Élévation

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Après une semaine de ressourcement, l'oncle Kuan Ti désirait nous emmener dans la montagne. C'était toute une expédition. Maman oscillait des genoux et toi tu étais lourde à porter. Au trois quart du chemin, nous décidâmes d’arrêter l’ascension. Oncle insistait. Il fallait absolument poursuivre. Je le suivis pendant que vous vous reposiez et prépariez le pique -nique.

Au-delà de la forêt, le sommet révélé n’était qu’un amoncellement de rochers. Sur le versant sud, les fleurs colonisaient le sol dénué d’autre végétation. Voilà donc le but ultime de notre promenade ?

L’oncle Kuan Ti m’invita à m’asseoir doucement en face de lui. Entre nous un magnifique entrelacs d’orchidées sauvages. Il caressa les fleurs sans les toucher. Je ne comprenais pas ce qu’il me disait mais crus deviner qu’il m’indiquait le nom savant de cette plante.

Les plus grandes des longues tiges avaient tendance à ramper sur le rocher nu. Quelques feuilles vert foncé se nuançaient du pourpre discret des détails insignifiants mais remarquables. La base, constituée de racines charnues, alimentait une inflorescence magistrale. Des fleurs blanches, rosées, brillaient au soleil. Leur petite langue rouge cerise contenait elle aussi de minuscules taches pourpres.

Avec une infinie délicatesse, Oncle souleva le capuchon de l’étamine. Il découvrit à son extrémité deux petits sacs jaunes remplis de pollen. Il m’expliqua, avec une mimique hyper réaliste, que ceux-ci allaient se dresser vers le ciel puis se recourber et s’introduire dans la cavité qu’il me montra à l’aide de l’ongle de son petit doigt.

Quel passionné, ce Kuan Ti !

Il s'assit un peu à l'écart, contempla le paysage alentour... ou était-ce l'inverse ? Je ne sais plus. Je le regardais lui, au milieu de nulle part. Une impression de plénitude m'envahissait peu à peu. Cet emplacement était son jardin secret. Il me désignait l'héritière de ce trésor ouvert à tous vents. Oncle était un poète.

De retour près de toi et de maman, nos visages radieux déclenchèrent la curiosité. Oui, il y avait bien quelque chose de beau là-haut. Oui, ce quelque chose d’inexplicable permettait d’ouvrir les yeux sur le monde, sur soi-même.

Nos valises bouclées, il était temps de revenir à la réalité. Malheureusement. Kuan Ti écourta nos adieux.

— Pour toi Ma Ku, me dit-il les yeux dans les yeux. Prends soin de ta petite fille.

Troisième Oncle me fourra dans la main quelques fruits secs pour le voyage.

C’étaient des amandes amères.

Ceci s'est-il vraiment passé ainsi pour Ma Ku ?

fin

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