CHAPITRE CLX

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Je l'ai reconnu tout de suite ! Cela fait huit mois qu'on ne s'est pas vu, il a grandi et ses cheveux ont bien poussé mais pas de problème. Ce qui m'a le plus perturbé, c'étaient les vêtements ! Au camping nous étions nus alors, le découvrir couvert des pieds à la tête, emmitouflé dans un anorak, protégé par un bonnet, c'était passer d'un extrême à l'autre.

On est tombé dans les bras l'un de l'autre et l'on a discuté quelques minutes avant de chausser nos patins. Quel plaisir de retrouver Tobias, cela m'a ramené plus de six mois en arrière et j'ai repensé à ces bons moments que nous avions passé ensemble au camping du Pont de l'Arche. Je rougis en me remémorant certaines scènes…

J'ai déjà pratiqué le patinage mais c'était il y a longtemps et je n'étais pas très assuré, contrairement à Tobias, quand je suis entré sur la patinoire. Mais après quelques secondes hésitantes, j'ai retrouvé le rythme et j'ai commencé à bien me débrouiller.

'Ca doit être comme le vélo, ça ne s'oublie pas !'

Je suis venu avec Lorraine et Filip et Thibaud va nous rejoindre un peu plus tard. Filip file sans peur sur la glace et ne craint pas les chutes tandis que Lorraine et moi sommes tout de même plus mesurés. Il y a beaucoup de monde et il faut reconnaître que savoir patiner est une chose mais gérer les écarts des autres patineurs et être capable de s'arrêter pour éviter de rentrer en collision avec quelqu'un qui s'est subitement affalé de tout son long sur la glace, en est une autre !

Après une bonne demi-heure sur la glace et suite à deux chutes consécutives qui nous ont trempés et faits prendre contact rudement avec le sol dur et glacé, nous avons décidé de faire une pause et nous sommes sortis pour nous reposer un peu.

Attablé autour d'un bon chocolat chaud, nous avons repris notre conversation et c'est à ce moment que Thibaud est arrivé.

-"Tobias, hier ist mein Freund Thibaud. Thibaud es ist mein Freund Tobias; wir haben uns letzen Sommer im Campingplatz in Ardèche kennen gelernt." Tobias, voici mon ami Thibaud. Thibaud, je te présente mon ami Tobias que j’ai connu l’été dernier au camping en Ardèche.

Je me suis levé et j'ai embrassé Thibaud sur la bouche, rien de passionné, juste un petit baiser déposé sur ses lèvres mais j'ai vu qu'il devenait rouge pivoine immédiatement.

Lorraine a éclaté de rire et j'ai remarqué que Tobias restait la bouche ouverte, éberlué.

-"Überrascht ?" Surpris ? demande Lorraine à Tobias.

-"Also ja ! Dieser Sommer, Diego und ich, hatten wir ein Freundin... ich hätte es nie herausgefunden ! Eh bien, oui ! L’été dernier, nous avions une petite copine, Diego et moi… je n’aurais jamais deviné !

-"Schockiert ?" Choqué ? reprends-je.

-"Nein aber überrascht, klar ! Wir haben... "Non mais surpris, clairement ! Nous nous sommes…

Il s'est interrompu et je crois que j'ai pu suivre le cheminement de sa pensée rien qu'en observant le rouge qui gagnait progressivement tout son visage.

-"Also, hier gibt es etwas verdächtig, oder ?" Oh je soupçonne qu’il s’est passé quelque chose… déclare Lorraine en riant.

-"Kein Antwort, die Geneve Konvention erlaubt mich still zu bleiben !" Pas de réponse, la convention de Genève m’autorise à me taire !

Nous avons éclaté de rire tous les trois mais Thibaud n'a pas compris alors je me suis penché vers lui.

-"T'inquiète pas, je t'expliquerai mais tu ne devras pas être jaloux...

-"De quoi ?

-"T'inquiète pas je te dis, c'était avant !"

...

Nous sommes rentrés assez tôt car pour mon dernier repas chez les Neumann, je leur avais promis que ce soir j'allais leur préparer un repas français. Lorraine a adoré l'idée et elle a immédiatement proposé de m'aider. Anna a fait les courses et vers 17 heures nous étions de retour à la maison pour nous activer dans la cuisine.

J'avais réfléchi un peu pour trouver quelque chose de simple et j'avais déduit de mes recherches qu'il était préférable d'éviter la choucroute pour ne pas réveiller les tensions entre les deux pays, puisque c'est un plat dont la paternité est revendiqué à la fois par le sud de l'Allemagne et bien sûr par l'Alsace ! Monsieur Zieger nous avait d'ailleurs raconté à ce propos que c'était un plat d'origine chinoise apparu lors de la construction de la Grande Muraille qui est arrivé en Europe dans les marmites des Huns. Incroyable, non ?

Comme quoi, l’influence des peuples étrangers se retrouve même dans la gastronomie traditionnelle quoi qu'en pensent les partisans des mouvements d'extrême droite qui s'insurgent contre les travailleurs immigrés et leurs us et coutumes barbares !

'S'ils savaient qu’ils mangent une spécialité pas du tout germanique, les militants de l'AFD s'étrangleraient en dégustant leur plat favori !"

J'avais aussi éliminé l'idée de préparer une quiche lorraine ne voulant pas froisser la famille Neumann qui m'avait accueilli avec tant de gentillesse.

Finalement, j'ai décidé de faire des galettes bretonnes.

'Ca c'est typique de la Bretagne et pas très compliqué à faire si Anna réussit à en trouver ici à Sarrebruck !'

Heureusement, Anna est revenue triomphante avec deux paquets de galettes alors que nous étions en train de préparer la pâte à crêpe pour le dessert. Nous avons donc pu enchainer sur la préparation des garnitures, le coulis de tomate, les champignons de Paris. Il ne restera plus qu'à compléter avec du jambon, des œufs, du gruyère, rien de plus facile. Lorraine et moi faisions office de chefs tandis que Filip était le commis de cuisine. On s'est bien amusé et puis le soir on s'est régalé. D'accord, il manquait ce petit quelque chose qui n'appartient qu'aux galettes dégustées à Locmariaquer mais c'était très bon et tout le monde s'est régalé.

...

Dimanche matin, pour notre dernier jour à Sarrebruck nous sommes partis tous ensemble en car faire des visites. Cela faisait trois jours que nous n'avions pas vu les profs et tout le monde était content de les retrouver. Ils nous ont appelés plusieurs fois pour s'assurer que tout se passait bien et se sont occupés de quelques élèves qui avaient des soucis mais sinon ils nous ont laissés vivre ces trois jours en autonomie. Je crois que les voyages créent un lien particulier entre élèves et profs et en ce qui me concerne, cela renforce encore celui que j'ai avec monsieur Zeiger et madame Ravier. Pendant que nous roulions vers notre destination, une usine sidérurgique de la Ruhr, ils sont passés discuter avec chacun d'entre nous.

-"Alors Diego, comment se sont passés ces trois jours ?

-"Oh très très bien ! Les Neumann sont supers gentils et... et c'est un tel soulagement d'être ici, c'est ce qui m'est arrivé de mieux depuis des mois !

-"Oh... oui, je comprends. Et j'ai l'impression que Thibaud est sur un petit nuage, lui aussi !

-"Ah oui ! Je vis un rêve éveillé !

-"Tiens, tiens, je me demande bien pourquoi ?"

On a rigolé et nos voisins aussi !

J'ai remarqué qu'il y a eu quelques changements dans la répartition des élèves dans le car. Boris et Corentin sont venus se mettre derrière nous et j'ai remarqué aussi qu'Enzo était à côté de Laurie juste devant nous.

'Peut-être que son appel à l'âme sœur n'est pas tombée dans l'oreille d'une sourde !'

Pour ma part, je ne suis pas prêt à céder ma place à quiconque et s'il y avait le moindre doute, je tiens souvent la main de Thibaud dans la mienne, discret mais ferme signe de notre relation.

...

La visite de ce gigantesque complexe sidérurgique ne m'a pas passionné, je dois le reconnaitre, même si l'usine était impressionnante de par ses dimensions, sa modernité et puis bien sûr par la taille de ses équipements mais encore une fois, ce n'était pas l'essentiel. Pour moi ce qui comptait c'était d'être avec mes amis, de passer un bon moment avec eux et puis surtout d'être avec Thibaud !

Je crois que toutes les craintes que nous avions au début du voyage sont dissipées car franchement, je n'ai pas perçu la moindre animosité, le moindre regard réprobateur, ni aucun commentaire méchant ou déplacé. Peut-être était-ce parce les profs sont là avec nous mais sincèrement, je ne le crois pas.

J'ai l'impression que nous sommes devenus le couple mascotte du groupe !

Parfois, nous aimerions nous fondre un peu plus dans la masse, disparaître aux yeux de tous mais inévitablement il y a quelqu'un pour glisser une allusion ou faire une petite blague. C'est gentil, toujours respectueux donc je ne vais pas me plaindre, je regrette simplement parfois que l'on ne nous laisse pas un peu plus tranquille, juste comme les autres couples.

'Ah voilà que je suis en train de râler parce que les gens sont trop gentils !'

Thibaud est transformé, il ne craint plus le regard des autres au point que parfois c'est lui qui vient m'embrasser devant nos amis !

Il sourit en permanence, il rit et plaisante sans crainte d'être jugé, il s'affirme et tout le monde semble découvrir toutes ses qualités.

Il est de plus en plus beau !

Il me rend plus amoureux à chaque instant !

Je me sens tellement différent quand je suis avec lui...

J'ai envie de lui...

...

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