Coup de mou
Je finis par me réveiller, c’est bizarre, tout est silencieux de chez silencieux, bizarre le chat n’a pas hurlé aux loups dès potron-minet pour que je lui remplisse sa gamelle que de toute façon, il va dégueuler juste après ce morfal à la gomme qu’il me fait chmire à chaque fois, ce boustifailleur sans mâcher de croquettes. Là rien. Juste du silence. Je n’entends que la poussière tomber sans bruit. Sa gamelle est pleine, il n’y a pas de vomito à éviter ou à nettoyer, je me dis qu’il est allé faire un tour dehors pour s’aérer, rien de grave, hein. Le temps que je percute que je suis au troisième étage. Et là, bizarrement, je m’inquiète. C’est qu’on y tient à ces sales bêtes au fond. Alors, bassine de café fumante à la main, je déambule dans mon appartement, si par hasard, je tombais sur lui, par inadvertance.
Mais non, rien. Pas un chat. Après ma troisième biscotte beurrée sans casser, après de nombreux essais infructueux, je finis par m’alarmer, un petit peu, juste ce qu’il faut. Mais ce silence me pèse. Je me sens rapetisser de l’intérieur de mon moi-même, vaguement chagrin, lorsque la cloche s’en vient déranger le silence aigrelettement. Je me traîne, en chaussettes et en calcif jusqu’à la porte, que j’ouvre outre-tombement et se trouve sur mon paillasson une chose assez informe, aux cheveux filasse et gras, à la mine cireuse et figée du Musée Grévin et attifée du dernier chic du kitsch façon Félix Potin. Le truc qui te fait pleureur de tant de mauvais goût, si triste.
La chose informe chuinte devant moi et s’en va s’affaler dans mon canapé, soulevant un nuage de poussière qui prendra bien du temps à retomber, tout ce temps où interdit, je vais essayer de rassembler mes esprits. En vain. Alors ne sachant pas trop, trop quoi faire, la poussière retombée depuis un bout de temps déjà, je me radine aussi dans ce fond de canapé avec mon demi-mug de café froid que je m’en vais slurper apathiquement. Vu que ça a l’air d’être l’activité du jour, d’être tout apathique. Alors j’apathe. Seulement, j’ai beau mouliner du cervelet, je ne comprends pas grand-chose à l’affaire. Depuis le recadrage universel, de greffier, plus du tout. Ni miaou hurleur, ni conneries à la minute. Et à la place un silence poussiéreux et ce machin sans forme collé dans mon canapé à la place de mon chat. Pour une fois, que je me sens propriétaire de cette bestiole. Sauf que je me vois mal lui grattouiller entre les deux oreilles à la chose, ses cheveux sont écœurants de gras ponctués de pellicules presque blanches.
C’est quoi votre délire à vous, parce que des bien cintrés, j’en ai vu défiler pas mal, alors je me demandais, c’était quoi votre spécialité, en-dehors de ne pas vous laver les cheveux très souvent ? Sa tête se tourne avec une lenteur déconcertante vers moi, lève avec une lenteur déconcertante ses yeux abrutis vers moi, et marmonne avec une lent
Oh ! Que je le secoue ! On se remue là ! Zêtes qui nom d’un chien ? C’est quoi cette mascarade ? J’ai mon chat qui est on ne sait où, grand bien lui fasse, mais en attendant, c’est pire qu’avant ! Ça manque de vie, de peps, j’ai mon tonus musculaire qui dégringole comme le CAC 40 après l’annonce de la dissolution, y en a marre à la fin que j’explose !
Euh…
Je crois qu’il fallait pas.
Le truc moche et pas beau se met à ruisseler de larmes que je n’ai pas assez de mouchoirs, d’essuie-tout, de serviettes, de torchons, de serpillière que même mon chat vient le consoler, que c’est pas grave, que ça arrive les coups de mou.
Kisortd’où l’affreux ? J’en suis là, à cligner des nyeux pour tenter de comprendre, si par hasard, j’étais traversé d’une fulgurance d’intelligence, mais en fait nan, et à force de cligner, là, comme ça, je ne vois pas le zinzin d’une incroyable tristesse se décarrer de mon canapé et de chez-moi. Juste mon chat qui me regarde et se met, d’un coup, à réclamer à manger, alors que sa gamelle est toujours pleine. Sale bête.
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