11 - La menace, le puant et le peureux

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Trois jours s'étaient passés sans apercevoir le moindre signe de vie d'Atherach. Le Week-end a été interminable, le lundi affreux. Toujours de l'épuisement, toujours de la sueur, toujours des efforts vains. Enfin... D'après Ferd', je faisais des gros progrès !

Des gros progrès, des gros progrès... OUAIS ! Chaque jour je faisais des arcs électriques d'un volt supplémentaire ! C'est SUPER !

Le lundi soir, notre curiosité fut plus forte que notre épuisement ; moi, Witz, Xenthores, Chirutll et Kernn nous sommes engouffrés dans la chambre de notre pauvre pote. Comment on a fait pour entrer ? Atherach est mon meilleur ami, il est normal qu'il m'y ait donné un accès illimité. De là, nous nous sommes directement tournés vers la cage à oiseau, contenant cet étrange cœur rouge vif. Nous étions tous perplexes vis-à-vis de cette chose.

-Chirutll ? appela Xenthores.

-Oui ? Répondit mon ami de son énorme bouche.

-Tu sais ce que c'est, cette merde ?

-Non, pour une fois ma science ne peut vous aider. Mon peuple est expert dans le domaine physique, mais je soupçonne là une énorme irrationnalité.

-Y a qu'un seul moyen de savoir, fit Xenthores.

-Lequel ? interrogea Witz.

-Taper ? proposa Kernn.

-Non, on l'ouvre. Et on l'analyse.

Il se dirigea vers le chariot, approcha sa main de la cage, chipota un peu les minces crochets qui la maintenaient fermée, puis le grincement métallique de la minuscule porte se fit entendre.

Nous n'avions même pas eu le temps de faire quoi que ce soit que le cœur se désintégra. L'énergie qu'il laissa dans l'air sortit des barreaux tel un moucheron et quitta la chambre avec une rapidité déconcertante. Nous ne savions même pas vers où cette énergie est allée, mais même l'absence d'yeux et de traits sur le visage de Chirutll étaient incapables de cacher son stress. Et si nous avions fait une connerie ?

Le lendemain, alors que je cherchais une table pour m'asseoir, je le vis. Les cheveux ébouriffés, le teint pâle, l'air prostré, mais il était présent. Je m'assis juste en face d'Atherach et lui ai dit à quel point j'étais ravi de le revoir. Aucune réponse de sa tête, à peine un petit acquiescement.

-Mec, 'va falloir que je sache. Tu sais, tu peux tout me dire ! Qu'est-ce qui ne va pas avec toi ?

Il baissa la tête.

-J'ai revu Célestia, l'autre jour, quand tu as disparu, continuai-je. Elle m'a informé sur ton état. S'il te plaît, je ne veux que ton bien ! Je veux t'aider ! Mais pour ça, il faut que tu me dises ce qu'il ne va pas.

-Peux... Pas... énonça-t-il faiblement en se prostrant encore plus.

-Est-ce que tu as l'impression d'être manipulé ?

-...

-Est-ce que tu entends des voix, ou un truc du genre ?

-'Peux rien dire... Elle ne me laisse rien dévoiler...

-ELLE ? Qui ça, elle ? Mortelle, démone, déesse, grande ancienne ?

En prise à une violente douleur, Atherach s'empoigna la poitrine et s'affala sur le banc pour se relever, indemne, quelques secondes plus tard. J'avoue : j'ai flippé. J'ai cru qu'il me faisait une attaque.

-S'il te plaît... Aide-moi... supplia-t-il.

-Je ne demande que ça ! Tout ce qu'il me faut, c'est m'en dire un peu plus sur "Elle".

Plus rien n'a réussi à le sortir de son mutisme. Ayant fini de manger, je brisai la promesse que j'avais faite à Xenthores ; on ne devait pas avertir l'Ancien tant que la situation ne devenait pas critique. J'avais beau me retenir, je ne pouvais tenter tout ce dont j'étais capable pour sauver Atherach de son piteux état.

Je frappai à la grande porte du bureau de l'Ancien. Aucune réponse. Je me permis d'entrer, mais je fis demi-tour lorsque je m'aperçus qu'il n'y avait personne dans la salle. En me retournant, le vénérable personnage apparut subitement devant moi, appuyé sur sa frêle canne.

-Une urgence, Thauroji ? S'inquiéta-t-il en voyant mon regard anxieux.

-Oui ! C'est à propos d'Atherach...

-Des nouvelles ?

-Et pas qu'un peu ! On ne vous en avait pas parlé au début, mais... Je ne sais par quoi commencer...

-Tâche d'aller vite, Thauroji. La sonnerie va bientôt retentir, et ces temps-ci chaque minutes de cours comptent. Je n'aimerais pas que tu sois pénalisé dans ta maîtrise.

-Bon, d'abord il y a eu une étrange cage dans sa chambre.

-Une cage ?

-Oui, une cage à oiseaux. Ce qui est perturbant, c'est le cœur rouge vif qu'il y avait à l'intérieur.

-De quelle forme, le cœur ?

-Pixellisé, pourquoi ?

-Nom de Cthulhu... Continue.

-Ensuite il y a eu son absence de trois jours. Pendant tout ce temps il est resté dans l'Underworld, dans un premier temps près de l'autel d'Insedious, puis il a disparu. Personne ne sait où.

-Insedious tu dis ?

-Oui... Hier soir, on a décidé d'ouvrir la cage à oiseau, le cœur s'est désintégré... Et ce matin j'ai retrouvé Atherach dans une salle commune.

L'Ancien ruminait alors que je continuai mon monologue.

-J'ai essayé de l'aider, je vous jure ! Il n'a presque rien répondu... Lorsque je l'ai questionné, il m'a dit qu'il ne pouvait rien dire. Il m'a juste dit "Elle ne me laisse rien dévoiler"...

-Insedious... Cage à oiseau... Cœur pixellisé... entité féminine... Asriel... sanglota-t-il de plus en plus fort.

Puis, affolé :

-NON ! IMPOSSIBLE ! JE REFUSAIS DE LE CROIRE !

-C'est grave ?

-Oui et non... On parle ici d'un démon génocidaire en train de se réveiller, Thauroji. Ou bien Atherach est possédé par un démon de première puissance, ou bien un être s'acharne à nous y faire croire.

-UN DÉMON ? LEQUEL ?

-Je préfère ne pas prononcer son nom... Et de toute façon, c'est IM-PO-SSIBLE ! L'être dont on parle a été tué par un groupe d'aventuriers il y a cinq ans d'ici ! Aucun démon ne peut se régénérer aussi rapidement, pas même Elle !

-Alors, que reste-t-il comme possibilités ?

La sonnerie retentit pile au moment où je finissais ma phrase.

-La possession me semble peu probable. A moins qu'un groupe de fanatique n'ait suivi un rituel pour la ressusciter, mais les membres de ma caste n'ont rien décelé. Cette option est donc rejetée. Quelqu'un s'obstine donc à faire croire que le plus grand fléau d'Ataraxia revient ; cela peut être un dieu malicieux ; cela peut être un démon de tout type ; cela peut être un illusionniste dérangé ; cela peut être un fulguromancien talentueux ; cela peut être une créature mythique inébranlable ; cela peut être une machine d'illusion massive ; cela peut être une puissante malédiction arcanique. Dans la plupart des cas, on peut en démontrer la source par des décharges Thêta. Si les décharges Thêtas ont un effet, alors c'est que la source est magique. Cependant, un problème : on ne peut neutraliser une magie d'illusion qu'avec un rayonnement Thêta irradiant la source de cette illusion. Donc, impossible de neutraliser le sortilège sans savoir QUI tire les ficelles.

-Donc l'affaire n'a pas avancé ?

-Si.

-Mais on ne connaît même pas les intentions du manipulateur ! Si... Si on parle d'un manipulateur.

-La peur, tout simplement. La peur est un instrument de destruction massive, Thauroji. Surtout lorsqu'on parle d'un des démons les plus puissants de ce monde. Tout ce que je te demande, c'est de ne pas tomber dans le piège de cet être. Informe tes amis et ne mets personne d'autre au courant. Certains pourraient croire au réel retour du démon et semer la panique autour d'eux. Maintenant, va ; Ametara t'attend.

Je remerciai le vénérable d'un geste de tête et puis, coiffant la capuche occultante de mon habit de mage, je me dirigeai vers la salle des portails.

-THAUROJI ! ATTENDS ! Fit la voix cassée de l'Ancien derrière moi.

Je me retournai.

-Il y a une chose que tu dois savoir. Je sais que tu te poses beaucoup de questions à ce sujet.

-Lequel ?

-Le cœur pixellisé. Chirutll avait raison en disant que c'était une chose métaphysique.

Je m'étonnai qu'il sache ce détail, il n'était pas présent au moment où nous en avions parlé.

-Comment... fis-je.

Pour me couper, il leva simplement sa main gauche, celle qui ne tenait pas sa canne.

-Dans notre monde, continua-t-il, c'est une chose de peu d'importance tant que l'on n'a pas rejoint le monde des morts, une chose que l'on possède tous et qui nous caractérise. Dans le monde d'où ceci a été conceptualisé, c'est une arme de destruction massive qui donne à n'importe quel monstre qui en absorbe sept les pouvoirs d'un dieu. C'est bêtement une âme, Thauroji. Sans doute celle d'Atherach.

Un souvenir me revint en un éclair ; moi et Atherach jouant sur l'ordinateur. Il me faisait tester son jeu favori. Tout me sembla d'un coup si clair...

-CH... éructai-je d'un coup.

-Chht, me coupa l'Ancien en mettant une main sur ma bouche -je ne savais comment l'honorable vieillard avait fait pour se rapprocher de moi aussi vite-. Pas de ce nom-là ici. N'importe où ailleurs, à tes amis, mais je te l'interdis de le prononcer ni devant moi, ni devant le restant de l'Académie. ce n'est pas si grave : plus de peur que de mal. Informe ta mère de cette discussion, elle sera capable de faire passer le message à Thot ; ces informations vont lui être très utiles pour son enquête. Moi, j'ai fait tout ce dont j'étais capable à son sujet. Maintenant, va. Tu as déjà pris bien assez de retard.

Par la suite de l'éprouvant cours de téléportations (ne constituant pour le moment que de minces tentatives de dématérialisation), l'heure de mon premier cours de langue sonna. Je me demandai pourquoi, durant tout ce temps, ce cours avait été écarté du programme... Bah ! Sans doute le rythme deviendrait plus soutenu quand la phase d'entraînement magique serait finie.

J'entrai dans la classe du professeur E.D.D.Ö.K. avec une poignée de gens de ma génération. Un seul kytsimm à l'air honteux, aucun exanthrope, plusieurs alterriens de races intelligentes, quelques humains, beaucoup de nains et pas mal d'autre races étaient recensés parmi les élèves. Je rejoignis Chirutll, qui assistait aussi au cours de langue Exanthrope.

Nous nous sommes tous assis, moi et Chirutll l'un à côté de l'autre. Ses tentacules me gênaient beaucoup et je n'étais pas encore très bien habitué à son physique, mais de manière générale je fus plus embarrassé par notre professeur que par la présence de mon ami.

-Bienvenue ! fit E.D.D.Ö.K. . Bienvenue à ce cours portant sur le D14L, la langue Exanthrope. Pour ceux qui se feraient la remarque : OUI, JE SUIS IMMONDE ! Et fier de l'être !

De son physique, on aurait dit un humain défiguré sur lequel on aurait fait des expériences biotechniques... Ou pire, un robot sur lequel on aurait placé des morceaux de chair de façon horrible. Une odeur de pourriture végétale et animale émanait de son être.

-Comment ça se fait qu'il soit comme ça ? demandai-je discrètement à Chirutll.

-Il paraît que son père était un exanthrope naturel et sa mère une kytsimm nécrotique de chair... Alors, tu imagines... L'assemblage de la pourriture robotisée et de la charogne flasque...

-Vous deux, au fond ! tonna E.D.D.Ö.K. . Auriez-vous l'obligeance de vous taire ? A moins que vous ne souhaitiez partager vos remarques à toute la classe.

Nous nous sommes tous deux redressés sur notre chaise.

-Bien, fit le professeur. Je ne tolèrerai pas de bavardage. Je sais qu'avoir quelqu'un comme moi comme professeur peut être... incommodant. Et c'est peu de le dire. C'est cependant moi qui ai fait les meilleures études linguistiques et ce du côté Exanthrope comme du côté Kytsimm. Ce sera donc moi votre professeur de D14L et d'Etke.

Il toisa la classe de son œil mécanique. L'autre, biologique, sembla au contraire loucher vers son cerveau... Beurk... J'analysai mieux son visage à mon plus grand malheur. Son œil droit, la joue associée, le côté droit de son menton jusqu'à l'oreille étaient métalliques et brunes ; le reste était gras, beige, imberbe, avec des bourrelets et des veines rouges qui saillaient çà et là. J'ai déjà décrit le reste de son corps... j'ai juste omis qu'il était obèse à un point que je me demandais comment il pût se tenir debout et marcher avec aisance.

-Je vous plains... Fit l'abjecte créature. Le D14L est extrêmement difficile pour les non-exanthropes. Certaines races Alterriennes s'en sortent très bien dedans, mais ce n'est pas une sinécure. C'est la langue la plus complexe du multivers, en réalité. Et tant mieux ! Car le D14L est la base de toute simulation par le rayonnement Thêta et celle de la Technomagie !

Le monstre pointa un nain de son moignon droit vaguement orné de doigts.

-En réalité, le D14L est au Rayonnement Thêta ce que les Runes sont à la magie runique. Je veux dire par là que grâce au D14L, les Thêtas manipulent la réalité. Toute simulation d'objet n'est faite que de rayonnement Thêta formant des symboles. Je sens que je vous perds, alors voici un exemple :

il se retourna vers le tableau interactif, promena sa chair schématiquement sur l'écran de manière à ce que des lettres apparaissent petit à petit pour former le nom de "PYTHAGORE".

-Qui peut me dire qui est Pythagore ?

je levai tout de suite la main malgré mon dégoût, imité par deux seules autres mains... Ou tentacules, en comptant celles de mon voisin. E.D.D.Ö.K. a plutôt choisi un élève au premier rang, un nain à l'air assez érudit, qui commença à réciter son savoir comme un enfant dirait un poème apprit par cœur.

-Pythagore était un philosophe de l'antique nation Grecque. Un mage de la nature très axé sur les Mathématiques, il a donné son nom au fameux Théorème de Pythagore, qui nous aide encore aujourd'hui à...

-Ce n'est pas cette information que je voulais entendre, fit le prof. Quelle était sa conception sur l'univers ?

Le nain sembla caler. J'étais pour ma part encore un peu chamboulé par ses paroles : "Pythagore, un mage de la nature"... Bien que j'eusse su que toutes les personnalités Anthropiennes aient en même temps vécu dans le monde de Revaltia, j'avais du mal à concevoir qu'ils aient pu manipuler la magie... J'avais du mal à m'imaginer Pythagore en train de faire pousser des oignons dans son jardin ou parler aux boucs.

Le professeur sembla nous toiser, Chirutll et moi, les seuls élèves qui paraissaient avoir la réponse.

-Je vais interroger l'Anthropien ! annonça l'aberration. Toi qui viens d'une ère largement antérieure à la nôtre, il est normal qu'on t'ait appris plus de choses venant du passé extrême.

Je pris donc la parole.

-Tout philosophe recherche le bonheur dans le savoir. Et s'il y a bien une chose que l'on doit citer dans leurs recherches, c'est la définition de l'Archè, le principe primordial. Dans mon monde, nous n'avions pas ces histoires sur Arthus, les opinions à ce sujet étaient donc sans doute bien plus diverses.

-Viens-en au fait.

-Bien sûr... Pythagore disait que l'Archè est le Nombre. Toute sa philosophie est basée là-dessus. Tout serait nombre, selon lui, et les nombres auraient une forme physique. Un serait un point, deux une droite, trois un plan,...

-EXACTEMENT ! Et il a eu la même théorie dans Revaltia ! Chez nous, Pythagore était un visionnaire ; il a pensé à un monde entièrement fait de rayonnement Thêta des siècles avant que l'on ne découvre cette énergie.

Soudain, Au milieu de la classe, un murmure... Une voix féminine, disant "La réalité, faite de nombre ? Mais quelle connerie !"
Apparemment, je ne fus pas le seul à l'entendre. Quelques élèves offusqués la regardèrent méchamment et le professeur la fusilla du regard.

-Tu apprendra vite, jeune femme, dit-il, que, dans Revaltia, tout existe. A quel culte appartient-tu donc ?

-Celui de la Science, m'sieur.

-Donc tu penses que la terre est ronde ?

-Oui m'sieur.

-Que penses-tu de la Théorie des Platistes ?

-J'en pense que c'est totalement débile.

-Que penses-tu de la vision indienne ? Une terre plate soutenue par quatre éléphants, reposant eux-mêmes sur une gigantesque tortue, debout sur un serpent géant ?

-J'en pense la même chose.

-Eh bien sache que tu as à la fois raison ET tort. Les réalités se confondent dans Revaltia, jeune femme. Pendant que certains comme toi font insouciamment le tour du monde, d'autres peuvent admirer l'extrémité de la terre ou côtoyer ces fameuses créatures indiennes. Tout est une question de croyance. Alors si tu dis "la réalité, faite de nombre, une connerie", tu offense la réalité — j'insiste TRÈS SPÉCIALEMENT sur ce terme, vous l'avez remarqué — de tous les maîtres Thêtas qui se trouvent dans cette classe. Me suis-je bien fait comprendre ?

La femme a fermé son clapet, n'ayant plus rien à ajouter.

-Bien ! Revenons à nos moutons. Comme je viens de le dire, la vision pythagoricienne est semblable à celle de la plupart des Maîtres Thêtas, mis à part que la réalité serait faite de D14L et non de nombres. Il y aurait néanmoins une différence entre la Réalité D14L, trop parfaite pour être manipulée par un Thêta, et les Simulations D14L, moins pures, qui sont hypersensibles aux Arcanes.

Il marqua une pause avant de reprendre :

-Tout ceci pour dire au final que ce cours sera crucial pour tous les maîtres Thêtas qui peuplent cette classe. Grâce au D14L, les maîtres de l'anti-magie sont capables de simuler n'importe quel objet. C'est pourquoi, dès le prochain cours, cette classe sera divisée en trois parties ; les maîtres Thêta uniquement soucieux de leurs pouvoirs pourront suivre des cours plus poussés sur le D14L et comment manipuler la réalité, ceux qui veulent en plus mieux apprendre la langue en elle-même auront un simple cours linguistique ajouté à leur programme. Evidemment, ceux qui ne sont ni des maîtres Thêtas, ni des Technomages sont obligés de ne prendre qu'un cours linguistique.
L'heure de cours est loin d'être finie ; je vais donc vous introduire les principes du D14L.

Et il nous informa longtemps sur les utilisations du dialecte Exanthrope... Il nous parla surtout de B3-A57, la championne de l'empire Exanthrope, la seule Kytsimm Thêta recensée dans l'univers, et son langage particulier... Je devinai qu'aucun de nous, dans cette classe, ne serait capable de comprendre un seul de ses mots, ni une seule de ses lettres. Pour elle, chaque onomatopée signifie entre un mot et cent phrases. Ne fut-ce qu'en changeant le timbre de sa voix chaotique d'un nanohertz, elle serait capable de passer d'un discours capitaliste entier à une tirade communiste. Et l'écrit ! Chaque molécule de ses lettres compte. En un symbole, elle peut à la fois exprimer un caractère... et un roman de trois cents pages. L'oreille absolue n'est pas suffisante pour l'écouter, l'œil nu ne peut comprendre ses écrits. Si très peu d'Exanthropes sont capables de comprendre ses discours, Une seule personne au monde est capable de comprendre son écrit avec ou sans microscope, et c'est l'Empereur Exanthrope.

Fort heureusement, ce D14L-là n'est pas la langue commune...

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J'étais à peine sorti de mon cours de Skärfique -langue des hommes démons- qu'un homme en tenue de blanc et de bleu m'assaille sans raison, et me dit "Mec, j'aurai quelque chose à te dire ce soir !"

J'avais vraiment du mal à reconnaître Thauroji dans sa robe de mage. Sorti de ma surprise, je lui demandai ce qu'il voulait me dire.

-Pas ici, me répondit-il. Rendez-vous ce soir à vingt-et-une heure devant la porte de ma chambre. Emmène Kernn avec toi. J'ai déjà prévenu Chirutll, mais je vais aussi appeler Entia.

-Bah OK, gars... En attendant, on a quoi, maintenant ?

-On est reparti avec Dybder. Enfin le retour du cours de sociologie !

Witz nous a vite rejoints. Thauroji l'a prévenu du rendez-vous, puis on est entrés dans la salle du cours de Sociologie. Nous nous sommes tous trois assis côte-à-côte dans le cercle de chaises.

-Des nouvelles d'Atherach ? Demandai-je.

Thauroji sembla vouloir se retenir de dire quelque chose, mais Witz m'informa que notre ami était de retour, cependant l'Ancien eût préféré qu'il reste allongé dans sa chambre vu son état.

-Son état ? M'étonnai-je.

-Il est tout pâle, semble être vidé de son énergie, marmonne des appels à l'aide...

-Vous verrez ce soir, les mecs, coupa Thauroji. En attendant, ne vous posez pas trop de question. C'est quelque chose de grave.

Ainsi donc, le sujet de la réunion de ce soir était Atherach.

Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, le nain Dybder s'avança au milieu du cercle des chaises et commença le cours.

-Salutations à tous ! éructa-t-il, sans obtenir nulle réponse de la part d'aucun élève. Les plus observateurs d'entre vous auront sans doute remarqué que cette assemblée n'est pas complète. Il manque un élève, mais pas de raison de s'inquiéter ! Un de vos camarade est très souffrant et n'a pas pu venir. Il va être de retour sous peu.

Malgré l'ombre de sa capuche, malgré sa tentative de cacher ses sentiments, je décelai les pensées de Thauroji en ce moment même : "Si seulement c'était vrai..."

-La dernière fois nous avions fini le tour des présentations. Vos histoires, toutes uniques en leur genre, toutes passionnantes, m'ont beaucoup touché. Maintenant que nous en avons fini, je vais vous faire passer le programme de cette année.

Il distribua des sorte de plaquettes de cristal légères à tout le monde, des plaquettes gravées de lettres. Y avait pas mal de sujets à aborder... On allait commencer par parler religion ; le plus simple. La création du monde, la création de l'homme, le concept d'apocalypse selon toutes les croyances et races. Dans le même ordre de chose, il y avait les rites en tout genre et en particulier les rites funéraires ainsi que la conception de l'après-vie.
Ensuite, il y avait l'étude des mœurs. Tout con, mais un cours de sociologie ne peut mériter ce nom qu'en abordant ce sujet.
Puis cela continuait sur les comportements généraux des différents mages. Lorsque quelqu'un en demanda la signification, Dybder répondit simplement "Par exemple, un mage de lave aura tendance à foncer dans le tas pour toutes situations là ou un mage de l'eau restera zen". Ensuite, Dybder prévoyait d'étudier des choses plus complexes, comme le rôle de la monnaie dans les sociétés actuelles, leur système politique et des trucs du genre.

L'heure de cours qui suivit fut consacrée à la vision générale des religions d'aujourd'hui. Je me suis pratiquement endormi, jusqu'à ce qu'un orc bourru parle de satanisme. Un autre personnage a prononcé le nom de Pyro, mais je ne pus en savoir beaucoup plus sur ma mère.

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Après ce cours passionnant, moi et Thauroji furent conviés au cours de biologie terrestre, donné par N0-V04, un Exo puant de la nature... Thauroji râla dans un premier temps en marmonnant "Oh non, pas encore..." Mais il se ravisa lorsqu'il se rendit compte que le cours était donné en plein air. L'odeur du personnage ne me choqua pas plus que l'impression qu'il donnait d'être coupable, d'avoir raté quelque chose dans sa vie. Il parlait toujours dans le vide, comme s'il déblatérait de manière automatique en pensant à autre chose. Il se tenait à distance de tout le monde comme un hypocondriaque dans un troupeau d'enrhumés, et se retournait tout le temps. Quelques malicieux mages de l'air s'amusaient fréquemment à venir simplement derrière lui jusqu'à ce qu'il se retourne en poussant un ridicule cri de terreur.

En gros, N0-V04 était un énorme paranoïaque insociable. Je sais pas ce qu'il s'est passé dans sa vie pour qu'il soit comme ça, mais cet événement a dû être horrible. Paradoxalement, il aime la présence de créatures dangereuses autour de lui. Lorsqu'il se balade en forêt accompagné de telles bêtes, on le sent à la fois tendu et apaisé. Ensuite, il m'énervait à renifler violemment l'air à chacune de ses respirations ! On aurait dit un petit chienchien qui cherche une piste inconnue ! Et puis... Je sais pas... Cette tendance à crier d'inquiétude, sur le qui-vive en public mais à chialer d'angoisse en position fœtale lorsqu'il est seul. De lui, je sais encore qu'il a peur de se retrouver seul la nuit, par-dessus tout. Et que la vue d'un Exanthrope blessé lui est si insupportable que lorsqu'il en voit un, il s'immobilise d'un coup et pleure comme un gros bébé, et cela pendant au moins dix minutes.

Personne n'eut le temps de lui demander la raison de son comportement qu'il amorça le cours.

-Allez, je vous en prie, approchez !

Naturellement, on s'est avancés vers lui. N0-V04 a reculé en hurlant :

-PAS SI PRÈS ! PAS SI PRÈS !

On s'est tous écartés, croyant avoir fait une connerie. Tout de suite, une larme de sève coula sur la joue de l'Exo.

-NE ME FUYEZ PAS ! JE VOUS EN CONJURE !

Après deux minutes, on a enfin trouvé une distance correcte. Pas trop proche pour ne pas l'affoler, pas trop loin pour ne pas l'inquiéter.

-Je m'excuse, fit-il en voyant nos mines interrogatrices. Je... Je suis comme ça depuis bien trop longtemps...

Après ses crises d'angoisse (oui, même les machines peuvent avoir des crises d'angoisse, apparemment), il reprit son souffle et renifla violemment l'air autour de lui, comme s'il recherchait quelque chose. Visiblement satisfait, il reprit le cours.

-Pffoouuh... Soyons clairs, chers élèves, certains d'entre vous s'attendaient sans doute à autre chose du cours de biologie terrestre. Car ce que nous allons étudier n'est pas de la biologie à proprement parler, mais de la biodiversité. Ceux toutefois qui veulent étudier la biologie peuvent changer de programme sans problème, en demandant à l'Ancien de vous inscrire en "Biologie scientifique". Je ne suis pas ici pour vous faire des cours sur des petits lapins tout mignons, mais plutôt sur les dangers de la faune et de la flore de ce monde. Nous parlerons donc de beaucoup de créatures mythiques, de bestioles élémentaires, de robots-animaux affranchis et de bêtes simples ; leurs capacités, leurs points forts, leurs points faibles ; comment les rencontrer ou les éviter, comment attirer leur sympathie, comment les tuer si besoin en est. J'ai récemment demandé à l'Ancien pour changer le nom de ce cours en "Défense contre le bestiaire terrestre", c'est bien plus... explicite.

Il prit une pause, renifla un coup en fouillant les lieux de ses yeux, puis reprit :

-Et puis, il n'y a pas que les êtres dénués d'intelligence que l'on va étudier... Une bonne partie du cours sera dédiée aux dangers des sociétés actuelles, notamment savoir se contrôler contre un Orc, un Ureegr, un Kytsimm... un Exanthrope, et j'en passe.

N0-V04 commença à trembler, à sangloter.

-Pour finir on va étudier... Le cas des pires criminels... Vous devez être capable de vous sortir de leur étreinte...

Il retourna sa tête et murmura un peu trop fort des paroles qui semblaient n'être que pour lui ; avec mes sens affutés, je perçus un faible "comme moi je l'ai fait auparavant...". Lorsqu'il se retourna, des filets de sève pourrie coulaient sur ses joues de métal. Il porta son poing tremblotant à ses lèvres et l'embrassa.

-Je... Je ne vais pas mentalement pouvoir vous enseigner la défense à adopter contre un d'entre eux... Je vois quelques Exanthropes parmi vous ; informez vos camarades de Son immonde présence sur notre terre...

Il commença à s'enfuir vers la forêt, les joues baignées de sève collante et puante.

-Je suis désolé, je ne peux pas... C'est comme ça à chaque début d'année... Vous êtes libres. Allez où vous le souhaitez, cette heure est vôtre !

et il prit les jambes à son cou. Son pleur désespéré se répercuta longtemps sur la plaine, jusqu'à son entrée dans la forêt, où la végétation fit écran du bruit.

Tout le monde interrogea les cinq élèves Exanthropes ; trois seraient blême, si toutefois ils avaient une peau. Un seul d'entre eux, suffisamment courageux, prononça les mots "Mais... Je pensais qu'Elle était une légende !" et un autre murmura le nom de N1-V01 sans en dire plus. L'un resta paralysé, les deux autres prirent leurs jambes de métal à leur cou à la suite de je ne sais quel funeste présage. Tout ceci ne fut pas le cas des deux femelles exanthropes du groupe ; Les Axos semblaient plus assurées mais ne disaient rien. Tranquilles, discutant posément entre elles, se moquant de la réaction des exos, puis partant en gloussant. Néanmoins, elles ont snobé nos questions au sujet de la situation, plus par un certain sens du mystère que par vanité.

Pour nous autres, êtres de chair et de magie, la journée était finie. Thauroji déploya ses élytres et s'en alla à tire-d'aile (c'est le cas de le dire !) vers sa chambre, et je me dirigeai vers la mienne en attendant l'heure du rendez-vous.

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