Karim point d’interrogation
« Donc, on est d’accord : utiliser un préservatif, c’est pas négociable. Même si on se connaît. »
Loreleï termine notre intervention devant un groupe d’étudiants. Trois heures de stand Sidaction, à distribuer des capotes et de l’info. Elle est plus à l’aise que ce que je pensais, directe.
Les étudiants partent avec leurs préservatifs. Nous rangeons le stand ensemble.
— Encore une mission accomplie pour la team Karim-Loreleï !
— C’est clair, on mérite une médaille. Enfin surtout toi, Loreleï. Je n’ai jamais entendu une fille parler de fellation et de sodomie avec autant de naturel. Tu étais toujours très… pro.
— En fait, ça ne me gêne pas de parler de sexe. C’est la vie ! Ce sont les tabous qui sont dangereux. Pas de dire bite ou vagin !
Je ris franchement. Je propose :
— On prend un verre à côté ?
— Chez moi, plutôt.
Chez elle, nous continuons à analyser la journée.
— Tu sais ce qui m’étonne chez toi, Karim ?
— Non ?
— Tu es un mec qui parle vraiment de sexualité. La plupart font les malins ou deviennent rouges. Toi, tu es naturel.
Je rougis justement.
— Et toi, tu sais ce qui m’étonne chez toi ?
— Ma capacité à faire fuir les gros débiles ?
On rigole au souvenir de ce mec qui a cru la gêner avec ses questions. Elle a expliqué en détail pourquoi la fellation était une pratique plus à risque que le cunnilingus. Il a fui, rouge fraise tagada !
— À part avec lui. Ta façon de parler aux mecs. Tu les rassures au lieu de les juger.
— À propos de rassurer… Tu gères comment ta blessure ?
Ma rupture des ligaments croisés, la fin de mes espoirs en équipe de France… Ça m’a appris l’humilité.
— J’apprends la faiblesse… non, la vulnérabilité.
— Tu vois, c’est ce que je disais. Je ne connais pas de mec capable de reconnaître et d’accepter de flancher, que leur corps ne suive pas.
Elle se rapproche sur le canapé. Son odeur, la chaleur de son corps…
— Loreleï… J’ai envie de t’embrasser. Mais je veux être sûr que tu en aies envie aussi.
— J’en ai envie.
— Vraiment ? Pas juste par sympathie militante ?
Elle rit.
— Karim, on vient de passer trois heures à expliquer l’importance de dire ce qu’on veut clairement. Tu crois que je vais dire oui par politesse ?
Elle se tait. J’attends.
— Tu as raison. Ça peut arriver. J’ai fait l’amour par politesse une fois. Je me suis dit que je l’avais allumée. Mais finalement, je n’avais plus envie. Bref, expérience sexuelle hyper nulle. Mais grande leçon ! (Quand elle tourne son visage vers moi, elle a son expression déjantée qui me fait craquer.) J’écarte les cuisses par désir, pas pour dire merci !
Fou rire.
— Loreleï, j’ai besoin d’entendre ce que tu veux. J’ai été dans le cas du mec dont tu as parlé. Plus jamais ça.
C’est la première fois que j’en parle. Je me sens à nu comme jamais.
— Karim, j’ai envie qu’on s’embrasse.
Je prends sa bouche. Doucement d’abord, puis avec plus de force. Ses mains dans mes cheveux, son corps qui se presse contre le mien. Elle laisse son front contre le mien. Je respire plus fort.
— Et maintenant, tu veux quoi, Loreleï ? Moi, j’ai envie de te déshabiller. De découvrir ton corps.
- Pareil. J’ai envie de te caresser partout. De te faire gémir.
Elle me fait bander. Je veux la faire mouiller. « J’ai envie de te lécher jusqu’à ce que tu jouisses. Plusieurs fois. »
Sa respiration s’accélère quand elle dit mon nom. « Karim… j’ai envie de sentir toute ta peau contre la mienne. »
Cette discussion m’excite plus que tous les préliminaires.
— Et si j’ai envie de venir en toi ?
— On a des préservatifs. Beaucoup.
Nous nous déshabillons lentement, en nous regardant. Mon corps porte les marques de mes années de sport, ma blessure au genou.
— Tu es beau, Karim.
— Même avec mes cicatrices ?
— Avec ta vulnérabilité.
Ses mains explorent mon torse, s’attardent sur les marques. Aucune pitié dans son regard.
« À mon tour. »
Je découvre sa peau douce, ses courbes, son dos qui me fascine depuis des mois… Je reste derrière elle, j’embrasse ses épaules, sa nuque. Elle soulève ses cheveux :
« Mords-moi, là. »
Elle gémit. Tout en continuant à la mordre, de plus en plus fort, au rythme de sa respiration, mes doigts font le tour de ses seins. Si ronds. Elle gémit plus fort à chaque morsure. J’ai peur de lui faire mal, mais elle me demande de continuer. Je laisse une main descendre entre ses cuisses. Elle est trempée et tendue. Elle jouit rapidement. Toujours son dos contre mon torse, elle halète :
— Je crois que j’ai le cou sensible…
Je souris contre son oreille :
— C’était… étonnant. Tu es volcanique.
— Et toi, tu veux quoi maintenant ?
— Je voudrais rester comme ça, je kiffe ton dos.
— Ha bon ? Pourquoi ?
Je dessine sur son corps, suivant mes mots :
— Tes épaules, carrées, ta taille toute fine, et tes hanches.
Je les empoigne. Elle se balance lentement. Je respire plus fort :
— Tes hanches rondes, elles font un cœur avec tes fesses. Ça me rend dingue.
— Va chercher une capote, je reste comme ça.
Je ne la perds pas des yeux. Pendant que j’enfile la capote, elle se cambre. Je viens contre elle, mon visage contre le sien, mon sexe contre ses fesses.
— Et maintenant ?
— Baise-moi.
Elle va me faire exploser avant même que je la pénètre. Elle est encore si chaude de son orgasme, toute glissante. Son putain de dos ondule immédiatement sous mes yeux, pendant que mes mains s’accrochent à ses hanches. Ce ne sont plus des gémissements, mais des cris qui sortent de nos gorges. Je jouis sans retenue.
Après, on s’allonge sur le lit. On parle cinéma, politique, de nos cours. On est si détendus, que j’ose :
— Tu crois qu’on peut être bien avec quelqu’un sans être amoureux ?
— On dirait, répond-elle en m’embrassant.
*******
Je vois régulièrement Loreleï. On discute. On se retrouve à des soirées. On couche ensemble. Souvent.
Aujourd’hui, je suis allé la retrouver après son entrainement de tae kwon do. Arrivés dans mon studio, elle sort une petite bouteille d’huile de son sac.
— Avant de manger, tu peux me masser ? Ça limitera peut-être mes courbatures.
Elle se met en culotte et s’allonge sur mon lit.
Loreleï directe.
Je la masse comme j’ai appris en STAPS.
Karim professionnel.
Sa tête dans l’oreiller, je ne comprends pas ce qu’elle marmonne. Elle répète :
— C’est bizarre, je n’ai pas faim après le Tae Kwon Do. Mais j’ai une pêche !
— c’est normal, tu viens de faire 1 h 30 d’efforts intenses. Ton sang est redirigé vers les muscles et le cœur, moins vers l’estomac et l’intestion. Et puis il y a les hormones aussi. Plus le lactate. Tu auras faim dans 2 h environ.
— J’adore quand tu m’apprends des trucs.
Karim savant.
— Rien à voir. Tu te souviens du stand de prévention Sida ?
— Rien à voir avec le massage. Sauf si ça te donne des idées.
— Je ne suis qu’une faible femme… Un beau mec me masse, évidemment que ça me donne des envies. Tu sais que les fellations sont une pratique à risque. Donc je préfère éviter, même si j’aimerai bien. Surtout que toi… On peut essayer les capotes parfumées, mais je ne suis pas sûre que ce soit très bon.
— Tu sais, ma dernière relation date de 4 mois. Et j’ai fait un test il y a 15 jours. Et toi ?
— Il faudrait que je fasse un test aussi, tu as raison. N’arrête pas de me masser les cuisses ! C’est là que j’ai le plus mal. (Elle soupire et s’étire) Depuis Vivian, j’ai couché avec juste un mec. C’était sa première fois.
— Donc… Si j’ai bien compris. Les fellations, c’est safe ?
Elle se retourne vers moi :
— On dirait bien. Et on se prévient si on fait d’autres rencontres ?
D’autres rencontres ? Je n’y ai pas pensé.
Elle tapote sa poitrine :
— J’ai souvent des courbatures là aussi. Je pense que l’huile me fera du bien.
— Des courbatures aux seins ? Je demanderai à mon prof de physio. Ça ne me dit rien.
— J’ai lu ça dans une revue médicale scientifique, fais-moi confiance.
Je chauffe un peu d’huile dans mes mains avant de l’étaler sur ses seins. Je commence par des glissades circulaires. Elle se tortille et m’observe, les paupières mi-closes. Elle lève ses bras et me désigne le côté de son sein, proche de l’aisselle :
— Là, c’est tout sensible.
— Comme ta nuque ?
Karim géographe.
— Je vais faire une analyse comparative. Tu ne m’as pas dit de quoi tu as envie.
Je continue mes caresses, elle envisage différentes possibilités. Je veux voir les images qui défilent !
— Tu vois, les étirements jambe en l’air au tae kwon do ? J’aimerais cette position, mais allongée.
— C’est acrobatique.
— Il n’y a pas de gymnaste en STAPS ? Et toi, tu veux quoi ?
— Tu as parlé de fellation tout à l’heure… Mais tu n’es pas obligée ! Ce n’est pas parce que moi je l’ai fait que tu dois faire pareil.
— Je sais bien, c’est pour ça qu’on en parle. Tu me guideras ? J’ai envie que tu me parles pendant.
Loreleï bandante.
Elle me regarde comme si elle allait me bouffer.
Karim bandant ?
*********
Note de l'autrice :
Ce texte s'inscrit dans l'univers du "Chant de Loreleï", à suivre ici : https://www.atelierdesauteurs.com/text/1520796495/le-chant-de-lorelei
J'ai écrit cette scène il y a un moment. Et entre temps, les personnages du "Chant de Loreleï' ont évolué. Donc je devrais remanier cette scène si je la garde ! Mais j'aime bien Karim, alors je voulais partager ce texte, qui parle de l'érotisme du consentement.

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