Retour à la case départ

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— Le vote concernant la rallonge budgétaire semble être en passe d'être validée, en tout cas la décision est entérinée du côté de l'Etat Major, n'est-ce-pas, Malinda?
—Tout à fait, Mickaël, et c'est une excellente nouvelle qui vient soulager les inquiétudes des consortium en lice pour l'appel d'offre. De la technologie, du progrès et bien sûr de l'emploi malgré le manque récurrent de métaux. Le Haut Commandement s'est d'ailleurs déclaré confiant sur la question avec la découverte de nouvelles ressources exploitables. Bien entendu, le concours des citoyens est toujours attendu pour le recyclage.
—Citoyen et non-citoyen, est-il besoin de le rappeler.
—Mickaël, une information vient de nous parvenir de la part du bureau de presse de l'armée fédérale. D'après le communiqué de presse, une attaque terroriste se serait produite au domicile de l'éminent Pr Tobias Rijn-Daël. Un rapport sans doute avec l'appel d'offre et les recherches du scientifique.
—Nous tenons à rassurer les civils, aucune victime n'est à déplorer et la situation est parfaitement sous contrôle. Une nouvelle fois, une nouvelle preuve de la sécurité et de l'efficacité de l'armée fédérale. Une enquête est bien sûr en cours.
—Pas d'éruption solaire aujourd'hui, mais une page sport, av–»

Yamato éteignit l'écran. Le capitaine semblait avoir cessé d'écouter à la mention de «terrorisme».

— A quel point on est dans la merde, selon vous?
—J'dirais à peu près jusqu'au nez. On peut encore respirer, pas vrai? remarqua judicieusement Jig.
—Ouais, mais ça pue.»

Traxton poussa un soupir d'exaspération pour tenter de masquer son inquiétude. Blink était en train de se reposer et de recevoir quelques compléments nutritifs. Après tout le mal qu'ils s'étaient donné pour la sauver, il eut été bien dommage qu'elle mourût d'une insuffisance rénale. Yamato se raidit en prenant une pose très assurée.

— Capitaine, vous avez fait ce qu'il fallait, et nous n'avons tué personne.
—Ouais, bah va dire ça aux uniformes, je suis sûr qu'ils nous donnerons le bon Dieu sans confession. Et je fais bien évidemment allusion à une exécution sommaire.»

La gynoïde ne saisissait guère ce genre d'expressions.

—Ne soyez pas amer, Capitaine. Le robot a raison. Il suffit de faire profil bas quelques semaines, le temps que l'agitation retombe.
—C'est pas ça qui va nous aider à gagner notre croute, Scipio. Et t'es jamais le dernier pour le rappeler.

Tout le monde se tut. La mauvaise humeur du capitaine n'était que le reflet d'une situation désastreuse et le constat en était bien pire. Ils étaient bloqués pour un moment à cause de toute cette histoire et ce moment allait leur coûter très cher et ce, sans aucune garantie d'amélioration ultérieure.

Et pour ne rien arranger, il avait tenter d'examiner en détail la clef que lui avait donné Amani Diok'kro. Et comme on pouvait s'y attendre...

— Comment ça, vide?
—Rien du tout, capitaine. Une succession de données sans queue ni tête. Elle nous a berné avec un leurre. Ce truc est aussi inutile que le déphaseur de l'astér–
—J'ai dit que je voulais plus en entendre parler, là!
—Que devons nous faire la concernant, Capitaine? demanda Yama avec naturel.
—Absolument rien. On ne peut même pas la faire chanter ou la vendre aux autorités. On est foutus.»

Cette femme était en réalité rusée, habile et sournoise. Traxton s'en voulait terriblement de s'être laissé prendre à son petit numéro de séduction et son petit couplet sur son innocence. Il gribouillait déjà depuis dix bonnes minutes sur la palette graphique de Blink à coup de stylet rageur quand celle-ci sortit de l'infirmerie en s'appuyant tant bien que mal sur les parois.

— Content de te voir debout, Blink. Tu veux récupérer ça, je suppose?»

Il lui tendit la palette pleine de griffonnages plus ou moins orduriers. Qu'il s'empressa d'effacer bien vite en remarquant l'expression de la jeune fille.

Es is nichts. Pardon, je veux dire que ce n'est pas grave, vous pouvez la garder en souvenir. Je n'en veux plus.» répondit-elle en détournant le regard.

— Tu n'y es pour rien. Tu ne pouvais pas savoir qu'elle t'avait mentie et manipulée. Tout comme nous. Team Muppets, Blink?» tenta de plaisanter le capitaine avec une mimique.

Elle lui répondit d'un sourire qui fit craindre un spasme douloureux.

Blink avait découvert grâce à la photo donnée par Rijn-Daël que le docteur Amani Diok'kro et la docteure qui s'était occupée d'elle et des autres «enfants» du centre était en réalité une seule et même personne.

— Si un jour vous la retrouvez, ne la tuez surtout pas, monsieur le capitaine.
—Je sais ce que tu vas me dire, mais je ne peux la laisser s'en tirer à si bon compte. Pas après tout ce qu'elle a fait.»

Et surtout pas après m'avoir pris pour le roi des cons.

— Vous vous trompez. Je ne veux pas que vous la tuiez parce que je veux le faire moi-même.»

Interloqué, il regarda Blink. Elle ne plaisantait pas. Son regard était direct, glacé et déterminé.

—Elle pense chaque mot, Capitaine. Cette petite n'est pas une tendre.

— Elle n'en vaut pas le coup. J'espère que ce n'est pas ça que tu vas faire, maintenant que tu as récupéré ta vie, Blink. Tu vaux bien mieux qu'elle.
—Peut-être pas. Vous ne savez pas tout sur moi. Ni sur le projet CHILD.
—Ca n'a plus d'importance, tu es maîtresse de ton destin désormais.»

Elle se détourna, serrant ses bras autour d'elle, en évitant soigneusement le regard du capitaine.

— CHILD pour Carry Hazardous Ignition & Lethal Deflagration. Nous avons reçu des formations en contre-guérilla urbaine, maniement des armes, manipulations mentales, et des cours intensifs d'allemands, pour comprendre et infiltrer les civils. Et surtout nous subissions plusieurs heures par jours des images pour nous apprendre qui était l'ennemi. Combien ils étaient méchants et dangereux et que notre sacrifice était un devoir moral envers la fédération spatiale. Bjornholm et Diok'kro n'étaient que les parties visibles, il y a plus.»

Digérant les informations, Traxton essayait tant bien que mal de ne pas paraitre dégouté par ce qu'il entendait. La petite n'avait vraiment pas besoin de ça.

— Tu vas te mettre en danger pour rien. Le jeu n'en vaut vraiment pas la chandelle. Tu veux retrouver tes tortionnaires, je comprends ça. Mais pour le moment, essaie de te refaire une santé, d'accord? Tu y verras plus clair ensuite.»

Elle secoua lentement la tête.

— Encore une fois non, vous ne me comprenez pas. Cette femme m'a persuadée que Rijn-Daël allait m'aider. Ils se sont servis de moi, mais je ne souhaite pas pour autant courir après ces deux monstres. Si l'occasion se présente, j'aimerais être celle qui les tuera. C'est tout.
—Dans ce cas, je ne vois pas ce que tu veux faire.
—Je veux rentrer chez moi, monsieur Traxton. Sur Omicron-438. Utiliser mes connaissances et ce que j'ai appris sur la guerre pour aider les miens, avant qu'il ne soit trop tard. Et peut-être retrouver ma famille, si elle est toujours vivante.»

C'était de la folie pure. Seulement, malgré son corps affaibli et ses membres tremblotants, sa résolution semblait inébranlable. Il commençait à penser que d'une certaine manière, le lavage de cerveau avait tout de même fonctionné sur elle.

— Bah. Je n'ai pas l'intention de te retenir contre ton gré, Blink. On va te déposer à l'hôpital et tout ce que je te demande, c'est de me promettre que tu vas réfléchir à cette idée et sur ton futur.
—Très bien. Je vous le promets. Cependant...»

Elle rougit quelque peu.

— Je n'ai pas d'argent pour l'hôpital.
—Justement. Ils soignent les gens qui en ont besoin et en échange, une fois remise sur pieds, ils t'affecteront un travail en compensation. Ils ne te poseront aucune question. C'est pas génial, mais je peux pas faire mieux. Tu comprends?»

A sa grande surprise, elle se jeta à son cou –ou plutôt se laissa tomber– avec des larmes dans les yeux.

— Merci, monsieur. Je ne vous oublierai jamais. Ni vous autres.» ajouta-t-elle en regardant tout à tour les membres de l'équipage qu'elle pouvait regarder.

Jamais, ce sera toujours trop court avec des projets pareils, Blink.

⭐⭐⭐

— Ce n'était pas une bonne idée, capitaine. Vous auriez dû la dissuader, objecta Yamato, réprobatrice.
—Et lui proposer de rester à bord, lui offrir une vie d'errance et de risque?
—Ce qu'elle prépare est bien plus dangereux à court terme, selon toutes probabilités. Nous avons lâché dans la nature une terroriste en devenir.»

Traxton s'adossa à son fauteuil en pivotant sur lui-même, un léger sourire aux lèvres.

— Ce n'est pas un hasard si je l'ai déposée à cet hôpital. Je sais qu'ils y soignent aussi les victimes d'agression et les blessures de guerre. On ne peut pas argumenter avec une personne qui ne nous écoute pas. Cependant, quand elle sera de l'autre côté de la blouse et qu'elle verra les conséquences de toutes ces folies, j'espère qu'elle comprendra par elle-même que ce n'est pas la solution.»

Le regard cobalt de la garde du corps brilla un instant plus fort.

— Votre idée peut fonctionner. Les probabilités sont favorables mais pas significatives.»

J'espère bien. Sinon, j'aurais envoyé un «franc-tireur» comme chair à canon au combat.

—Ne pensez pas des choses pareilles, voyons.
—Scipio, merde! Laisse moi penser en paix!

L'hôpital de fortune était sur une petite planète dans la périphérie du système principale. Normalement, malgré le bulletin d'informations des plus inquiétants le concernant, l'équipage passerait inaperçu et devrait être plutôt tranquille dans cet endroit.

Si on exceptait les trafiquants d'organes et de drogue, les junkies, les déserteurs, les criminels et les VRP.

Heureusement, certains coins mal famés échappaient encore à la légalité et au contrôle fédérale. Le tripot clandestin que Traxton avait choisi pour boire sa vodka à la simili patate synthétique en était un bel exemple.

Même si ladite pseudo patate de synthèse avait un goût de carton. Ou d'antigel, c'était difficile à déterminer.

— Retour à la case départ, les gars. Sauf qu'on est plus pauvre qu'avant.
—Et activement recherchés, précisa le pilote en buvant une boisson bleu fluo qui n'était pas du curaçao de synthèse.
—Vas-y, gueule plus fort, Jig. Je pense que le mec en train de se vider les boyaux dans les chiottes ne t'as pas bien entendu.»

Tout trois jetèrent des coups d'œil alentour, le plus discrètement possible. Mais tout semblait normal dans ce silence aussi subite que pesant. Enfin, aussi normal que ça pouvait être dans un endroit pareil.

— On f'rait mieux de se barrer.
—Vous là! Attendez!»

Le capitaine se raidit. L'ordre était sec, impérieux et ne souffrait aucune contradiction.

— Courrez!» beugla Traxton.

Renversant les chaises et les clients sur leur passage, Traxton, Jigsen et Yamato se frayèrent un chemin vers la sortie alors que tout les regards se braquèrent sur eux.

— Pas de panique! Il veut juste nous vendre un almanach des sports!»

La boutade du capitaine ne trompa personne. Les VRP n'étaient pas, en général, armés jusqu'aux dents, ni équipés d'armures en céramique et certainement pas aussi musclé que leur agresseur.

Un chasseur de prime!

Les tirs de blasters crépitèrent tout autour. Les rafales de plasma grésillaient de plus belle. Impossible de savoir qui était pris pour cible tellement le bar était remplis de crapules de tout bord.

Certaines d'entre elles travaillaient même avec la police fédérale. Ils se précipitèrent dans la rue aussi encombrée de passants que d'ordures en tout genre.

— Capitaine! C'était même pas après nous qu'il en avait!» s'écria Jig.

Yama montra du menton un groupe de trois hommes tenant des fusils d'assaut braqués dans leurs direction. Des gens s'enfuirent en tous sens pendant que d'autres sortaient également leur arme personnel, prêts à riposter.

— Lui non. Eux, en revanche...»

La rue s'enflamma dans un bruit assourdissant.

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