CHAPITRE CLXX

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Les lumières du grand hall se sont allumées automatiquement quand nous sommes rentrés. Régis s'est dirigé vers le bureau des éducateurs et je l'ai suivi. Patrick, qui était de service, m'a accueilli chaleureusement et m'a donné ma clé ; je l'ai salué et puis je suis monté me coucher. Il n'y avait personne dans les couloirs et pas un bruit dans le bâtiment, j'ai eu l'impression de marcher dans un vaisseau fantôme.

Arrivé devant la porte de ma chambre, j'ai tourné doucement la poignée mais elle était fermée.

'On dirait que Jimmy ne voulait pas être dérangé pendant sa branlette du soir !'

J'ai ouvert avec ma clé et à ma grande surprise, il n'y avait personne. Ca m'a surpris et déçu, je dois le reconnaître. J'ai regardé le lit vide et j'ai souri.

'Qui aurait cru que je regretterais que Jimmy ne soit pas là !'

J'ai aperçu une feuille de papier posée sur mon bureau.

Salut Diego,

Je suis chez ma mère jusqu'à vendredi. J'espère que ton voyage c'est bien passer.

Jimmy

C'est juste un petit mot de trois lignes, avec deux énormes fautes, mais ça m'a touché.

Peut-être parce que je ne m'y attendais pas de la part de Jimmy, peut-être parce que de façon plus ou moins consciente, il est devenu sinon un ami au moins un camarade avec lequel je m'entends bien et finalement pour qui j'éprouve une forme d'attachement et puis peut-être surtout parce que je n'imaginais pas qu'il se préoccupe de moi...

Je me suis couché rapidement et j'ai fermé les yeux.

J'ai repassé dans ma tête les moments forts du voyage.

L'histoire de la photo dans le car, la balade romantique sous la neige à Sarrebruck, la surprise de ce matin à l'auberge et bien sûr la nuit dernière, torride et sensuelle que je n'oublierai jamais !

Et puis, très vite, fatigué par le voyage et toutes ses émotions, je me suis endormi.

...

Ce matin, j'ai fait la grasse matinée au point que j'ai manqué le petit déjeuner. Au foyer, le self est ouvert jusqu'à 9 heures et quand je me suis réveillé, il était presque 11 heures ! J'ai pris une bonne douche et je suis descendu. Il n'y a presque personne comme si tout le monde était rentré dans sa famille pour les vacances.

'Un comble pour cette institution qui accueille des jeunes dont on ne sait pas quoi faire !'

J'ai croisé Régis qui m'a dit que la directrice voulait me voir dès que possible.

-"D'accord, je vais m'acheter quelque chose à manger et j'irai la voir aussitôt après.

-"OK, Diego, mais ne traîne pas !

-"Promis !"

J'ai filé dehors et me suis dirigé vers la boulangerie la plus proche, plutôt content de moi.

'Déjà, j'ai mis un pied dehors alors que je devrais être consigné !'

La directrice qui était furieuse après ma fugue m'avait prévenu que pendant les vacances, je serai strictement consigné au foyer. J'ai pris mon temps et après être passé à la boulangerie, je suis entré dans un café pour y prendre un grand crème.

'Les viennoiseries françaises, c'est quand même autre chose que les pâtisseries allemandes !'

A 11 h 30, j'ai frappé à la porte du bureau de madame Verger. Elle m'a fait entrer tout de suite; j'ai eu l'impression qu'elle m'attendait.

-"Bonjour Diego.

-"Bonjour madame la directrice.

Comme d'habitude, elle n'a pas perdu de temps avec quelques phrases de conversation informelle, des banalités comme "comment s'est passé ton voyage ?" ou un "alors l'Allemagne, c'était bien ?"

Non, elle est entrée bille en tête dans l'objet de cet entretien comme si elle reprenait une conversation que nous avions commencé la veille.

-"Je voudrais qu'on fasse le point sur ton emploi du temps pendant les vacances."

-"Heu oui bien sûr, je vous écoute..."

-"J'ai décidé d'alléger les sanctions et tu pourras sortir dans la journée dans la mesure où tu auras donné ton programme à l'avance aux éducateurs."

Je n'ai pas réagi, du moins pas extérieurement, à son annonce, et elle a eu l'air surprise.

-"Tu ne dis rien, ça ne te fait pas plaisir ?

-"Si, bien sûr. Puis-je vous demander ce qui me vaut tant d'indulgence de votre part ?"

Elle m'a jeté un regard irrité et a haussé les épaules avant de répondre.

-" Monsieur Goulard et madame Krepinski des services sociaux m'ont convaincue que les résultats de leur enquête conduiraient à un retour rapide dans ton foyer et que je devais faire preuve d'indulgence à ton égard...

-"Oh, j'en suis très heureux..."

Elle a soupiré avant de reprendre.

-"Je n'ai rien contre toi Diego, je sais que tu n'apprécies pas d'être ici mais il y a un règlement que je me dois de faire appliquer.

-"Bien sûr. Vous avez appris que mon père est sorti du coma ?

-"Oui, on m'a prévenue ce matin ce qui va encore accélérer le processus."

C'est la nouvelle que j'attendais et mon cœur s'est mis à battre à toute vitesse, j'ai essayé de ne pas montrer la joie que je ressentais.

-"Et vous avez une idée de la date à laquelle cette décision pourrait être prise ?" l'interrogé-je en affectant beaucoup de nonchalance.

-"Très bientôt, d'ici la fin de la semaine, lundi au plus tard.

-"Eh bien il ne me reste plus qu'à vous remercier de ces excellentes nouvelles." terminé-je avec toujours beaucoup de retenue.

Je me suis levé et m'apprêtais à partir quand elle a repris la parole.

-"Tu es très intelligent Diego mais, je t'en prie, ne sois pas condescendant, tu vaux mieux que ça...

-"Merci pour le conseil et sachez simplement que j'ai appris de cette pénible expérience à me protéger de tous ceux qui voulaient changer ma vie. J'ai du m'endurcir pour faire front. Ce que vous prenez pour de la condescendance n'est qu'une attitude pour cacher ma faiblesse et mes peurs. Je vous souhaite une très bonne journée, la mienne sera excellente !"

...

Le règlement stipulant que le programme de la journée doit être déposé à l'avance, je me suis retrouvé coincé au foyer pour le reste de la journée. Je suis remonté dans ma chambre et j'ai appelé Thibaud. Je lui ai dit que je pourrai passer le voir demain et je crois qu'il en était encore plus heureux que moi. Puis j'ai envoyé un message à Sébastien pour lui demander s'il avait des nouvelles. Il m'a appelé aussitôt.

-"Bonjour Didi, j'allais t'appeler. Tu as bien récupéré du voyage ?

-"Bonjour Séb, oui, j'ai fait la grasse mat' et je viens de voir la directrice, elle est au courant que Stéphane est sorti du coma, elle pense que je devrais pouvoir sortir demain ou après-demain !

-"Génial ! Et moi, j'ai une grande nouvelle, normalement on va pouvoir passer voir Stéphane en fin d'après-midi !

-"Oh c'est vrai ?"

J'ai senti quelque chose se rompre en moi et je me suis mis à pleurer sans rien pouvoir contrôler.

-"Didi, ça va ?

-"Oui... c'est juste que... oh je suis tellement heureux..."

Sébastien a attendu quelques instants que je me calme et puis il a repris.

-"Je sais ce que tu ressens, je viens juste de raccrocher avec le médecin et moi aussi j'ai éclaté en sanglots...

-"C'est la fin du cauchemar !

-"Oui, enfin !

-"Oh mais normalement je n'ai pas le droit de sortir aujourd'hui... il faut que je retourne voir la directrice pour lui demander. J'y vais et je te rappelle !"

Je suis sorti en trombe de ma chambre.

'Elle n'a pas intérêt à refuser que j'aille à l'hôpital !'

'De toute façon, si elle dit non, je fais une fugue !'

...

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