Chapitre 44 - VP Benjamin

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Pendant ces cinq mois, qui m’ont semblé cinq années, une chose m’a maintenue la tête hors de l’eau : le mariage de Mathieu et Claire et la certitude que Laetitia serait là. J’ai imaginé nos retrouvailles mille fois. J’ai imaginé deux-mille façons de la reconquérir. Le soir de mon burn-out, Mathieu est resté dormir chez moi, comme si j’allais mourir pendant la nuit, et je lui ai (presque) tout balancé en lui faisant promettre de ne rien dire à personne, même pas à Claire. Il m’a aidé à préparer un programme de reconquête à Cuba et m’a donné tous les renseignements nécessaires pour organiser des sorties qui conviendraient à Laetitia. Il a baptisé ça « Opération Laetitia for ever », ce qui m’énervait vaguement. Je l’ai laissé s’occuper des sorties pour tout le groupe, la journée vers les dauphins et la visite des plantations de canne à sucre. Je me suis occupé des journées solos : je suis passé par une agence de voyage pour trouver une crique isolée et privée, ce qui m’assurait qu’elle soit vraiment déserte vu qu’il y avait un gardien à l’entrée du seul chemin d’accès. L’agence m’a aussi fait les réservations pour une journée en mode « local », sur les conseils de Claire, ce qui fait que j’ai su que Mathieu n’avait pas réellement tenu sa promesse de ne rien dire.

Je comptais les heures depuis trois mois quand le jour du départ est enfin arrivé. Pourtant, à partir du moment où je l’ai revu, rien ne s’est passé comme prévu. Je devais être souriant, avenant et lui demander comment elle allait et au lieu de ça je lui ai fait la bise et je lui ai tourné le dos. Mathieu m’a bien engueulé en allant chercher un truc à boire. Après la première soirée, il m’a carrément dit que si je continuais à la snober et à foirer l’opération « Laetitia for ever », il me laissait me débrouiller.

Le lendemain, toujours incapable de faire quoi que ce soit, j’ai assisté impuissant aux tentatives d’un prof de danse cubaine et d’un cousin de Claire pour la draguer. J’ai supplié Claire de m’aider et elle a mieux compris ma peur de me prendre encore une soufflante, ou pire (mais je ne leur ai jamais raconté le pire) :

- Je veux être gentil avec elle et chaque fois que je la vois, je flippe tellement que je me ferme.

- A cause de quoi ?

- De tout. De ce qui s’est passé, de ce qui ne s’est pas passé, du fait qu’elle m’en veuille encore. Et il y a autre chose. Quand elle va l’apprendre, elle va vraiment me tuer.

- Raconte, au point où tu en es…

- J’ai couché avec Jessica Arcan.

- Ah. Ce n’est plus l’opération « Laetitia for ever », c’est l’opération « Sur un malentendu, ça pourrait marcher » !

- S’il te plaît Claire, ne m’abandonne pas, pas toi…

- Elle va vraiment te tuer ! Ce n’est pas juste un détail ! Il faut lui dire tout de suite, sinon ce sera pire.

- JAMAIS.

- Je te préviens, je te laisse tomber !

- Ça m’étonnerait, vous êtes de vrais amis avec Mathieu, les vrais amis ça ne se laisse pas tomber pour un détail. (C’est le genre de manipulation que Laetitia déteste… rien de bien méchant à mes yeux).

- Mais Laetitia est mon amie aussi.

- Alors tu veux sûrement son bonheur.

- Il est possible que son bonheur ne soit pas avec toi.

- D’accord, je promets de lui dire.

- Quand ?

- … Pas comme ça ! Il faut que je lui parle avant ! En termes de reconquête, ce n’est pas une très bonne entré en matière, tu ne crois pas ?

Pendant la sortie en catamaran pour voir les dauphins, je suis encore resté prostré et je n’ai rien tenté. Je l’ai juste aidé à remonter sur le bateau, ce qui m’a permis de la toucher et d’avoir l’impression de revivre pendant une demie seconde. Sur l’île où nous avons déjeuné, je l’ai vu s’éloigner seule et j’ai détourné le regard, persuadé que le cousin crétin, à qui elle venait de parler, allait la suivre, et peut-être même pire.

Pendant le retour, elle est pourtant restée seule. Elle avait un air pensif et triste et j’ai eu envie de la prendre dans mes bras. Le soir, les sœurs jumelles de Mathieu m’ont rendu un grand service en me permettant d’entrer dans leur « cercle », dans lequel elles avaient auparavant introduit Laetitia.

Tout allait bien, jusqu’au moment où Mathieu est venu s’assoir tranquillement vers moi et que su j’ai immédiatement qu’il me cachait quelque chose, vu qu’il ne sait pas mentir. Elle dansait avec Samuel. Pas une danse anodine, plutôt le genre dont on sait comment ça va se passer ensuite. A chaque fois que j’ai été jaloux pour elle, je me suis mis dans une colère noire, mais là, j’en aurais crevé. Il l’a embrassé passionnément et j’ai failli pleurer tellement j’ai eu mal. Mathieu m’a dit :

- Petit1 : ne fais pas une scène. Petit 2 : Ne pars pas précipitamment. Petit 3 : ne bois pas avant au moins une demi-heure.

- Laisse tomber Mathieu, c’est fini.

- Qu’est-ce que tu en sais ? Elle s’amuse un peu, elle a bien le droit.

- Ecoutes, je ne vous ai peut-être pas tout dit avec Claire.

- Encore un coup comme Jessica Arcan ? Tu aurais pu me le dire, ça aussi !

- En fait, je n’ai jamais dansé avec Laetitia…Enfin si, une fois, on s’est engueulé du début à la fin.

- Et alors ?

- Je ne l’ai jamais vraiment embrassé non plus. Ou une seule fois, et on s’est aussi engueulé du début à la fin.

- Quoi ? Comment-ça ?

- Je ne sais pas comment t’expliquer…

- Je crois que tu aurais dû venir me voir moi pour parler de Jessica, et voir Claire pour ça, parce que là, je ne sais vraiment pas quoi te dire ! Comment peux-tu rester des mois avec une fille sans jamais l’embrasser ?

- Parce que je suis un salaud.

- Votre relation a commencé par quoi alors ? Même pas par un tout petit baiser ? Tout le monde commence par s’embrasser avant toute chose !

- …

- Y’a-t-il d’autres choses importantes que tu nous as cachées ?

- Non…

- Je te préviens, au prochain secret, je change de camp ! Pour le moment Claire est partie voir si c’est du sérieux avec Samuel.

Nous nous sommes réunis en « commission technique d’urgence ». Claire a immédiatement annoncé qu’apparemment, il s’agissait d’une tentative d’intimidation pour l’autre amant de la soirée, le prof de danse. Pour s’en débarrasser plus exactement. L’euphorie qui m’a alors gagné était indescriptible : non seulement, ça ne devait pas être sérieux avec le beau gosse Québécois, mais en plus, elle essayait de se débarrasser du canon Cubain !

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