Jeune fille au chapeau rose et noir - Renoir
Je te vois chaque jour accrochée sur le mur de sa chambre.
Tu as toujours refusé la misère, le travail, et même la nature. Tu nous as quittés pour Paris. Sans vouloir le blesser.
Je l'entendais pleurer seul dans le lit conjugal devenu froid après la mort de maman.
Tu as rencontré des bourgeois, fréquenté des salons. Tes mains délicates ne supportaient pas la terre et le crin.
Tes cheveux ont gardé leur lumière, pour éclairer les sombres crépuscules.
Depuis ton départ, les soirées commencent avec la nuit. Nous évitons de croiser nos regards devant la table que tu nous as abandonnée. Nous n'avons plus ni légumes ni jardin, les animaux et le champ nous occupent tout le jour.
Ton regard de charbon atteint l'avenir. Tu déplaces les horizons, tu attends, tu espères et tu réussis tes projets. Nous avons vidé la grange des matériels rouillés qui l'encombraient, mais nous n'avons pas réparé son toit. Je crois toujours que les gouttes de pluie qui se faufilent sont tes messagères. Nous avons perdu l'envie de rendre beau ce qui nous entoure. Nous survivons.
Ton nez s'avance comme ton menton, puissant et volontaire. Tu as développé les qualités qui nous échappent.
Tes lèvres savent maintenant embrasser. Je remarque leur sensualité, leur générosité, cette tache rouge qui illumine ton portrait.
Ce Monsieur Renoir a du talent, il fait de toi une muse, une reine. Il a coloré toutes les nuances de tes émotions, la blancheur candide et inassouvie de tes seins, la tiédeur rassurante de ton cou hospitalier, le rose de tes joues, qui trahit ta jeunesse et ta fragilité.
Tes habits roses et blancs me rappellent ma sœurette aimée que mon devoir et mon affection protégeaient. Ton chapeau noir, élégant et immense, souligne celle que tu es devenue. Sans vouloir le blesser.
Annotations
Versions