Chapitre 17 : Un pacte avec les ombres (chapitre remanié)

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– Quelle magnifique voix tu as ! me dit l’homme masqué sans préambule. Si pure, si angélique ! Ton chant était tellement beau que je n’osais pas t’interrompre…

– Merci pour le compliment.

 Courage, Nêryah, me galvanisai-je, ne te laisse pas impressionner !

– Pourquoi tes cheveux sont-ils mouillés ? me demanda-t-il, surpris.

 Je passai mes doigts sur mes mèches humides.

– Ah… ça. C’est une longue histoire.

 J’entrepris de les nouer en une tresse. Sèvenoir me regarda faire, sa tête légèrement inclinée sur le côté, attentif.

– Apprécies-tu le charme de cet endroit ? Une belle reproduction d’un monument Terrien, n’est-ce pas ? J’ai scellé le temple à l’aide d’un sort très puissant. Avorian ne pourra pas venir te chercher.

 Je terminai ma tresse, dédaigneuse.

– Comment savez-vous que j’étais avec lui ?

– Qui d’autre que lui viendrait te chercher en fabriquant un transgèneur ? Cette magie n’est pas à la portée de tous.

 Il parlait de la même façon qu’Avorian. Ces deux curieux personnages semblaient s’admirer l’un l’autre. À travers leurs paroles, je les sentais presque fascinés par leur puissance magique respective.

– Comment te sens-tu, Nêryah ?

 Sa question me dérouta. Au point que j’y répondis en toute sincérité, comme s’il s’agissait d’un ami :

– Mal ! Entre ces transgèneurs épuisants – à cause de vous – et mon adaptation difficile aux ondes d’Orfianne, mon corps me fait souffrir !

– J’oublie souvent que tout le monde n’a pas la faculté de se téléporter, sans aucune séquelle.

– Parce que vous, vous pouvez ? Avorian m’a pourtant répété que c’était très dangereux !

– Oui. Je le peux grâce à mon maître.

– Votre maître ?

– Un être des ombres, très puissant.

– Quoi ? Pendant que les peuples de cette planète subissent leurs méfaits, vous pactisez avec eux ?

– Ah… si c’était aussi simple. « C’est une longue histoire », pour te reprendre. Assez parlé de moi !

 Devant mon regard méfiant, il ajouta :

– Nêryah, j’essaie simplement de comprendre qui tu es. Comment as-tu pu rester si longtemps sur Terre ? Tu ne cicatrises pas et ne sembles pas pouvoir utiliser le fluide, cela signifie que tu devrais être Terrienne. Pourtant, tu viens d’Orfianne à l’origine. Or, un Orfiannais ne peut pas supporter les ondes terrestres, tout comme un humain ne tiendrait pas plus de deux minutes sur notre planète, à cause de ses vibrations.

– Mais vous l’avez fait… vous êtes venu sur Terre me chercher, signalai-je.

– Je suis resté quelques secondes, une minute, tout au plus. Tu es capable de vivre sur les deux mondes. Cela fait de toi un être extrêmement précieux.

 Je me sentais presque désolée pour lui. Comment se faisait-il que cet homme masqué ait mis sa vie en péril pour moi ?

– Je sens que tu ne me dis pas tout, Nêryah. Je lis dans tes pensées. Elles sont si limpides !

 Une partie de moi désirait vraiment l’aider à comprendre mon identité, nous recherchions la même chose. Mais cet homme avait apparemment pactisé avec des êtres des ombres ! Comment lui faire confiance ? Il fallait vite que je sorte d’ici !

 Je savais comment le surprendre. Sèvenoir venait tout juste de me donner la solution : il ne me pensait pas encore capable d’utiliser le « fluide ».

 Capter la magie d’Orfianne. Utiliser les énergies de type Yin et Yang. Polariser ainsi la matière dans mes mains, me remémorai-je.

 Armée de mon seul courage, je créai dans mes paumes une boule de lumière bleue, pouvoir que je maîtrisais de mieux en mieux, et la projetai de toutes mes forces contre lui. Il l’esquiva sans difficultés. Ma magie s’éclipsa d’elle-même, sans doute trop faible pour pouvoir perdurer. Je manquais certes d’expérience ; je voulais juste l’intimider.

– Eh bien ! En voilà des manières : attaquer sans prévenir ! Merci pour cette première réponse, Nêryah. Tu peux donc utiliser le fluide d’Orfianne, malgré ton séjour sur Terre. Alors, c’est tout ce que tu peux faire ?

 Sur ces mots, il me jeta une sphère rouge, de la taille d’un ballon. De la fumée noire circulait à l’intérieur. Je l’évitai de justesse, mais au lieu de s’écraser contre le mur, elle revint vers moi. Sans réfléchir, je projetai un autre globe en direction du sien. Raté ! Peine perdue ! Son pouvoir allait inéluctablement m’atteindre ! Je me recroquevillai, effrayée. Sèvenoir réagit instantanément. Il lança un fin lacet lumineux contre sa sphère pour m’en protéger. Grâce au lasso magique, au lieu de me toucher, elle se déporta sur un côté. L’homme masqué exécuta un large mouvement de ses bras, son sort disparut sur-le-champ.

 Je réalisai alors ce que je venais de faire.

 Il me provoque, je ne dois pas m’abaisser à son jeu.

 Ma propre audace me mettait en danger ! Mes genoux tremblèrent, ployèrent sous mon poids. Je me redressai, chancelante. Ce simple mouvement me donna des vertiges.

 Sèvenoir avança lentement vers moi. Je l’observai, le visage crispé, priant qu’Avorian vienne me sauver.

 Il enserra mes bras d’une seule main et les maintint en hauteur, vers ma tête, puis arracha d’un geste sec un pan du bustier de ma robe, au niveau du ventre. Il arrêta son mouvement, interdit.

– Comment est-ce possible ? souffla-t-il.

 Il sembla si surpris qu’il en relâcha mes mains.

 Complètement affolée, ma respiration se bloqua. Qu’allait-il me faire, encore ? Les yeux mouillés de larmes, j’inspirai une grande bouffée d’air, pantelante.

 Au lieu de poursuivre son curieux diagnostic, Sèvenoir se retourna soudain en criant. Une forme imposante venait d’apparaître derrière lui. Le lion ailé de tout à l’heure lui mordait l’épaule. Sèvenoir produisit une onde d’énergie pour faire reculer la chimère. Je découvris qu’Avorian se trouvait là aussi. Il jeta un regard glacial à mon ravisseur, qui se plaça juste devant moi, bien décidé à ne plus me perdre. Un puissant rayon lumineux déferla des mains du mage. Sèvenoir l’esquiva et riposta avec plusieurs sphères. Le lion, imperturbable, remua ses longues ailes, créant une violente bourrasque qui propulsa les globes pourpres contre une colonne proche de moi. Le pilier s’écroula sous l’impact. Je roulai sur un côté pour éviter les débris, ignorant ma peur, et m’élançai vers mes alliés. Sèvenoir employait toute son attention pour éviter leurs attaques simultanées.

 Avorian attrapa ma main. Nous commençâmes à nous éclipser. J’entendis au loin Sèvenoir déverser tout son courroux :

 « Soyez maudits ! Laissez-la moi ! Traitres ! »

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