Acte III
Un froid qui s’impose et l’enlace. D’une couche noirâtre qui lui fait face. Les reflets de la lune qui le pourchassent.
Comme si pas même sous la surface, lui suffit à ce que rien ne s’y passe.
Les sons ici-bas se propagent différemment. Des vibrations qui atteignent les tympans, et se glissent sous cette peau. Elles lui parcourent l’ensemble de frissons. La tête complètement submergée. Et rien autour n’eut l’air de bouger. Pas même la nymphe à ses côtés…
L’homme a perdu son équilibre. Sous l’eau à présent immobile.
Si tout autour eut été vidé, ils sont là ; il le sait !
S’émeut de ces êtres qui, bien que loin, l’observent.
Tous unis, réunis. Oh ! Qu’ils rient !
Mais eux, rien ne les maudit.
Ils n’existent pas, mais lui les voit…
Par divers nom ils répondraient, mais aucun d’eux ne leur plairait.
Ils sondent l’invisible et sont l’invisible.
La sensation entre ses doigts d’une main qui s’infiltre et l’effleure lui crie soudain de s’y agripper. À nager sans rien apercevoir, il en oublia presque ce qu’il y faisait ni la raison de cette chute.
Lorsque celle-ci s’en est partie, laissant le corps vaquant ainsi… ses yeux soudains s’ouvrirent.
L’ensemble rendu très flou ne lui manqua pas de distinguer des choses bouger. Le noir lui vint avec de plus en plus d’intensité. Et de ce noir, comme une porte, s’ouvrirent les yeux béants, géants de ce qu’il n’eut pu comprendre qu’il soit.
Un être positionné en verticale, regarde le ciel sans se soucier de s’il avançait.
Sans se soucier de s’il respirait…
Inerte et grand, tout simplement. Probablement que quand il nage lui aussi ment.
Et quand il nage, lui aussi ment…
Le regard qu’il porte semble le même que ce pauvre homme. Celui que n’importe qui aurait. Comme d’un enfant abandonné.
Quelle est cette chose qui d'en haut lui suppose qu’un jour de ces eaux il se sauvera ?
Surement que même lui ne comprend pas…
Mais par les flots qui s’en amusent, recrachent notre homme que l’on récuse.
Maintenant arrivé sur cette plage, il recommence seul sur terre, cet être dont personne ne veut, pas même la mer.
Et cette eau qui promettait de calmer ses maux,
Par le sel qu’elle contenait, sut rouvrir quelques plaies.
Et portées au cœur, en assument qu’elles repleurent.
Lavées de ce qui l’embaumaient,
Lui offre désormais une nouvelle peau,
Car bien avant il suintait,
Les eaux douces qui n’accordent que le repos.
Et comme si de ce sable il en avait traversé les déserts, chaque grain qui se succède joue de concert avec cette mer. Le replonge dans un sentiment de mal-être, cela en faisant mine de ne pas le connaître.
Lui, embrasse le Malin qui en ces lieux,
A bafoué tout ce qu’il aimait.
Sans jamais rien savoir de ce qu’il veut.
Mais ce diable-là a le visage qu’il y voit. Car de ces eaux comme un miroir, lui délivre ce qu'il ne pouvait pas croire.
La lune ne reflète pas que la lumière, mais aussi l’âme, même la moins claire.
Et qu’elle est belle !
Cet être de chair et bien mortel !
Car sur son chemin, cet homme l’avait finalement retrouvée.
Cette chose cachée qu’il promettait,
D’aller chercher et confronter. Sans savoir ce qu’il allait trouver…
Le corps gisant d’une personne bien trop malmenée.
Celui d’une jeune fille svelte encore mouillée.
Dont les contours le lui rappelaient,
Cette âme gelée du phare dressé.
Il en pleurerait…
En caressant la mort, cette fois-ci, il la déplore.
Et murit ainsi ses pires remords.
Du sang de ses mains qui coule encore, sur le visage de ce corps, il la colore.
À y chercher l’enfer pour ce qu’il avait osé,
Il l’avait plus tôt rencontré…
Ce fameux fleuve qui en forêt tendrement ruisselait. Celui-là même qui l’y amènerait.
Mais bien que l’homme plein de regret,
S’en est jeté dans le Léthé,
Nourri des sanglots désolés,
De ces âmes frêles et délabrées,
Son geste, il n’eut pu l’oublier.
Car désormais…
Il s’en rappelait.
Sans que jamais pardon ne soit fait.
…
En ces instants de perdition,
Quelques petites notes encore virevoltent.
La floraison avant récolte.
Car de l’obscure s’érigent en reines,
Ces lueurs perle qui déferlent,
De l’endroit qui dressé flamboie,
Tombe de ses joies sempiternelles.
Un fantôme l’appelant, indigent.
Mais des souvenirs qu'il put retrouver, rien ne lui semblait devenir plus clair.
Sans plus de repère. Ni même de repaire.
Le gouffre ouvert, il s’y enfonce. Qu’importe l’horreur qu’attend son sort.
Tout proche du bord, sans plus de réponses,
Part vers ce phare qu’encore éclaire…
Par le chemin emprunté de cet homme exténué,
D’étranges farfadets s’amusaient, tournoyaient.
Créatures qui riaient, observaient, festoyaient !
Endiablé qu’ils étaient de sans cesse se moquer.
Ceux-là mêmes qui dans l’eau, cet homme ils ont scruté. Mais à bien observer, ils n’auraient pas jugé. Pas non plus approuvé. Encore moins condamné.
Ils conservent cette chose de funambulesque ; ne châtient rien qui ne blesse.
Par les harpes, violons, flûtes et tambours,
Forment cette ronde qui sonne le compte à rebours.
Tout vêtu de mystère, aux allures de Satyre,
D’où nous viennent tous ces êtres ?
Qu’a t-il fait qu’ils puissent naître ?
Rien du ciel ni sous terre ne saurait qu’ils respirent.
Amusant il était qu’à présent, parmi eux, l’homme au centre, avançant,
Son pêcher, seul lui le reconnaissait, seul lui le condamnait.
Une danse, un trajet, un chemin qui le perd.
Le dernier, éclairé, qui confère à la fois, ce qui prospère et fait taire.
Sous l’air carnavalesque de ce spectacle, au-dessus les culmine. Cet astre de la nuit qui comme toujours fait mine. Ô qu’elle brille, qu’elle scintille, illumine !
Et du vin s’en déverse. Tout ceci le bouleverse. Proche du vide, bousculé, renversé, et troublé. Une seconde suffirait,
Pour qu’enfin elle débute ; cette ultime dernière chute…
Ce fut le cas…
L’homme avançant pas à pas rejoindre le phare qui l’attendait.
Mais par les évènements, fit jaillir ce qui le dévorait !
Nuit funèbre qui par sa mort la célèbre.
Trébucha sans s’émouvoir.
Trébucha sans dire au revoir.
Car de cette falaise, il s’en alla.
S’échappent des souffles qui, pour toujours, quittent à jamais ce corps trop lourd.
Des fibres de vie sans plus d’ancrage. Maintenant échoué, loin du rivage.
Car il restait bien un endroit…
Que la lune ne surveillait pas.
Et un tissu de soie, aussi doux qu’il soit, s'aiguise entre ses doigts. Tout semblait venir de quelque part. Non plus de ce phare,
Mais de l'au-delà.
Voilà ces fameux Dieux qu’affament,
De leur bonté, les états d’âme.
Mais disent vouloir rejeter l’infâme.
Lui, cherche le retour des eaux qui ne sauraient être calmes.
Et ces sensations fidèles qui de joie font de lui qu’il se pâme.
Lui, à la recherche de tout ce qui nourrit le vacarme.
Et récuse dès lors ces éclats qui le réclament.
La nuit sépulcrale,
D’où se ravive et s’exhale l’eau lustrale,
Sonne en force toutes ces cloches infernales.
La nuit sépulcrale…
…
Et pourtant aux abords,
Rien autour…
Ni Charon, ni vautour.
Seul cet homme semblant mort.
En fustige les délices, festin confit des heureux capricieux, plats des Dieux. De ses vœux amoureux, crie adieu à ces jours mélodieux, radieux, pour qui eux toujours pieux, à ses yeux, fastidieux, ennuyeux et crasseux bilent les cieux…
Car de cette falaise…!
Car de cette falaise, il s’en alla !
Trébucha sans dire au revoir !
Trébucha sans s’émouvoir !
Nuit funèbre qui par sa mort la célèbre.
Mais par les évènements, fit jaillir ce qui le dévorait !
L’homme avançant pas à pas rejoindre le phare qui l’attendait…
Et ce, au bout du bout, la porte lui faisant face, franchit le pas qu’il puisse la voir ! Non pas comme l’âme qu’il était. Non plus comme l’âme qui juste mentait. Une âme sortie des dalles scellées. Elle aussi teinte des nappes ocrées.
Ainsi ces fers qui lui tenaient à la ceinture, compte parmi elles la clé pour sourdre la serrure.
Faisant marcher, tourner ainsi la mécanique nouvelle. La faire tourner, marcher comme une manivelle.
Voilà qu’ensemble encore, ceux-là, en tremble, valsent encore.
Berceuse qui scelle tout un décor…
Chanson qui cèle les déluges d’or !
Puisque comme une boîte à musique, celle-ci avait besoin d’un clic.
Une symphonie résonne… le bruit cylindré de l’orgue ou bien des cordes.
Adieux chers Dieux miséricordes !
Du fond de la toile,
Apparait une étoile,
Une jeune graine que l’on sème,
Des jeunes êtres qui s’aiment,
Perce dans l’air ce doux voile.
Et les cendres qui tourbillonnaient, sans savoir ce qui les projetait, rejetaient d’étranges, mais douces fumées. La chaleur ainsi dégagée offrait angoisse et impiété.
D’en haut et désormais,
Les feux-follets et farfadets du phare dressé,
Viennent ainsi jouer et folâtrer.
Car cette tour à présent était,
Tant réprouvée et admirée.
Mais cette lumière-là se ternit.
Et le rythme aussi, lui, ralentit.
Puis s’adoucit la mélodie…
Elle cessera bientôt de tourner,
Et sera noyée vite dans l’obscure.
La lune, cette fois, s’en est allée.
À quand l’aurore pour peindre l’azur ?
Accordez-leur un dernier tour…
Tout cela ne sera plus qu’une histoire.
Détour tragique du purgatoire, qui satisfasse leur désespoir.
De cette histoire, des souvenirs.
De ces souvenirs, quelques soupirs…
De ceux qui, bien que las, respirent.
Accordez-leur encore un tour !
Accordez-leur ! Accordez-leur…
Accordez-moi.
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