Changer de regard...
Il n’y a rien de plus doux qu’une attention, qu’un regard chargé d’empathie posé sur l’autre.
Vincent, lui, tente chaque jour de mettre en pratique cette pensée dans sa salle de classe.
Ses élèves méritent cela : une présence vraie, une écoute sincère.
Avec le temps, il a appris à percevoir les moindres signaux.
Un froncement de sourcil, une moue passagère, un vêtement mal boutonné, un silence inhabituel...
Tout est message. Il les capte comme on capte un SOS, des appels à ne pas laisser passer.
Depuis plusieurs jours, un visage l’inquiète : celui de Tristan.
Ce garçon-là rayonnait autrefois d’une joie communicative. Son hypersensibilité envers les autres faisait de lui un pilier discret du groupe.
Mais depuis peu, sa lumière s’atténue, comme une braise qu’un souffle froid menace d’éteindre.
Vincent devine le trouble sans pouvoir le nommer. Il sait que les enfants perçoivent la différence avant de la comprendre, et que certains en font une bataille cruelle, manquant d'ouverture d'esprit.
Alors, il se sent investi d’une mission : protéger cette flamme fragile.
Mais comment agir sans brusquer ? Sa douceur doit être plus forte que ses craintes.
Il décide d’en parler aux parents, lors de la prochaine réunion. C’est un pari audacieux pour lui : parler d’un sujet si intime à des adultes qu’il ne connaît pas.
Ce soir-là, face au père, à la mère et à la petite sœur de Tristan, Vincent sent son cœur battre plus vite. Pourtant, après avoir fait l'éloge de leur enfant, il s’avance :
— Votre fils est un enfant exceptionnel. Il ressent le monde avec une intensité rare. Cette sensibilité est belle, mais lourde à porter à son âge. Il traverse sans doute un moment difficile, et il a besoin qu’on soit très réceptifs, tous ensemble, une écoute très large, très ouverte… C'est un p'tit gars extra et il le sera toujours. Je tiens à vous redire combien je suis fier de lui. Quoi qu’il vive, il doit rester fier de ce qu’il est.
Un silence. Puis le père incline doucement la tête :
— Merci, Monsieur Hater. Tristan, tout comme nous, a beaucoup de chance de vous avoir. Nous serons là, à ses côtés. Comptez sur nous.
Alors, Vincent respire. Il sait que son élève n’est plus seul.
Et dans ce monde qui court, il se dit qu’il n’existe pas de plus grande force que celle de la douceur.

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