3 - Entia

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-Tu viens, gars ?

Xenthores se tenait à l'embrasure de ma porte, en m'attendant. La "Réunion de la Nouvelle Génération" était toute proche, et tout le monde, dans la team, était prêt à partir... Sauf moi.

J'adorais l'ambiance de mon atelier... Celle de ma chambre et de la salle d'entraînement aussi, d'ailleurs ! A l'aide de ma grande imagination, j'aurais pu créer des chefs-d'œuvre. Mon atelier était surtout assez sombre, mais des motifs complexes s'étalaient sur les murs aux aspects d'une technologie d'outre-monde. Mon bureau était équipé d'un "holopad" qui modélisait des formes selon mes pensées, ainsi que plusieurs lampes de couleurs différentes. Il était de plus décoré de quelques bibelots lumineux représentant des figures de Lichtenberg. Des éclairs, quoi !

-Ouais, les mecs... J'arrive ! ai-je lancé tout en gribouillant quelques trucs. Je vous rattraperai.

-T'es sûr ? demanda Witz. On est déjà presque en retard pour la Réunion.

Je jetai un coup d'œil à une horloge holographique derrière moi : quatre heures moins 3. La Réunion était prévue à quatre heures...

-AH MERDE !

Je rangeai les papiers sur lesquels je dessinais maladroitement auparavant, puis j'agrippai la pierre électrique qui se trouvait sur mon bureau. Cette pierre, c'était mon cadeau des dieux, reçu deux jours après mon arrivée dans l'Académie. Chose curieuse, elle avait la même forme que ma pierre porte-bonheur, que j'ai malencontreusement oublié dans Anthropia, et qui venait précisément du point culminant du Mont Olympe. Sans doute Zeus a admiré ce geste de croyance et m'a rendu ma pierre en l'améliorant un peu.

Je rangeai l'électrolithe dans ma poche et pris mon bâton. Un simple bâton en bois, mais cela me convenait parfaitement, comme arme. L'Ancien avait été clair là-dessus : on devait venir à la Réunion avec nos cadeaux, question de principe. Avec un bâton, ça va encore ! Mais je vois mal Atherach se promener dans la foule, avec peut-être un médaillon en forme de cœur au cou, mais aussi un couteau de cuisine aux mains.

Comme j'étais prêt, je rejoignis mes amis qui m'attendaient au-dehors de la chambre. Pas le temps de profiter de l'ambiance génialissime de la chambre à coucher, il était déjà 4h59.

Je pensai me téléporter, comme cette action était ma spécialité, malheureusement ne fut-ce que me déplacer d'un mètre avec me viderait de toute énergie. Dans l'Epreuve, qui catalysait énormément nos pouvoirs, c'était tellement simple ! De toute façon ça aurait été grossier de me téléporter et de laisser mes potes marcher derrière. On a quitté ma chambre, et on a couru vers l'ascenseur gravitationnel. Witz, le plus rapide d'entre nous, s'y engouffra la tête la première, suivi d'Atherach puis de Xenthores. Pour le style, je déployai mes ailes angéliques et plongeai aussi dans ce gouffre, tel un faucon fondant sur sa proie.

Je me rappelai pendant la descente que je portais un pull. Avec un petit stress, je vérifiai de mes mains si je ne l'avais pas déchiré en sortant mes plumes... J'avais tendance à oublier que ces élytres traversaient mes vêtements sans leur causer de dégâts : dès que je les repliais, aucun trou n'était décelé nulle part sur mes habits.

Arrivés tout en bas de l'immeuble, nous avons tracé vers la sortie qui menait vers le centre du bâtiment ; il se caractérisait comme un carré de nature à l'extérieur duquel l'homme et ses constructions reprenait ses droits. En gros, un carré de constructions, et au centre comme à l'extérieur c'étaient les espaces verts. 

La porte donnant sur le jardin, et par la même occasion le lieu de rassemblement, s'est ouverte. Tout était silencieux. Il y avait beaucoup de monde qui nous faisait face, mais l'Ancien nous tournait le dos, le regard dirigé sur l'assemblée. Rien n'avait l'air d'avoir commencé, pourtant tout le monde attendait, silencieux.

-Nous vous attendions, mes amis, a dit l'Ancien, toujours le dos tourné à nous. Je vous prie, tout le monde, d'accueillir chaleureusement la TheThunderTeam, nos derniers arrivants !

Il y eut une certaine cacophonie accompagnée de quelques claquements polis de mains. Puis tout s'est arrêté, et nous avons pris place parmi la foule. Ensuite, deux autres personnages, un archer svelte et un épéiste massif, sont allés rejoindre l'Ancien avant qu'il ne commence son discours :

-Beaucoup d'écoles, d'académie, de lycées et autres, commencent directement leur programme, sans laisser à personne le temps de s'installer. Je suis un des rares qui pense que ceci est une erreur grave. Pour moi, l'apprentissage est surtout une question de bien-être.

Il huma l'air puis reprit :

-C'est pourquoi, à chaque Nouvelle Génération, je permets à chaque néophyte de s'intégrer parmi nous. Le milieu d'une année n'est pas l'époque idéale pour se faire des connaissances. La Réunion est donc faite pour ça ! Durant sept jours, des fêtes en tout genre animeront l'académie. Durant ces fêtes, vous vous ferez sans doute des ennemis, c'est imparable. Mais vous tisserez surtout des liens amicaux envers des êtres dont vous ne soupçonniez absolument pas l'existence ! Déjà ai-je vu des Kitsune "flirter" avec des Axolotl, des humains se lier d'amitié avec des Alterriens et même, j'en suis très ému, un couple impossible mais pourtant animé d'un amour indissociable, celui entre une Kytsimm et un Exanthrope.

il toisa la foule avec fierté pendant un moment, des petites larmes aux yeux.

-Mais vous ne rencontrerez pas seulement vos compagnons de Génération, ici. Je suis sûr et certain que les élèves des Générations précédentes vous accueilleront à bras ouverts ! Mais c'est aussi une bonne occasion pour converser avec les professeurs. Je vous en prie, considérez-les comme vos amis. Certains vous feront souffrir afin de vous faire dépasser vos limites, mais viendra le jour où vous les remercierez infiniment. Pas de "Monsieur", pas de "Madame", nous avons un nom et il est fait pour qu'on s'en serve. Il n'y a aucune hiérarchie, ici. J'ai accepté le titre de "Directeur" uniquement parce qu'il en fallait un, mais au fond je mérite autant de respect que vous.

L'épéiste à sa droite prit la parole :

-Ouais ! Vous verrez, le programme est très complet, et vous pouvez le modifier à votre sauce, nous trouverons toujours un moyen de l'exécuter. Moi, on m'appelle "Le Baroudeur", et je serai votre prof d'art du combat offensif. Certains, par ici, qualifierait ceci de "Bourrinisme", et en effet ça l'est, mais certaines batailles, dans Revaltia, ne peuvent être gagnées avec de la stratégie.

Ce fut au tour de l'archer, à la gauche de l'Ancien :

-Et, si vous souhaitez plus vous entraîner à la tactique, ce sera avec moi que vous vous entraînerez le plus. Je suis le troisième et dernier professeur qui n'a pas vraiment de nom, alors je vous prierais de m'accorder ce pseudonyme : "le Duc". Mais, au fait, certains d'entre vous n'ont pas encore fait connaissance avec la Titulaire de cette génération : accueillez généreusement la vive Ametara !

Une lumière bleue s'échappa derrière nous, et notre chère titulaire a rejoint l'estrade. Ametara salua, et ce fut l'Ancien qui continua le speech :

-Ametara sera votre professeur de téléportations, si toutefois vous vous inscrivez à son cours. Si vous avez quoi que ce soit d'important à demander ou des questions à poser, elle et moi sommes à votre entière disposition. Certains d'entre vous ont peut-être hâte de commencer les cours, aussi libre à vous de choisir : soit vous tentez de vous faire des connaissances en vous retardant légèrement dans le programme, soit vous travaillez mais il vous sera difficile de vous faire des contacts. Des questions ?

Un Exanthrope leva son bras mécanique. L'Ancien lui adressa un hochement de tête pour lui confirmer qu'il pouvait parler.

-C'est au sujet de l'inscription dans les différents cours, Ancien. Comment on fait pour planifier son programme ? Il y a-t-il des panneaux dans l'école où on doit mettre son nom et ses cours, ou... Autre chose ?

-Très bonne question ! Mais ce genre d'idée pourrait faire germer des idées sournoises dans certains esprits... Qui iraient changer les inscriptions de certaines personnes. Une minorité en serait capable, mais j'ai opté pour un autre système : la prochaine fois que vous irez dans votre chambre, vous verrez le papier d'inscription sur votre table de chevet. Ce serait gentil de le compléter rapidement. Dès qu'il sera complété, il se fera directement téléporter dans un espace de tri où nous pourrons analyser vos demandes. J'insiste sur le fait que, si vous trouvez votre programme non adapté, vous pouvez toujours le changer en cours de route, il suffira juste de demander un autre exemplaire à moi ou Ametara.

Une autre main se leva : c'était une elfe, cette fois-ci. La parole lui fut accordée :

-Peut-on déjà connaître les cours qui sont disponibles ?

-Il est vrai que Elfes et Nains ne connaissent que la magie des runes et les dieux d'Asgard. J'imagine que cela doit être dur pour toi comme pour beaucoup d'autres d'arriver dans un monde où tous les cultes, magies, sciences et technologies existent. Je vais répondre à ta question. 
Nous avons un professeur pour chaque type de magie, et même chaque spécialité. Il y a trois autres "enseignants" qui vous apprendront différents cultes : l'un vous apprendra le culte d'Arthus, la culture des Dieux, un autre vous communiquera la dévotion envers Läla et donc le démonisme, et le dernier tentera de vous faire percer les mystères des Grand Anciens, serviteurs de Cthulhu.
De plus, on peut compter un éducateur en ce qui concerne tous les types de sports, même le vol physique. Ajoutons trois autres pour les sciences principales (biologie, physique et chimie), plus certains autres qui vous parleront de sociologie, d'économie, d'art martial, maîtrise des armes, yoga, ... Il y a littéralement de tout. Notre but est de vous former le mieux possible dans votre domaine de prédilection afin de vous donner le plus possible de chances de survies dans ce monde cruel, survie qui serait tant physique qu'économique ou morale. Nous sommes là pour vous soutenir en tout.

Plus personne ne s'avança ni ne leva la main.

-Très bien ! Reprit-il. Que la Réunion commence !

Ametara sembla se préparer. Elle avait sans doute besoin de beaucoup de magie pour faire quelque chose. En effet, elle écarta les bras, puis frappa violemment des mains. Tout le monde fut aveuglé par la lumière bleue qui s'est échappée, mais par la suite l'ambiance festive était définitivement présente. La Réunion avait commencé.

Des pétales roses se mirent à pleuvoir en permanence, et elles semblaient se dissoudre sur le sol qui se couvrait de fleurs de tous types. Quelques pas plus loin, je remarquai Entia, accroupie, un bras touchant la terre et un bras vers le ciel, pour opérer ce miracle. Je vis le Duc lancer des flèches en l'air, qui explosèrent toutes en produisant divers effets : la première écarta les nuages, la deuxième accéléra la course du soleil artificiel afin qu'il fasse nuit, la troisième a éclairci le ciel nocturne qui affichait fièrement toute sa splendeur, et toutes les autres eurent la fonction de fusées d'artifice. Puis des piliers de lumière ont éclairé les quatre coins du bâtiment tandis que des boules lumineuses flottantes emplissaient le jardin. Ce spectacle était assez ravissant. Classique, mais ravissant.

On remarquait facilement nos compagnons de Génération : nous étions tous enveloppés d'une aura qui différait selon les personnes... Peut-être même les magies : Witz était entouré d'une aura multicolore, la mienne était bleue et blanche, celle de Xenthores était rouge foncé et celle d'Atherach était rouge vif. 

Je me demandais s'il y avait un buffet : en effet, il y en avait un, au centre, mais pas très garni. ‘Faut pas abuser, il était juste l'heure de goûter ! ‘Faut pas s'attendre à avoir des repas complets !

Je quittai mes trois amis et me dirigeai vers Entia, retranchée à l'écart de la foule, assise sur un fauteuil de racines.

-Salut Entia !

-Oh, kalispéra, Thauroji.

Chaque fois qu'elle me saluait, c'était un ravissement à mes oreilles. Elle vient de la Grèce antique et a fait l'Epreuve, comme moi. Elle s'est habituée à la langue de ce monde, mais il y a deux seuls trucs qu'elle ne veut absolument pas abandonner dans sa langue natale : "bonjour" et "bonsoir".

-C'est toi qui as fait cette pluie de pétales ? Ce tapis de fleurs ?

-Oui, c'est moi. Tu aimes ?

-Si j'aimes ? J'adore !

Elle m'adressa un grand sourire.

-Tant mieux ! Et... Euh... Désolée.

-à propos de quoi ?

-Du fait que je ne...

-Participe pas à la fête ? Ai-je complété. Ne t'inquiète pas, je te connais suffisamment.

-Mais tu ne connais rien de moi ! On s'est juste vus quelques fois, à l'infirmerie, et on ne se parle pratiquement pas.

-Tu oublie ton "Gardien" ! Chacun de nos Gardiens nous ressemblent, pas vrai ? L'Entia qui se trouvait dans l'Epreuve m'a dit pas mal de choses. Et je l'adorais.

-Mouais. Tu l'as sans doute tuée.

-Non. J'ai d'abord pactisé avec elle. Et, au moment où elle a voulu tuer mon pote, qu'elle s'est retournée contre nous, elle n'a pas pu me combattre. Je l'ai mise à terre, une fois. J'ai été incapable de lui mettre le coup fatal. C'est Xenthores qui l'a fait.

-Qui ? demanda-t-elle.

-Xenthores. C'est mon pote. Un semi-démon fils de Pyro. je pense que tu comprends pourquoi ton Gardien s'est retrouvé à se retourner contre lui.

-En effet. Je les déteste, ces gens-là.

Un léger silence s'est installé. Puis, je le rompis :

-Entia ?

-Quoi donc ?

-Je me demandais... Est-ce que tu as une chouette de compagnie ?

-Oui, pourquoi ? Elle s'appelle...

-Athéna, je sais. Une chouette effraie. Un animal comme elle accompagnait ton Gardien.

-Ah bon ? Je ne pensais pas que les animaux puissent se retrouver eux-mêmes Gardiens !

-Pas vraiment Gardien, en fait. On n'a pas été obligés de la tuer, elle, pour compléter ce défi. Je peux la voir ?

-C'est que... Tu as sans doute des personnes à aller rencontrer ! Des professeurs, des compagnons de Génération, des personnes de Génération précédentes, ...

-Te rencontrer, toi, ça me suffit. Et puis, s'il y a bien un point qui nous relie, c'est qu'on déteste tous les deux les foules et les cacophonies.

-Mais... 

Je lui pris la main.

-Je veux juste la voir. Et te connaître un peu plus.

-J'habite dans un milieu assez peuplé en insectes de tout genre... Sans compter les dizaines d'animaux.

-Je m'en fiche. A part si tu as des araignées, en quel cas je te prierai de les écarter. J'irai rencontrer les professeurs et les autres élèves lorsque la situation se sera tassée. T'as vu la foule autour de l'Ancien et d'Ametara ?

Elle sembla convaincue. Elle se leva, fit un geste des mains qui fit disparaître sous la terre les racines qui lui servaient de siège, puis me fit signe de la suivre.

Entia habitait juste à côté de l'infirmerie. Enfin... C'était l'infirmerie qui avait été placée près de chez elle, comme elle était la meilleure soigneuse de l'Académie. J'avais hâte d'entrer dans cette chambre qui m'était auparavant interdite. L'ascenseur gravitationnel nous mena à l'étage E, et nous nous sommes dirigés vers la chambre E-255, celle ornée d'une nature fleurissante et parcourue par des dizaines d'animaux. Dans ma démarche comme celle d'Entia, on devenait graduellement moins stressés par la foule. Par contre, je m'imaginais la grecque se retourner subitement, se transformer en abominable créature de branches comme son Gardien l'avait déjà fait et invoquer des tapis d'araignée pour me poursuivre. Il fallait vraiment que je me calme...

 Alors que nous nous approchions de la chambre, la fameuse gravure devint verte feuille et la porte s'ouvrit. Un battement d'ailes se fit entendre, et une chouette effraie vint à la rencontre d'Entia. L'animal se posa sur son épaule, puis fit pivoter sa tête à un angle impossible pour nous autres, humains, afin de me regarder avec curiosité. Enfin, elle se retourna et posa ses serres sur ma tête.

-Athéna t'aime bien, à ce que je vois.

-C'est exactement la première phrase que j'ai entendue de "ta" part ! Ai-je dit en souriant.

Je levai mon bras par-dessus ma tête de manière à faire un perchoir à la chouette. Elle s'y posa, et je la ramenai à hauteur de mon torse. A travers l'embrasure de la porte, j'entendais des légers bourdonnements.

-Dernier avertissement, Thauroji. Là-bas, c'est un véritable enfer pour ceux qui ne sont pas habitués. Moi, les moustiques m'apprécient, je leur donne des carcasses pour se nourrir et tout le monde est content, mais... ils ont tendance à attaquer mes invités.

-J'ai déjà supporté une fois, je peux supporter une fois de plus.

-Et les chauves-souris ? Tu n'as pas peur ?

-Non, moi je les aime bien, elles sont mignonnes.

-Et...

-Ne t'inquiètes pas ! J'adore la nature. Tu peux m'empêcher de venir si tu le souhaites, mais je veux bien supporter la faune et la flore entière de ta chambre pour mieux te connaître.

-Très bien. Tu l'auras voulu !

Elle me prit la main et m'entraîna dans sa chambre. Elle était gigantesque ! La porte devait être semblable à un portail, car ce n'était pas une chambre, que j'avais là. C'était une forêt entière, Une jungle épaisse mais accueillante. Je fus tout de suite attaqué par les moustiques, mais je reçus de l'aide venant des chauves-souris environnantes. J'en attrapai délicatement une pour mieux l'admirer ; j'attendis qu'elle se calme, puis je lâchai mon emprise sur elle. Rassurée, elle se reposa sur ma main et je la caressai doucement. Quand elles ne s'excitaient pas juste à côté de moi, je prenais plaisir à les admirer : des créatures ténébreuses mais infiniment mignonnes.

Je relâchai parmi ses congénères le petit animal volant. Entia me conduisit à un arbre gigantesque, avec un tronc d'un diamètre approximatif de quinze mètres. Elle fit quelques gestes et un ascenseur de lianes vint à notre rencontre. Il nous emmenait vers sa véritable maison ; Entia vivait en harmonie avec la nature, avec des constructions de bois posées sur des branches. Le tout était illuminé par des milliers de lucioles et assuré en nourriture par de multiples jardins où poussaient pas mal d'arbres fruitiers miniatures, des ruches par dizaines et une chasse régulière : bien qu'Entia adore la faune et la flore, sa plus grande conviction était qu'on ne peut en aucun cas changer son mode de vie tel qu'il est prédéfini par la nature. L'être humain est omnivore et a besoin de viande, telle est sa condition ; voilà pourquoi elle chassait elle-même des animaux pour accomplir le cycle de la vie. Quant à l'eau, elle s'en ravitaillait grâce au tronc de l'arbre qui lui servait de maison, avec qui elle cohabitait en symbiose. Entia protégeait et assurait le développement de l'arbre, et en échange, l'arbre lui fournissait un abri, de l'eau et de l'ombre.

Un rugissement me fit sursauter ; un félin gigantesque sauta sur la grecque pour lui faire la fête.

-Du calme, Dankána ! a dit Entia en souriant.

-Tu... Tu as un TIGRE chez toi ?

Dankána lui faisait encore des léchouilles râpeuses mais amicales.

-En fait, c'est une tigresse. Pourquoi pas ? Tu n'aimes pas les tigres ?

-Tu rigoles ? C'est mon animal terrestre préféré ! J'ai toujours eu un faible pour les félins !

Sur ce, je me suis doucement approché du fauve de manière à ce qu'il comprenne que je ne lui veuille aucun mal, pour j'ai promené mes mains sur sa fourrure rayée. Je lui ai même fait un câlin ! Je ne m'imaginais pas qu'un des prédateurs terrestres les plus violents puisse être aussi sympathique.

-J'avais peur que tu mentes juste pour me faire plaisir, pendant un court instant. Mais si tu aimes vraiment les félins, généralement Dankána est inséparable d'un autre petit animal.

Un miaulement sur ma gauche me confirma la présence de l'animal en question. Ce chat semblait si calme, si paisible, si câlin ! Je le pris dans mes bras et lui fit des caresses.

-C'est quoi, son nom à... à elle ?

-En effet, c'est une femelle. Elle s'appelle Gáta.

-Attends... ça veut pas dire "Chat", en grec ?

Elle éclata de rire.

-Si !

-Tu as encore quoi, comme animaux ?

-J'ai encore Skýlos et Lýkos qui sont respectivement un chien et un loup —encore deux inséparables—, j'ai encore quelques poissons mais surtout Delfíni, mon dauphin. Avec ça, Athéna n'est pas mon seul compagnon à plumes ! J'ai un moineau, que j'ai baptisé Spourgítis, puis Geráki, mon faucon, ... 

-Eh ben ! C'est très animé, par ici ! Tu as un animal préféré ?

-J'ai un faible pour les chouettes. Et toi ?

-J'aimes tous types de félins mais aussi les aigles et les chouettes. En vrai, j'ai toujours voulu avoir un rapace nocturne de compagnie... Mais c'est complexe.

Athéna hulula.

-En fait, Athéna est la seule qui a un nom de déesse, par ici ?

-Oui. C'est justement parce que c'est mon compagnon préféré.

On s'est promené quelques temps dans la propriété d'Entia. Elle m'a montré ses jardins médicinaux, d'où elle extrayait les essences de chaque plantes pour en faire des médicaments, onguents et autres, tous redoutables. Elle m'a montré son endroit préféré, à la cime de l'Arbre-Maison, d'où on avait un point de vue magnifique sur la canopée, l'Académie et la mer, au loin. Elle m'a fait visiter l'Infirmerie Supérieure, où étaient internés tous les malades ou blessés qui méritaient qu'on les soigne précautionneusement. Elle m'a fait visiter ce qu'elle appelle "la Grotte", en empruntant un escalier à l'intérieur du tronc, qui nous enfonça six pieds sous terre. Là, déjà il y avait des chauves-souris, mais aussi le lieu entier était illuminé par des dizaines de champignons qui émettaient une lumière bleue. Elle m'expliqua que c'était ici qu'elle extrayait certaines spores pour des médicament, ici que se reposaient les chauves-souris le jour et ici qu'elle aimait se ressourcer lorsqu'elle était énervée. Il est vrai que cette ambiance sombre et en même temps bleutée, accompagnée de quelques cris de mammifère volant, était délectable.

On remonta jusqu'aux branches de l'Arbre-maison et elle me montra une énorme cavité dans le tronc qui était tapissée de plumes. Une cavité ovoïde qui, sur sa longueur, mesurait bien dans les dix mètres.

-Quel genre d'animal pourrait loger dans un si grand nid ? M'interrogeai-je.

-Un être humain, Thauroji. Ceci est ma chambre.

Je fus impressionné. Elle me prit la main et m'attira vers le nid. Je m'attendais ce que le tapis soit dur, mais en réalité c'était très confortable ! Elle claqua des doigts et de grandes feuilles obstruèrent complètement l'entrée. Nous étions seuls dans le noir total. Peu à peu, la pièce s'illumina.

-Encore des lucioles ? m'étonnai-je.

-Oui ! Je n'utilise presque jamais d'électricité, même venant d'énergie verte. Je préfère utiliser la bioluminescence, 100% écologique. Je nourris les insectes et les insectes me fournissent de la lumière. Comme tu vois, je vis en symbiose avec la nature entière, ici. Ce que je reçois de la Vie, je la lui rends au centuple.

-C'est très intéressant !

-Quoi donc ?

-Ton mode de vie et ton habitation. C'est joli sans être trop aguicheur, c'est pratique sans utiliser de gros moyen, c'est compact tout en restant vivable, ... Une demeure parfaite. Sauf pour ceux qui n'aiment pas la nature, évidemment.

Elle me montra un petit renfoncement, dans le tapis de plumes. Sans doute là où elle préférait se coucher. Ensuite, elle me tendit un parchemin venant de sa bibliothèque personnelle. Je crus rêver... Ce parchemin, cette écriture... Je le pris prudemment ; c'était impensable, pour moi, qu'un authentique "livre" antique se retrouve dans mes mains sans qu'il ne puisse se désagréger. Je tentai de lire un peu, mais déjà que le Grec actuel n'était pas à ma portée, lire le Grec Ancien m'était impossible. Je réussissais à déchiffrer quelques mots, sans même savoir les traduire.

Une masse brune et pelucheuse descendit furtivement sur le tapis et grimpa sur les jambes de la grecque.

-Tiens ! s'étonna-t-elle. J'ai oublié de te parler de mon écureuil ! Dis bonjour à Thauroji, Skíouros.

Le petit être me fixa et émit quelques sifflements en ma direction. J'ai craqué.

-Trop mignon ! Je peux le caresser ?

-Sans crainte. Il est entièrement habitué à la présence humaine. Depuis un ou deux ans, il a découvert que le meilleur moyen de recevoir de la chaleur c'est de venir près de moi. C'est ainsi qu’il est devenu ma peluche, en quelque sorte. Il adore les caresses !

J'approchai ma main tout doucement et, quand elle fut assez proche, je lui grattai un petit peu la tête, lui lissai sa queue touffue, lui caressai le cou.

On est sorti de la chambre et on s'est encore promené dans la propriété en parlant nature. Puis, je regardai l’heure : il était presque temps d'aller manger au buffet. Entia a rappelé l'ascenseur de lianes, qui nous emmena près du portail. Maintenant que je regardais de plus près, c'était bizarre : une porte en plein milieu d'une jungle, une porte qui ne menait à rien. Si on la contournait, on pouvait voir que le dos était invisible. Je revins face au côté visible et Entia l'ouvrit ; comme par magie, je reconnus les couloirs de l'Académie. On a été légèrement en retard au repas, comme on a un peu traîné, mais on a pu atteindre la porte du Jardin sans encombre.

J'allais pousser la porte quand Entia me retint par le coude :

-Tu sais... Maintenant, je vois clairement pourquoi mon double magique de l'Epreuve t'adorait.

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