Chapitre 32 - VP Laetitia

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Le lendemain, quand j’arrive à mon bureau, il y a une gamine blonde à ma place. Elle a l’air de savoir ce qu’elle fait. Ça me fait un choc cataclysmique. Elle me regarde d’un air bizarre et me demande si elle peut me renseigner. Le comble ! Je fonce dans son bureau. Quand il me voit arrivée, furieuse, il me dit presque en souriant :

- Alors, je t’ai trouvé une remplaçante !? J’hésite entre pleurer et lui cogner dessus. Mon cœur et mon cerveau ne font plus qu’un et je lui balance tout ce que j’ai à lui dire.

- Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Vous êtes minable. Vous êtes célibataire parce que vous êtes inintéressant, vous me cognez dessus parce que vous ne savez rien faire d’autre avec une femme dans les bras (c’est un peu faux). Vous n’avez jamais rien à dire et vous ne vous intéressez à personne. Vu la tête qu’il fait, il ne s’attendait pas à ça. Lui aussi il subit un choc, exactement ce que je voulais. Il ne dit rien pendant un moment.

- Jamais dans l’excès…J’ai trouvé un nouveau poste pour toi. Je veux que tu sois responsable des Shop and Read. Je voudrais que tu fasses évoluer le concept, qu’il prenne de l’ampleur. Merde. Est-ce que c’est toujours valable ?

- Ça veut dire continuer à travailler avec vous ?

- Evidemment. Mais beaucoup moins qu’avant. En fait, on m’a demandé de m’éloigner de toi. C’est la gamine qui va me remplacer en plus, dans le bureau juste à côté de lui.

- Alors c’est non. Cette fois c’est fini. Votre petite blague m’a convaincue de mon choix et de la véracité de tout ce que je viens de dire. Donnez-moi une feuille, je vous écris ma démission sur le champ.

Il prend une feuille et me la tend. Dessus il est écrit ceci :

« Laetitia, j’ai besoin de vous. Ces derniers mois, vous dites avoir souffert de notre relation. Moi pour la première fois de ma vie j’ai eu l’impression d’être serein. J’ai besoin de vous dans mon travail, j’ai besoin de votre organisation, de votre bonne humeur constante et de voir votre sourire chaque jour. Désormais j’ai aussi besoin de ce que vous m’avez laissé vous faire. C’est nécessaire à mon équilibre de vie. Quand je ne vais pas bien, vous êtes là. Enfin j’ai besoin de vous faire ça pour vous contrôler. J’aime quand vous vous soumettez à moi. J’ai l’impression d’avoir dompté un cheval sauvage et qu’il vient manger dans ma main. J’aime aussi quand vous vous réveillez seule et que vous venez vous glisser dans mon lit. Je m’intéresse à vous. Depuis toujours. Restez avec moi. NF »

- Je vous ai déjà dit que je suis insensible à vos tentatives de manipulation !

- Voilà ! Un cheval sauvage qui ne vient manger dans ma main que quand je le soumets. Je reste silencieuse un instant.

- Vous savez très bien qu’il faut qu’on arrête.

- Non, ce rôle de sexfriend me va très bien, en attendant que les choses se tassent.

- Mais pas à moi ! Je vais finir par tomber amoureuse de vous.

- Ne m’en parlez pas, il y a eu encore une émission sur ce sujet hier soir à la télé !

- Quoi ?

- Les débats tournent sur ce qui se passerait si on voulait se marier.

- Vous n’êtes pas sérieux ?

- Et si !

- Mais enfin, vous voyez bien qu’il faut qu’on arrête !

- Je crois que j’ai trouvé la solution. Il me tend un journal où il apparait en photo avec une fille. Mon cœur s’effondre. Je déteste sa solution.

- C’est très bien, mais je vais quand même arrêter. Vous m’avez donné deux semaines pour réfléchir.

- Non, pour que les choses s’apaisent.

- Et bien pendant ce temps j’ai aussi pris du recul et j’arrête. C’est la meilleure décision que j’ai pris de ma vie, même s’il va me falloir six mois pour m’en remettre.

Et c’est réellement ce qu’il va me falloir.

Je sors. Quand je vois la « fillette », l’angoisse remonte, mais je continue et je tiens bon. Je me retrouve en bas de l’immeuble et je marche longtemps. Je rentre pleurer un bon coup chez moi. Malheureusement je ne m’arrête plus. Le soir je m’endors en pleurant et le lendemain, dès que je me réveille, en moins de cinq secondes je réalise où j’en suis et je me remets à pleurer. D’un seul coup je comprends le mot « dépression ». Je me souviens qu’on m’a dit qu’un symptôme est de ne pas pouvoir se lever le matin. J’en suis exactement là. Je reste assise dans mon lit la tête entre les bras. Parfois je me force à me lever pour aller aux toilettes ou pour essayer de faire quelque chose mais je reviens à mon lit en quelques instants. Je m’endors de nouveau en pleurant. Le lendemain j’appelle ma mère et je lui dis encore en pleurant que je veux aller chez le médecin pour qu’il me donne des médicaments pour que la souffrance s’arrête. Quand elle arrive, elle me tient dans ses bras pendant au moins 20 minutes. Elle me raconte une histoire, mais pas comme celle qu’elle me lisait quand j’étais petite :

- Si tu vas chez le médecin, il va effectivement te donner des médicaments. Ça va t’aider à aller mieux, tu auras moins mal. Mais ça va durer des mois. Les antidépresseurs, ce n’est pas quelque chose qu’on prend comme ça pendant 15 jours, tu ne pourras plus arrêter, est-ce que tu comprends ?

Je ne réponds rien, je ne sais plus. Il faut juste que ça s’arrête.

- Emmène-moi chez le médecin.

- Non. Les gens qui font de la dépression vont mal pendant longtemps avant que ça se déclenche, toi depuis quand tu ne vas pas bien ?

- Six mois au moins.

- Je ne te crois pas, tu allais bien quand je t’ai vu ces derniers temps. Et au gala, tu resplendissais de bonheur.

Elle passe la journée avec moi. Ça m’oblige à sortir de ma chambre et à penser à autre chose. Je pense à sa vie à elle. A ses dépressions. Je pense aussi à toutes les personnes qui ont de vrais malheurs et qui s’en sortent. Ma mère ne me pose aucune question sur le passé, elle ne me parle que du futur. C’est un assez bon remède, mais je voudrais parler à quelqu’un. Ça me pèse trop dans tout le corps. Finalement j’ai l’impression que ce qui me pesait sur le cœur auparavant s’est posé dans tout le corps et que c’est pour ça que je me sens lourde. Ma mère me demande si je veux qu’elle reste et je lui dis que je vais demander à Marie de venir, pour qu’elle n’ait pas à se justifier auprès de mon père. Elle attend que Marie arrive et elle nous laisse en donnant ses instructions pour le dîner qu’elle a préparé. Nous mangeons en silence, Marie essaye de me faire rire et moi j’essaye de me lancer et de tout lui déballer. Après le repas on s’installe sur le canapé et Marie met mon film préféré, Persuasion, de Jane Austen, même si ça l’ennui profondément. Moi ça me pose. Je commence à lui parler. Je lui dis tout. La honte, le plaisir, le frisson, l’amour, la colère, la frustration. Elle me prend dans ses bras en disant qu’elle est contente que je l’aie appelé et je m’endors sans pleurer. Elle passe le samedi avec moi et elle essaye de me faire sortir, sans succès. J’ai la ferme intention de feindre l'agoraphobie et de ne plus jamais quitter mon appartement. Vers 16h, l’interphone sonne et Il est en bas. Je sens Marie stresser mais elle descend pour lui dire de partir. Elle reste en bas très longtemps et elle remonte seule. Elle me met les deux dvd d’Orgueil et Préjugés pour que j’oublie. Le dimanche, Marie me dit qu’il faut qu’on fasse quelque chose :

- Tout d’abord, il va sûrement revenir. Il faut que tu prennes une décision si tu vas venir chez moi où ailleurs pendant quelques temps mais on doit bouger aujourd’hui même. Ensuite il faut penser à l’avenir. Il faudrait que tu cherches un nouveau travail.

- Est-ce que les journaux parlent toujours de moi ?

- Non, je n’avais pas fait attention mais ça s’est bien tassé ces derniers jours. Bon je ne dis pas que dans ton domaine les gens t’ont oubliée mais il faut passer à autre chose et chercher du travail comme une fille normale.

- Je suis normale !

- Oui ben tu comprends ce que je veux dire ! Surtout que tu as bien lu les journaux qui parlaient de toi, c’était plutôt flatteur non ?

- En fait je n’ai pas lu un seul article depuis deux semaines et demi.

- Tu plaisantes ?! On va commencer par ça ! Viens avec moi !

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