais qu'il lui faut un peu de temps pour que l'idée fasse son chemin.

-"Oh mon Dieu, je ne peux pas le croire ! C'est vrai ?" parvient-il enfin à articuler.

-"Oui, c'est vrai !

-"Ohlala, je suis en train de rêver !"

Mes mains parcourent lentement son corps. Je caresse son dos puis sa nuque, l'arrière de sa tête, et puis je desserre l'étreinte de ses bras, me recule un peu et je passe lentement le bout de mes doigts sur son visage. D'abord sur le front où j'écarte quelques mèches de cheveux rebelles puis sur les joues et enfin sur ses lèvres. Elles sont d'un rose-rouge attirant et je vois qu'elles tremblent légèrement.

-"J'ai envie de t'embrasser..."

Ses yeux verts me jettent un éclair de joie.

-"Je n'ai jamais embrassé de garçon..." continue-je.

-"Moi, je n'ai jamais embrassé personne..." répond-il avec un petit sourire triste.

-"C'est pas grave, on va apprendre ensemble..."

J'ai rapproché mon visage du sien. Il était tendu comme un arc, je le voyais dans ses yeux. J'ai posé mes lèvres sur le coin de sa bouche et je suis venu picorer doucement sa lèvre supérieure. Je l'ai senti se détendre et j'en ai profité pour appuyer davantage mes lèvres contre sa bouche maintenant entrouverte.

Je me suis reculé et je l'ai regardé en souriant avant de revenir poser mes lèvres sur les siennes. Cette fois, j'ai laissé passer ma langue et je suis venu le titiller. A ma grande surprise, il a répondu immédiatement et j'ai senti sa langue contre la mienne et cela a déclenché une vague de chaleur qui s'est répandue dans tout mon corps.

Nos corps se sont animés et j'ai senti ses mains qui me caressaient partout tandis que nos langues virevoltaient comme des furies.

'Mon Dieu, c'est ça que ça fait !'

Je ne saurais vous dire combien de temps a duré ce premier baiser. Quel est le record de plongée en apnée ? Je crois que nous l'avons battu mais peu importe bien sûr.

Nous avons perdu conscience de tout ce qui n'était pas nous. Je n'ai vu, senti, humé, embrassé, caressé que lui et je sais qu'il en a été de même pour lui et je crois que nous serions encore en train de nous découvrir si à un moment, en plein baiser, nous n'avions entendu une petite voix s'élever.

-"Dépêchez-vous de finir de vous embrasser ! Maman a dit que si vous n'étiez pas en bas dans dix minutes, ce serait trop tard pour le petit déjeuner..."

Je ne sais pas comment le message a réussi à atteindre mon cerveau mais la nature humaine est bien faite et Thibaud a du l'entendre lui aussi car le ballet endiablé de nos langues s'est interrompu et nous avons tourné la tête simultanément vers la porte de la chambre.

Hugo se tenait sur le pas de la porte. Il arborait un sourire éclatant.

-"Désolé de vous déranger ! Hi hi hi hi hi hi..."

J'ai vu son pouce se tendre vers le haut et son sourire s'élargir encore puis il a tourné les talons et a quitté la chambre en riant à gorge déployée !

...

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