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Mercredi 30 mars 2024, 15h19

   Dans la cour du complexe militaire, c’était le chaos. Dans un sens, les corps qui se battaient, se liaient avant de se défaire brutalement, armes en main, dons au bout des doigts, rappelaient étrangement à Erwan, l’affrontement qui avait eu lieu sur la place Bellecour deux mois plus tôt. Jon avait disparu, à peine arrivé sur le site de la base militaire pour aller retrouver Amali, lui demandant explicitement de désarmer un maximum de Humanfirst qui, depuis leur arrivée, tiraient sans distinction sur résistants et soldats du Phoenix.

Lorsqu’ils étaient revenus au foyer, accompagnés de Vasco, Yannick et Iverick n’en avaient pas cru leur yeux. Eden et Jon leur avait expliqué ce qu’il s’était passé, brièvement, avant de comprendre aux regards des deux hommes que quelque chose de bien plus grave que la simple présence de Vasco les tourmentait. Yannick leur avait parlé du coup de file de Jennifer, et de son silence depuis : elle ne répondait plus au téléphone, ni elle ni ses collègues, ce qui les ébranlait grandement. Alors, Eden avait insisté, malgré sa petite altercation avec Jon, pour que celui-ci se concentre sur les battements de cœur de Amali : et les voilà, partis dans la foulée pour se retrouver au cœur du combat, à la recherche de Amali, à la recherche du calme entre les trois groupes qui s’affrontaient.

Alors qu’il gardait en lévitation une quantité non négligeable d’armes en tous genre subtilisés à leur détenteurs autour de lui, Erwan finit par s’éclipser de la zone de combat principale pour rejoindre un entrepôt isolé où il savait que Jennifer rangeait bon nombre d’armes et de munitions. L’endroit, assez excentré par rapport à la cour où se livrait la lutte des trois groupes lui permit de souffler un peu. Depuis qu’il avait surpris Jon et Vasco dans la forêt, il n’avait pas pris le temps de reprendre sa respiration. Le dos voûté, il prit quelques minutes pour que son cœur se calme, avant d’ouvrir les portes de l’entrepôt pour y déposer les armes. Minutieux, il entreposa chaque arme dans le compartiment qui lui était dédié, avant de se mordre la lèvre, songeant au combat qui devait toujours battre son fort, sans lui. Il ne devait pas traîner, bien que l’envie de s’enfermer dans l’entrepôt ne lui déplaise pas.

Alors qu’il faisait volte face pour ressortir de l’entrepôt, son cœur revenu au calme se remit à battre la chamade car dans l’encadrement des portes se tenait Théo, bras croisés.

— Je me disais bien que je t’avais vu te barrer par ici, lança le soldat d’un ton amusé.

Prit de court, et par instinct de survie, Erwan leva les mains, paumes ouvertes, et envoya Théo s’écraser contre l’un des murs de l’entrepôt, dans un fracas de taule et un cri étouffé.

Erwan regarda un instant son ancien camarade écroulé au pied du mur avant de se mettre à courir vers les portes lorsqu’une brûlure, aussi soudaine que saisissante, commença à remonter le long de ses bras nus. Surpris, son regard convergea vers Théo qui à nouveau droit sur ses pieds, portait dans ses yeux l’éclat tant caractéristique de son don en action, d’un brun clair éclatant.

— Je m’attendais plutôt à un « Comment tu vas Théo depuis le temps ? Au fait, merci pour m’avoir sauver le cul l’autre jour à Bellecour », mais me faire jeter contre un mur m’ira très bien.

Erwan grinça des dents, tenta de se soustraire à la brûlure qui se faisait pourtant de plus en plus forte, plus il se rapprochait des portes. Un peu comme si la sortie ne devait jamais être atteinte.

— Arrête ça, lança t-il d’une voix étranglée.

— Oh, ça pique un peu j’imagine ? Essaye pas de sortir de cet entrepôt, on va discuter tous les deux.

— J’ai rien à te dire espèce de psychopathe !

— Ose réutiliser ton don sur moi, et je rendrai ton corps méconnaissable, est-ce que c’est clair ?

Comprenant rapidement que sa seule option était la fuite - par un autre endroit que l’entrée principale - Erwan calcula rapidement une esquisse de plan dans sa tête, fit léviter une arme jusqu’à lui, avant de se mettre à courir dans la direction des escaliers qui le méneraient à la première passerelle métallique qui longeait les murs de l’entrepôt.

D’un sourire amusé, Théo l’imita, attrapa deux armes qu’il glissa à sa ceinture, avant de dénouer les muscles de son cou pour se mettre en chasse.

— Laisse-moi deviner, reprit-il en talonnant Erwan, tu m’en veux pour avoir blessé Ariel ?

Face au manque de réaction de Erwan, il soupira et roula des yeux, mélodramatique :

— La petite sirène ! Ariel la petite sirène, elle est muette dans le film, tu te rappelles ? Tu as aucune culture Erwan, c’est fou !

Sans se presser, il observait Erwan enchaîner les paliers d’escaliers : au nombre de six dans l’entrepôt, il en avait d’ores et déjà parcourut la moitié et il savait bien ce que son ancien camarade comptait faire : sauter par les fenêtres du dernier étage pour l’empêcher de le suivre. Il ne lui en laisserait pas l’opportunité. D’une main, il relança une vague de radiations en direction de Erwan qui surprit, laissa un cri douloureux lui échapper. Sous l’étonnement, il trébucha, sentit sa cheville craquer en se tordant entre deux marches d’escalier, mais ne s’arrêta pas pour autant.

— Alors ? C’est pour ça que tu fais la gueule ou pas ? C’est à cause de Eden ? Je comprends pas ce que vous lui trouvez pour tous être à ses pieds comme ça ! C’est vrai quoi,entre toi, Jon, et ce traitre de Vasco, y’en a pas un pour rattraper l’autre !

Le souffle court, Erwan se jeta dans une nouvelle salve d’escalier, s’éloignant toujours plus du rez-de-chaussée et de ses sorties. Les membres lourds et endoloris, il avait du mal à progresser, se savait bien moins rapide que Théo qui, en-dessous de lui, le suivait en marchant. Comme pour le narguer, lui rappeler que quoi qu’il fasse il ne pourrait pas lui échapper et qu’il ne servait donc à rien de courir. Marche après marche, il tentait de faire abstraction des brûlures qui cuisantes, continuaient de brûler son dos, ses bras,, ainsi que sa cheville foulée qui à chaque nouvel impact hurlait à la mort.

— Allez, arrête de courir comme ça ! C’est ridicule !

À la simple entente de la voix rauque et grinçante de Théo, il redoubla d’efforts, ravala ses larmes de douleur et de fatigue, se rattrapa de justesse après avoir à nouveau trébuché sur une marche.

Avec l’énergie du désespoir, il continuait de sprinter le long des passerelles métalliques, de tenter d’ouvrir chaque nouvelle porte qui se présentait à lui, en vain : il aurait bien sûr pu les ouvrir avec son don, mais la douleur couplée à la fatigue le rendait presque inapte à faire léviter quoi que ce soit, à son grand damne.

— Erwan !

La voix, toute proche, trop proche, précéda une nouvelle vague brûlante qui courut le long de ses chevilles. Théo se tenait juste derrière lui, paumes ouvertes dans sa direction.

— Non, non, non…, murmura t-il en tentant d’attraper l’arme qu’il avait cru bon d’emporter avec lui.

À peine ses doigts s’étaient-ils refermés sur la crosse que la brûlure devint insoutenable, bien trop douloureuse pour qu’il puisse agir en l’ignorant. Ses doigts à la peau irradiée, cloquée, se dessérèrent d’un coup, laissèrent retomber l’arme sur la passerelle dans un choc métallique qui amusa Théo, un instant. Le sourire aux lèvres de son ancien camarade le fit craquer : dans un hurlement de douleur, il s’écroula à genoux, le visage noyé de larmes, le souffle haché.

Amali, à proximité de l’entrepôt, reconnut clairement le timbre de Erwan dans le hurlement guttural qui secoua les murs de métal.

— Erwan, s’affola t-elle.

Dans un sprint, elle rejoignit l’entrepôt, passa les portes principales, le cœur au bord des lèvres. Elle avait quitté Jelena quelques dizaines de minutes plus tôt, l’ancienne militaire désireuse d’aider ses soldats à se soustraire des griffes des Humanfirst. Pour sa part, elle n’avait eu de cesse de chercher Erwan et, voilà qu’elle le retrouvait, aux prises avec Théo. Sans hésiter, elle s’engagea dans les escaliers, gravit trois paliers sans problèmes tandis que Erwan, quelque peu revigoré par son arrivé, avait entamé la redescente des marches métalliques dans une course maladroite et douloureuse. Théo, à la limite de l’insultant, le suivait en marchant, les bras croisés derrière la tête.

— Erwan ! s’époumone t-elle pour l’encourager, voyant bien sa difficulté à avancer.

Théo, en l’entendant hurler, releva la tête dans sa direction pour la dévisager, avant de remonter ses lunettes sur son nez avec désinvolture :

— Amali ? Qu’est-ce que tu fous ici ?

— Laisse-le tranquille, grinça t-elle en retour.

À bout de souffle, elle parvint finalement à atteindre le quatrième palier au moment où Erwan l’atteignait à son tour. Tremblant des pieds à la tête, l’adolescent la rejoignit en titubant, vint se blottir contre elle, tout en essuyant ses larmes à l’aide du bas de son tee-shirt. Horrifiée, Amali découvrit ses bras à la peau brûlée, ses doigts rouges et cloqués qu’elle devinait affreusement douloureux.

— Hé Erwan, souffla t-elle en embrassant les cheveux du plus jeune. Ca va aller ? Tu vas pouvoir me suivre ?

Il hocha doucement la tête, ravalant un sanglot qui menaçait de franchir ses lèvres à tout moment, tant la présence de la jeune femme le rassurait tout en l’affolant : Théo était si imprévisible que chaque nouvelle personne présente courrait le risque de se voir blessée às on tour.

— Et vous comptez aller où sérieusement ?

Plus par nécessité de mettre Erwan en sécurité que par envie de véritablement faire feu sur son ancien jeune, Amali dégaina l’arme que lui avait donnée Jelena avant qu’elles ne se quittent, et pointa le canon dans la direction de Théo. Elle ne voulait pas le blesser, mais s’il l’y obligeait, elle ne pourrait pas faire autrement.

— N’approche pas ou je tire, menaça t-elle.

Ses mains tremblaient quelque peu autour de la crosse de l’arme, et elle savait que Théo pouvait le voir.

— Quoi ? Tu vas vraiment me tirer dessus ? Y’a pas genre un truc dans votre code d’honneur de l’éduc qui vous interdit de blesser les enfants dont vous vous occupez ?

— Je suis plus ton éducatrice, siffla t-elle.

Faussement touché par ses mots, Théo leva une main à son cœur, mima une grimace de douleur, avant de couiner d’un ton plaintif :

— Amali tu me blesses, mon cœur saigne.

S’en suivit un rire rauque et éraillé, qui pétrifia la jeune femme : Théo lui faisait peur, il la terrifiait même. Car, à l’inverse d’un Vasco ou d’une Jelena qu’elle savait encore capable d’hésitation et de réflexion avant de porter le coup fatal, Théo lui ne semblait plus être en capacité d’émettre le moindre discernement. Tout en gardant l’arme pointée sur Théo, elle fit un pas en arrière, attrapa Erwan par la nuque pour bien capter son attention, et lui désigna sans mot dire les escaliers derrière elle. Théo, qui s’était remis à avancer malgré la menace de l’arme, observa d’un œil intrigué la façon presque maternelle qu’avait son ancienne éducatrice d’utiliser son corps comme barrière entre lui et Erwan.

— Pourquoi tu es si froide avec moi Amali ? s’enquit-il d’un ton mielleux. Pourquoi moi je ne mérite pas ta protection ? C’est pourtant avec moi que tout a commencé tu te rappelles ? La pharmacie, le centre-ville…

Amali ravala sa salive, tenta de garder une prise correcte sur l’arme, bien que les souvenirs ressurgissants la déstabilisent grandement. Aux mots de Théo, elle revoyait l’enfant qu’elle avait aimé jadis, son sourire et ses grands yeux derrière ses épaisses lunettes.

— Théo arrête maintenant.

— C’est parce que je suis parti avec Jelena c’est ça ? Non, non ! Je sais ! C’est parce que j’ai ouvert la jolie gorge de Eden pour enfin lui couper le sifflet ? Fais pas genre, on en rêvait tous.

—Tu te rends compte de ce que tu dis ?

— Je me rends surtout compte qu’au final, tu as toujours eu des préférences.

Sentant la situation virée toujours plus à leur désavantage, Amali poussa plus fermement Erwan vers les escaliers, l’intima de vite rejoindre la sortie. L’adolescent, chercha son regard, tenta d’expliquer sans mots pourquoi il ne vouait pas la laisser là, pourquoi c’était une mauvaise idée. Cependant, lorsque ses yeux captèrent enfin ceux de son ancienne éducatrice, il comprit qu’il n’avait d’autre choix que de partir, que d’un claquement de doigts, la Amali qui les avait évacués du Phoenix cinq ans plus tôt, qui avait roulé sur des manifestants, et qui s’était opposé à une dizaine de forces de l’ordre dans l’Ain, était revenu. Dans ses yeux brûlait la détermination de celle qui, contre vent et amarré, les avait protégé, avait toujours fait de son mieux pour les sortir de toutes les situations difficiles dans lesquelles ils s’étaient fourrrés. Au ralenti, il sut que si elle ne tuait pas Théo, elle rendrait tout du moins sa progression plus difficile en l’handicapait à l’aide de son arme.

Alors il partit, courut aussi vite que son corps meurtri le lui permettait. Sans s’arrêter, il dévala les marches, sentit le début d’une morsure de brûlante avant qu’un coup de feu ne retentisse. Elle le protégeait, encore et toujours. Accélérant encore un peu, il gagna bientôt les portes de l’entrepôt, et s’arrêta. Saisit par l’angoisse, il fit volte-face, et considéra Amali, toujours piquée face à Théo, solide et prête à faire feu.

— Tire-toi d’ici ! S’époumone t-ele en le voyant hésiter.

—Quelle héroïne tragique tu fais Amali. Mettre Erwan en « sécurité » alors qu’ici, c’est le seul à pouvoir éventuellement vous éviter de finir grillés comme des merguez… ! Tu sais, c’est pas ton petit flingue qui m’empêchera de vous cramer tous les deux si l’envie m’en prend.

— Alors pourquoi tu nous crames pas maintenant Théo ? Hein ? Vu que tu es si fort et si déterminé, pourquoi là, tout de suite, tu lèves pas tes mains pour nous irradier Erwan et moi ?

— Tu m’en crois pas capable ?

Erwan en bas, continuait de suivre l’échange lorsque les portes se rouvrir sur Jon et Nathan, haletant. Jon s’arrêta brusquement en considérant Amali aux prises avec Théo et, sans le vouloir, fut celui qui scella le sort de la jeune femme. Distraite par son arrivée, et soucieuse de la sécurité de Erwan, elle lâcha Théo des yeux une seconde, ce qui permit au jeune homme de lancer une vague brûfante sur la jeune femme. Sous la douleur, comme Erwan quelques minutes plus tôt, elle lâcha son arme tandis que Théo, dégainait l’une des siennes :

— Say hello to Jason, chaton a t-il dans un sourire.

Puis, les coups partiren, trois tirs, trois coups sur la gâchette : l’abdomen, la poitrine et, comme rappel de son dernier crime, la gorge.

Au rez-de-chaussée, elle t’entendit distinctement les hurlements de Erwan et Jon. Tétanisée par la douleur et le choc, Amali tenta tout de même de reculer, une main crispée sur son abdomen, là où la balle avait provoquée la plus grosse hémorragie. Son autre main, à sa gorge, lui fit comprendre l’horreur que Eden avait dû ressentir lorsque sans pitié, Théo lui avait arraché les cordes vocales.Elle recula, encore et encore, songea aux jeunes qu’elle laissait derrière elle et, soudain, sentit la rambarde en métal qui la séparait du vide contre ses reins. Son corps, rendu lourds et maladroit par la douleur, ne parvint pas à se stabiliser et, sans qu’elle ne puisse y faire quoi que ce soit, elle se sentit chuter en arrière, tout droit dans le vide. En chutant, elle repensa à Jon et Erwan, qui n’avaient pas bougés, et qui étaient désormais à la merci de Théo. Sa dernière pensée quant à elle, fut de songer à Jason, et à la terreur infinie qu’il avait dû ressentir en plongeant dans le vide avec son minibus. Car, si la chute en elle-même ne faisait pas si peur, l’impact en revanche, a le don de tétaniser.

    Le craquement ignoble du corps de Amali percutant de plein fouet le sol en béton de l’entrepôt, resterait à jamais gravé dans l’esprit de Jon. Ce bruit presque irréel, celui de la fracture des os, de la chair, de la vie qui, d’un seul coup, quittait le corps. Un instant, le monde se figea autour d’eux, comme si quelqu’un avait appuyé sur le bouton « pause » d’une télécommande. Entre incrédulité et horreur, les trois anciens jeunes du Phoenix fixaient leur éducatrice, étendu d’une façon désarticulée au milieu d’une petite flaque de sang carmine qui de seconde en seconde, s’élargissait. Jon battit des cils, espérant que lorsqu’il rouvrirai les yeux, il n’y aurait plus de corps à quelques mètres de lui. Il n’en fut rien : la seule différence était la taille de la flaque de sang.

— Qu’est-ce que…

Erwan fut le premier à réagir, à sortir de la torpeur : il secoua la tête, comme pour se sortir d’un mauvais rêve, avant de clopiner jusqu’à son éducatrice.

— Amali ?

Accroupit près d’elle, il lui tapota l’épaule du bout des doigts et, face à son manque de réaction, empoigna l’un de ses poignets pour tirer dessus.

— Amali… ?

— Erwan, souffla Jon, la voix blanche. Amali…

Le plus jeune se retourna vers lui, haussa un sourcil incrédule, le somma de continuer :

— Son cœur ne bat plus, hoqueta t-il.

— Si si, elle a bougé quand je me suis rapproché !

Quatre paliers plus haut, Théo fixait la scène d’un air divisé, la lèvre entre les dents : venait-il vraiment de tuer Amali ? Des fourmillements au bout de ses doigts et une gorge sèche l’interrogèrent, il se sentait étrangement mal.

D’un œil suspicieux, il regarda Jon se rapprocher de Erwan, s’accroupir auprès de Amali. Doucement, il fit lâcher prise au plus jeune, vérifia tout de même le pouls de la jeune femme, bien que sachant pertinemment que toute vie était déjà partie. Il le savait au son creux dans sa poitrine, là où aurait dû battre un cœur encore jeune et vaillant.

Théo vit Jon relever la tête dans sa direction, le transpercer d’un regard où brulait une haine qu’il ne pouvait quantifier. Comme un brasier hors de contrôle, tout dans son regard lui promettait une mort douloureuse, qu’il ne s’autorisait pas à lu infliger dans l’instant, par la seule présence de Erwan, et du corps encore chaud de Amali à ses pieds. D’une promesse muette de se revoir pour finir le travail, Jon se redressa, passa ses bras sous le corps de Amali pour la tenir contre lui, poids mort et inerte qui manqua lui arracher un haut-le-cœur.

Erwan près de lui, s’était redressé à son tour pour considérer le meurtrier d’un air halluciné, entre l’horreur viscérale et l’incompréhension la plus totale.

— On y va, murmura Jon en faisant signe à Erwan de prendre son bras.

Il vit à la torsion du visage du plus jeune qu’il était à deux doigts de fondre en larmes mais, qu’il se retenait, vaillamment.

Sous le regard de Théo, immobile depuis ses trois pressions sur la gâchette, les deux résistants sortirent du bâtiment et, après que Erwan fut monté sur le dos de Jon, disparurent dans les airs après un bond.

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