Chapitre 45

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Jeudi 04 janvier 2024, 16h27

— Je n'arrive pas à croire qu'ils aient fait ça !

Rageusement, Amali attrapa son tapis de selle, le plaça avec habitude sur le dos de sa jument avant de se tourner vers Yannick, furibonde. La colère et l'inquiétude émanaient de chacun de ses pores, faisaient trembler ses doigts et froncer ses sourcils. Boule de nerf personnifiée, elle semblait vouloir entendre Yannick la conforter, en vain : l'homme restait stoïque, divisé entre le fait de rassurer la jeune femme, ou celui de lui rappeler qu'elle était en partie la cause du départ des garçons.

— Ils ont quel âge pour fuguer comme ça ? aboya t-elle finalement.

— Arrête de t'agiter comme ça.

— Yannick, ils se sont tiré. Ils se sont tiré, ont emmené Erwan avec eux, et on a aucun moyen de savoir où ils sont. Imagine...

La jument que Amali s'activait à équiper jusqu'à lors poussa un râle fatigué, s'attira un air consterné de la part de sa cavalière.

Yannick sourit en coin, désigna la jument d'un air satisfait, avant de poser une main rassurante sur l'épaule de sa collègue.

— Tu ne devrais pas t'en faire pour eux. Personnellement, je me doutais un peu qu'après ton accrochage avec Eden, lui et Jon mettraient les voiles.

— Pourquoi faut-il toujours que Jon suive Eden ? C'est pas malin d'...

— Amali. Soyons honnêtes un instant : ce n'est plus ni toi, ni moi qui protégeons les garçons désormais, mais l'inverse. Je n'ai pas peur pour Eden et Jon, ils sont largement capables de se défendre. Si tu y regarde bien, ils ont réussi à former un véritable binôme attaquant depuis le début de la pandémie. C'est d'ailleurs pour ça qu'on les a laissé s'engager seuls sur plusieurs missions depuis quelques mois.

Amali ferma les yeux, inspira par le nez tout en occupant ses mains au travers de ses mèches de cheveux emmêlés et sales. Peu importe ce que Yannick pourrait dire, elle ne pourrait pas relativiser tant que ses jeunes seraient de retour face à elle, et en bonne santé.

Bien sûr qu'elle croyait au potentiel énorme de Jon et Eden ; avec les années, l'un et l'autre avaient réussi à développer leur puissance de frappe d'une façon telle que parfois, elle se demandait ce qui les empêchait encore de monter à Paris pour destituer Jelena. Jon avait notamment appris à bondir d'une façon qui se rapprochait plus du vol sur de courtes ou moyennes distances, tandis que Eden de son côté parvenait désormais à faire obéir bon nombre de personnes au seul son de sa voix, plus besoin de capter leurs regards.

Tremblante, elle plaça en silence le mors de sa monture entre les dents de cette dernière, avant de sursauter lorsque sans prévenir, Iverick fit son entrée dans l'écurie.

— On part en balade sans me prévenir ?

— Je vais juste quadriller les alentours, rien qui mérite qu'on m'accompagne.

Iverick secoua la tête, vint flatter l'encolure de la jument alezane que Amali venait de seller, avant de couler un regard interrogatif à Yannick. Ce dernier, sans se faire remarquer par sa collègue, lui indiqua en silence de la laisser partir devant et qu'ensuite seulement, il pourrait à son tour prendre la route pour s'assurer qu'il ne lui arrive rien.

    À seulement quelques heures à cheval de Amali et de la base résistante, Eden et Jon galopaient à bride abattue, alourdis par leurs sac à dos, engourdis par la fatigue.

Jon caracolait en tête, s'assurait de la sécurité des chemins qu'ils empruntaient, de ceux sinueux et boueux qui coupaient à travers bois et prairies. Il était hors de question d'emprunter les grands axes que la milice couvrait avec aisance grâce aux véhicules motorisés qu'ils étaient désormais les seuls à pouvoir utiliser. Certes, le chemin était plus long au gré des foulés de leurs montures mais, ainsi faisant, ils étaient assuré dans le pire des cas, de ne tomber que sur quelques infectés égarés.

D'un coup d’œil par-dessus son épaule, il s'assura du bon état de Eden qui, moins à l'aise à cheval, s'était tout de même porté volontaire pour s'occuper de Erwan. L'adolescent loin d'être au meilleur de sa forme, se raccrochait à la taille du plus âgé avec une détermination qui avait étonné Jon lors de leur départ du FJT. Cela faisait presque huit heures qu'ils avaient quitté le dortoir en catimini, n'emportant avec eux que le strict nécessaire et pourtant, le plus jeune du trio n'avait pas flanché, et se retenait à Eden avec ses dernières forces.

—Vous voulez faire une pause ? s'enquit Jon.

— Volontiers, je sens plus mon cul !

Jon pouffa à la remarque de son meilleur ami, les guida encore quelques minutes jusqu'à une clairière isolée où tous purent enfin descendre de cheval pour se dégourdir les jambes.

Le plan, décidé à la dernière minute était simple : rejoindre Lyon, puis se séparer. De son côté, Jon serait chargé de continuer sa course jusqu'à Valence, dans la Drôme afin de brouiller les pistes et faire croire à un déplacement vers le Sud de la France là où Amali et les autres prévoyaient depuis un petit moment déjà, de remonter vers le nord. Eden de son côté, s'était fixé pour mission de rejoindre une zone de commerce illégale bien connue de la région, afin de pouvoir échanger une bonne quantité de morphine contre deux faux bracelets de reconnaissance qui peut-être, pourraient permettre de faire soigner Erwan. Si malgré tout les médecins s'entêtaient à ne pas vouloir le prendre en charge, il lui suffirait de jouer de son don, et ce malgré l'amertume qui lui restait de l'épisode du contrôleur.

— Tu penses qu'on aura atteint Lyon d'ici combien de temps ?

— Deux heures à tout casser, répondit Jon, le nez fourré dans son sac à dos.

Eden hocha simplement la tête, alla s'asseoir près de Erwan qui épuisé, s'était écroulé contre le flanc de la jument qu'ils montaient jusqu'alors, couchée dans un tas de feuilles mortes.

— Qui veut une barre de céréales ?

— T'as piqué dans les résrrves ?

— Oui. Et ?

Eden haussa les épaules, attrapa la petite barre empaquetée que lui jeta Jon avant de se replonger dans ses pensées, divisé. Il était presque certain que son plan était infaillible, qu'il ne relevait pas de mise en danger plus que nécessaire et que, pour couronner le tout, il pourrait aboutir au règlement de deux de leurs problèmes majeurs à savoir Erwan, et la milice.

Cependant, et c'est ce qui le dérangeait, dans la mise en œuvre dudit plan, il lui fallait se séparer de Jon, le laisser faire une bonne partie de route seul, et qui sait ce qui pouvait arriver au travers d'un chemin isolé ? Jon était fort, très puissant, mais manquait cruellement de prise de position. Quand Eden était avec lui, tout était plus simple, il suffisait que le facteur ''danger'' rentre en compte pour qu'immanquablement, il se mette en action et élimine les risques. Mais à l'inverse, lorsqu'il se retrouvait seul, il pouvait lui arriver de préférer battre en retraite plutôt qu'attaquer, en proie au doute et aux remords qu'avaient pu engendrer par le passé, une utilisation trop violente de ses capacités.

Alors que Jon s'asseyait près d'eux, sa barre de céréale ouverte entre les mains, Eden se tendit brusquement à l'entente d'un froissement e feuilles mortes, à seulement quelques mètres d'eux. En alerte immédiate, il sauta sur ses pieds et fronça les sourcils, prêt à en découdre.

Jon l'imita mais au lieu de se mettre en position défensive, se contenta de lui attraper le poignet.

— Attends, c'est pas un ennemi.

Au moment où son meilleur ami se retournait vers lui afin d'obtenir de plus amples explications, à travers les buisson qui entouraient leur position émergea une jeune femme à l'air épuisé, maigre et tremblante.

— Qu'est-ce que tu..., commença Eden, hébété.

Sans mot dire, la jeune fille effectua devant leur yeux incrédules, le signe de reconnaissance de la Résistance, avant de s'approcher d'un pas plus déterminé qu'ils ne l'auraient imaginé.

— Qu'est-ce qu'il a ? s'enquit-elle finalement en désignant Erwan.

— On en sait rien. Ça fait deux semaines que son état s'aggrave.

— Je vois. Vous cherchez un médecin je présume ?

Jon hocha lentement la tête, tandis que Eden, les lèvres pincées, s'était rapproché de Erwan afin de bâtir une barrière solide entre son ami et l'intrus. La position défensive de son ami ne faisait aucun doute, il n'offrait aucune confiance à la jeune femme, et la défiait de s'approcher du plus jeune.

— Vous êtes de quelle base ?

— Qui te dit qu'on est résistants ?

— Vous avez reconnu mon geste il y a deux minutes et, vous avez pas l'air en super forme non plus. Les types qui soutiennent Jelena et le Phoenix en général sont bien traités. Vous, vous avez juste l'air misérables et crevés.

La jeune femme n'attendait visiblement pas de réponse, elle exposait simplement un fait. Tranquille, elle s'adossa au tronc d'un érable avant de leur adresser un sourire penaud :

— Je m'appelle Noor. Et vous ?

— Moi c'est Jon. Lui Eden, et lui Erwan.

Noor acquiesça, tout en détaillant chaque expressions de ceux qui se dressaient face à elle.

Gêné par le regard insistant, Jon détourna la tête, tout en retournant près de son sac à dos afin de le fermer. Quelque chose dans l'approche de Noor le dérangeait, bien qu'il ne sut dire de quoi il s'agissait exactement. Son air jugeant ? Sa trop grande confiance ? Son attention trop focalisée sur Eden ? Il grinça des dents, referma les attaches du sac.

— Du coup vous m'avez pas répondu.

— On te connaît pas. On a pas de comptes à te rendre, grommela Eden.

— C'est vrai. Mais en l’occurrence ici vous êtes dans le périmètre de ma base, et si vous n'êtes pas en capacité de me décliner votre identité, je devrais prendre ça comme une menace. Vous connaissez le protocole.

Jon et Eden se raidirent, balayèrent leur interlocutrice d'un regard incisif avant que contre toute attente, la voix de Erwan s'élève dans le silence de la clairière :

— On fait ''partie'' de la Résistance sans en faire partie. On agit plus en groupe depuis deux ans. Du coup notre ''base'' si on peut appeler ça comme ça en est pas vraiment une. Mais si tu veux tout savoir elle est à côté de Villefranche, satisfaite ?

Le plus jeune s'était quelque peu redressé, et jaugeait Noor avec mauvaise humeur, les sourcils froncés. Les iris de ses yeux bruns brillaient d'une légère luminescence blanchâtre qui ne manqua pas d'interpeller Jon et Eden.

— Très bien. Moi ma base est à Givors, pas sûre que vous connaissiez.

— Non on connaît pas. C'est bon l'interrogatoire ? On a encore de la route, siffla Eden.

— Pourquoi vous êtes sur la défensive comme ça ? On est dans le même camp.

— Je crois pas non. Nous on menace pas les gens pour obtenir ce qu'on veut d'eux.

Noor croisa les bras, accentua la proéminence de ses os sous sa peau, avant de secouer la tête, les yeux clos.

— L'ultra-pacifisme sert à rien. Juste à mieux se faire piétiner.

— On t'a pas demandé ton avis.

— J'ai pas besoin qu'on me le demande pour le donner. Ça s'appelle avoir du caractère.

— Ça s'appelle être casse-couille. C'est bon tu nous lâches ? siffla Eden, un pied à l'étrier.

Sans attendre de réponse, il se hissa sur sa monture, tira Erwan à sa suite, tandis que Jon d'ores et déjà en selle, indiquait à sa jument de reprendre la route.

— Attendez !

D'un coup de talon, Jon partit au galop, suivi de près par Eden et Erwan, laissant Noor seule dans un nuage de poussière et de feuilles mortes. Bien vite, les deux chevaux se retrouvèrent côte à côte, ce qui permit aux deux cavaliers d'échanger avec plus d'aise.

— Je sais où se trouve la base de Givors, lança Eden. Elle est à genre vingt minutes en bagnole de la ville où se tient le marché noir.

— Ampuis ?

— Ouais. Je me suis un peu renseigné sur les bases qui nous entoure et, avec la base à Annecy, elles forment un peu les deux pointes les plus extrémistes du mouvement dans le Rhône.

Jon hocha durement la tête, resserra sa prise sur ses rênes, avant de donner une nouvelle impulsion aux flancs de sa monture. Peu importe ce que faisait cette jeune femme au milieu des bois, ni Eden ni lui ne semblaient vouloir lui accorder de crédit ou pire, de confiance. Si ce que Eden disait était vrai, alors il valait mieux pour eux s'éloigner de Noor : comme dans tout mouvement, il ne pouvait y avoir qu'une seule façon de penser, qu'un seul point de vue. Entre ''ultra-pacifisme'' et ''extrémisme'', le pas était grand et amenait à beaucoup de conflits au sein même de la Résistance. Ce qui par le passé avait déjà pu conduire à des affrontements au cœur même de leur combat.

Aucun des deux jeunes ne voulaient revivre ces moments de déchirement, et s'éloigner de Noor semblait être le meilleur moyen pour éviter la crise.

Pour le moment du moins.

Samedi 06 janvier 2024, 10h04

    Jelena manqua jurer lorsque son pied ripa contre le marche-pied de son wagon. Seul le réflexe de Matteo derrière elle, lui permit de ne pas s'étaler de tout son long sur le quai presque désert recouvert d'une fine pellicule d'eau. La Chef d’État, d'ores et déjà fatiguée de ses entre-vues politiques au sud de la capitale, se tourna brièvement vers un de ses soldats les plus talentueux, avant de hausser un sourcil :

— Tu as bien imprimé le rapport sur l'activité résistante de Rhône-Alpe ?

— Oui madame. En deux exemplaires. Un pour vous, et un pour Vasco, comme vous me l'avez demandé.

— Super, sourit la jeune femme.

Avec force, elle resserra sa prise sur les bretelles de son sac de voyage, et commença sa descente vers le hall de la gare de la Part Dieu.

Trois jours auparavant, avait été donné l'alerte concernant la présence de Jon et Eden à bord d'une ligne de train. Le lendemain, elle lançait ses équipes sur le terrain à la recherche des deux mutants et le soir-même, Jon était repéré par une caméra de surveillance aux abords d'un quartier peu fréquenté de la métropole lyonnaise. Nathan lui avait suggéré de se méfier, que capter Jon autant de fois en si peu de temps après tant d'années d'absence relevait sans doute du piège. Comme il s'y attendait, elle ne l'avait pas écouté, et avait pris ses dispositions pour descendre dans le sud de la France afin de pouvoir s'entretenir avec la base militaire implantée à Villeurbanne.

Quelques heures avant elle, Vasco et Théo avaient déjà foulé les quais de la gare, en reconnaissance et en préparation d'une potentielle offensive à venir. À l'heure qu'il était à sa montre, Jelena se doutait que les deux jeunes devaient l'attendre au côté du général détaché en région.

— Et concrètement, lança Matteo alors qu'ils montaient à bord d'un taxi, si on les croise, qu'est ce qu'on fait ?

Un instant, elle resta de marbre, à observer la pluie tomber par la fenêtre de l'habitacle.

— On établie si ils opèrent ou non avec les résistants qui sévissent dans le coin et nous cassent... les pieds depuis un petit moment, et ensuite on avise.

— Et s'ils sont effectivement en lien ?

— On sera dans l'obligation de les enfermer, comme tous les autres.

Matteo hocha lentement la tête, se passa la langue sur les lèvres, sembla vouloir relancer avant de se dérober.

Sans le lui avouer, elle l'en remercia, et retourna au silence rassurant qui régnait dans la voiture, uniquement gâché par le ronronnement du moteur.

Elle avait toujours détesté Lyon. Tout d'abord parce qu'il s'agissait de la ville qui avait à l'époque, géré le centre de confinement où elle et les enfants avaient été enfermés et qui, trois ans après, la hantait toujours autant. De plus, c'était ici, dans cette ville qu'ils avaient perdu Mehdi, lâchement arraché à la vie par une balle qui n'aurait jamais dû lui être destinée.

En somme, rien dans cette ville grise et froide ne lui plaisait, et le fait que Amali s'y trouve potentiellement, et ce malgré tout ce que la métropole représentait pour eux, n'y aidait en rien.

De tout son cœur, elle souhaitait que l'éducatrice ne soit en rien liée aux différents mouvements contestataires qui avaient secouées la métropole depuis sa montée au pouvoir. Plusieurs fois ses meilleurs soldats avaient dû être déplacés vers le sud afin de contenir une violence exacerbée par l'impression de ne pas être entendu, et relégués au rang d'ennemi public à abattre. Entre le moment où la Résistance s'était créée lors de l'ouverture des centres, et le virage qu'elle avait pris avec le pouch de deux-mille-vingt-deux, tant de choses avaient changés. Si au départ les mutants et alliés qui se soutenaient au sein des rangs de résistants se battaient pour des droits communs entre humains et mutants, il s'agissait désormais de simplement faire admettre à la chef d’État en place que sa façon de faire était tout autant discriminante et injuste que le régime militaire l'avait été au début de la crise. En deux-mille-dix-neuf avaient été enfermés bon nombre de mutants dans des centres insalubres et maltraitants, où des militaires sous les ordres de hauts placés inquiets leur avaient arraché leurs droits fondamentaux. Désormais, et selon les dires de ses détracteurs, rien n'avait changé hormis que les cibles de la milice et des violences se trouvaient désormais dans les humains opposés au régie quasi-totalitaire que s'appliquait à maintenir Jelena. Certes, elle avait plusieurs fois dû faire preuve d'autorité face à des groupes de renégats qui affirmaient son incapacité à diriger un pays, son évident déclin psychologique à la suite de sa mutation. Un groupe notamment, les Humanfirst avaient attirer son attention en s'en prenant à tous les mutants qu'ils croisaient, qu'il s'agisse de résistants ou non.

Rien n'allait plus dans sa gestion de l'hexagone, les trois groupes les plus influents se violentaient les uns les autres sans commune mesure et pour Jelena, il était clair que si Amali et les autres venaient s'ajouter au conflit, tout déraillerait pour de bon.

À peine furent-ils arrivés à la base militaire de Villeurbanne que Théo leur tomba dessus, porteur de nouvelles qui sur le coup, n'alarmèrent que très peu Jelena et Matteo. L'ancien infirmier, assagit depuis sa mise en fonction auprès des troupes rapprochées de Jelena, accueilli le jeune homme d'un sourire que Théo ne lui rendit pas. Crispé, le regard froid derrière ses lunettes, il se contenta de lui tendre une liasse de feuilles que Matteo attrapa sans mot dire.

— On a visionné pas mal de leurs images d'archive, avec caméra de surveillance et tout le bordel et pour le moment, pas de trace de Amali, Yannick, ou des autres.

— C'est une... bonne nouvelle j'imagine ? s'enquit Matteo en se tournant vers Jelena.

— Oui et non. S'ils ne sont pas avec eux, c'est qu'ils agissent seuls, et à dire vrai, si chacun commence à mener sa petite vie de son côté, ça risque de vite devenir ingérable.

Sans rien ajouter, elle dépassa les deux garçons d'un pas énergique, et s'engouffra par les grandes portes du bâtiment principal de la base. Le vent dehors était terrible, et la faisait frissonner malgré son équipement adapté à la saison. Alors même que la morsure du froid la faisait trembler, elle n'aurait su dire si ses frissons n'étaient dû qu'à la température, ou bien à l'angoisse de mettre le doigt sur quelque chose qu'elle redoutait.

Parée d'un masque neutre et glaçant, elle remonta le couloir principal du bâtiment, s'arrêta devant une porte ouverte par laquelle elle avait aperçut Vasco, penché sur un écran d'ordinateur, concentré.

— Je me rappelle qu'un jour, Amali m'a glissé que tu avais quelques troubles de l'attention, souffla t-elle en s'approchant. Dommage que je n'ai plus son numéro pour lui envoyer une photo là tout de suite.

— C'est ce que le psy scolaire avait conclu à la suite de notre entretien. Ni lui, ni mes profs, ni mes gros cons de parents n'avaient capté que si j'écoutais pas, c'était juste parce que j'avais pas envie d'écouter.

Jelena sourit, vint s'asseoir près du jeune homme afin de pouvoir jeter un œil sur le défilé d'images à l'écran. Des manifestations, des voitures en flammes, des hommes et des femmes à terre, tout un panel qui froidement, lui rappela les événements qui avaient suivi sa prise de pouvoir. Beaucoup de morts à déplorer, des deux côtés des affrontements, une destruction massive de biens publics, une montée en puissance de la haine et de la paranoïa.

— Sale époque, murmura t-elle.

— Qui a jamais vraiment cessée, répliqua Vasco. Si t'y regardes bien, ces trous du cul n'ont jamais vraiment arrêter de s'en prendre aux forces de l'ordre et à la milice. Et avec ces néo-nazis de Humanfirst en plus, ça risque de faire des étincelles.

— Tu penses que ça va reprendre ?

— En prenant en compte le fait que les résistants de Givors ont rien fait depuis plusieurs mois, mais qu'on décompte plus de seize meurtres de mutants par tes soldats et les pourritures de Humanfirst seulement le mois dernier... soi ils ont raccrochés mais j'en doute fort, soi ils préparent un gros truc et à ce moment-là, il vaudra mieux déployer tes forces pour contenir la crise.

— En ajoutant Amali à la crise...

Vasco se recula, se tassa sans tenu au fond de son fauteuil à roulettes, les bras derrière la tête, les yeux levés vers elle :

— Amali est pas problématique en elle-même. C'qui peut l'être en revanche c'est sa manie de toujours se fourrer dans des situations pas possibles et d'y entraîner les autres. Et par les autres j'entends bien sûr Superman aka Jon, Persuasion aka Eden, Volverine aka Iverick, et Jean Gray aka Erwan.

— Bonne maîtrise des comparaisons je te félicite.

D'un haussement de sourcil, il lui notifia sa déception à sa dernière remarque, avant de retourner au clavier de son ordinateur.

— Ce que je veux dire, c'est qu'on a beau se voiler la face, ils ont tout de même de bons éléments de leur côté. Et même si tu nous as implicitement demandé de travailler le combat à l'arme blanche pour défoncer Jon au cas où, il n'en reste pas moins que juste pour être à sa portée, il va falloir se lever tôt.

— Tu t'inquiètes ? s'enquit-elle.

Vasco grinça des dents, se mordit pensivement la lèvre avant de hocher la tête de haut en bas, tendu.

— J'ai pas envie d'avoir à leur faire du mal.

Jelena ouvrit la bouche pour répondre, lorsque derrière eux s'éleva la voix d'une femme, forte et puissante, les informant que Eden et Erwan étaient apparus sur les caméras de surveillance de la mairie de Ampuis, dix minutes plus tôt.

D'un soupir, Jelena se redressa, resserra sa ceinture avant de rejoindre la militaire porteuse de nouvelles.

— Combien de temps d'ici à Ampuis ?

— Avec le peu de voitures en circulation, moins de trente minutes madame.

— Vasco debout, ordonna t-elle en se retournant.

D'un bond, le jeune homme fut prêt à partir, le regard gorgé d'incertitudes bien que sa position de bras droit l'empêche de témoigner de son hésitation face à sa chef.

— On va aller attraper Eden, en avant.

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