Chapitre 32 : Voyage dans le désert (chapitre remanié)

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 Je me réveillai en sursaut. Avorian me considérait d’un air soucieux.

– Tu as eu un sommeil agité.

– J’ai rêvé de la destruction de cette planète… Et j’ai entendu la voix de Sèvenoir dans ma tête.

– Sèvenoir ? Est-ce que tu l’as vu ? s’empressa-t-il d’ajouter.

– Non, non. Il m’a parlé par télépathie.

 Avorian m’étudiait, le visage crispé. Je n’avais pas envie de lui révéler l’apparition de Sèvenoir.

– Qu’a-t-il dit ?

– Qu’il serait toujours là pour m’aider. Que des choses gentilles.

 Le mage redressa son buste et se détendit. Ses cheveux blancs mi-longs dansaient au gré du vent. Il scruta un moment le ciel, plongé dans ses réflexions intérieures, puis déclara :

– Ta présence semble le transformer. C’est inespéré ! Sa magie nous serait d’un grand secours. Jumelée à la tienne, vous pourriez faire des prouesses.

 Je me sentis découragée. Avorian me surestimait, et décelait en moi un potentiel pour le moins inexistant. Arianna et lui croyaient avoir trouvé leur sauveur, sous prétexte qu’apparemment, j’étais la seule capable de rétablir l’harmonie entre les deux mondes. Ils s’apercevraient vite de mon incompétence.

– Il m’a aussi révélé que la statue dans l’église, celle qui me ressemble, était en réalité une Gardienne de notre peuple.

– C’est vrai. C’était même une puissante Gardienne. Son vœu le plus cher était de se rendre sur Terre, et elle a tout entrepris pour le réaliser. Les créatures de l’ombre l’ont malheureusement emportée, avec les nôtres... Pardon de te presser, il faut reprendre la route. Un long chemin nous attend.

Sèvenoir n’a pas menti.

– C’est tellement dur d’être au milieu de tout ça ! me plaignis-je. N’existe-t-il pas un lieu de commémoration pour les Guéliades, avec les noms des membres de notre peuple ? Je pourrais peut-être y trouver un indice sur mes parents ?

 Avorian m’observa d’un air navré. Il posa une main sur mon épaule, en un geste qui se voulait réconfortant.

 Je me rendis compte de l’impertinence de mes propos : le mage était le seul survivant. Il ne pouvait pas connaître tout le monde. Il m’avait aussi confié auparavant qu’il ne restait plus rien de notre culture, pas un seul souvenir, rien à quoi se raccrocher.

– Hélas, à moi seul, je ne peux pas répertorier les membres disparus de notre vaste nation. Et puis, à quoi cela servirait-il ? Nous pouvons certes chanter et prier pour eux. Leurs âmes se sont déjà réincarnées. Les Guéliades vivent encore quelque part…

– Mais ne sont plus des Guéliades, ponctuai-je, frustrée.

 Je ravalai mes larmes et ma rancœur.

 Après un petit-déjeuner bien trop léger à mon goût, nous marchâmes en silence, perdus dans nos pensées. Le paysage rocailleux laissa place à une immense étendue sableuse, de nouveau de cette belle teinte curcuma.

 Pas un arbre, pas une plante à l’horizon.

 Le soleil devenait insupportable, sa chaleur, étouffante. Nous nous arrêtions tous les quarts d’heure pour boire un peu d’eau. Il fallait pourtant se restreindre dans ce milieu hostile.

– Avorian, je ne sais pas quelle température il fait, c’est une vraie fournaise ! soupirai-je.

– Nous entrons dans le désert de Gothémia. Il va faire de plus en plus chaud, courage !

 Combien de temps va durer sa traversée ?

– Je croyais que l’on était censés grimper en altitude pour rejoindre le Royaume de Cristal.

– Oui. Nous devons d’abord traverser ce désert, puis atteindre la forêt de Lillubia et enfin, les montagnes, au Nord d’Orfianne. Il existe une autre route, mais je dois absolument récupérer quelque chose ici…

– Ah oui ? Eh bien moi je crois qu’on ne pourra jamais arriver aux montagnes : on sera calcinés bien avant !

– Alors cesse de te plaindre et préserve ta salive, si tu ne veux pas cuire trop rapidement, répliqua Avorian d’un ton cynique.

 Je n’osais le questionner à propos de cette « chose » qu’il devait à tout prix récupérer. Secret, taciturne, Avorian devinait tout, on ne pouvait cependant rien extirper de lui.

– Et puis, ajouta-t-il d’un ton énigmatique, il y a quelqu’un là-bas que tu as très envie de rencontrer.

 Le mage m’adressa un beau sourire.

– Mais oui ! Comment n’ai-je pas pu faire le rapprochement ! Nous allons voir la femme qui m’a allaitée.

 Une mer de sable s’étendait à perte de vue. Les nappes de chaleur troublaient le panorama, et faisaient trembler les dunes. Le bleu profond du ciel affleurait l’ambre moiré du sable brûlant. Le vent emportait dans son souffle les grains dorés en une danse spectrale.

 Perdue dans ma contemplation de l’horizon, j’entendis soudain un « crac » sous mes pieds. Mon regard se posa alors sur… un os. Avorian s’accroupit et balaya le sable, à la manière d’un archéologue.

– Qu’est-ce que c’est que ça ? grimaçai-je.

– Un squelette d’embanore. Une créature très résistante. Les Komacs s’en servent comme monture.

– Pas très rassurant, confiai-je. Si cet animal tenace a succombé, on n’aura guère plus de chance que lui.

– Contrairement à nous, les embanores sont dépourvus de talents magiques.

 Je posai mes mains sur les hanches, peu convaincue.

– Peut-être était-il tout simplement très vieux, comme moi, s’avança-t-il en prenant un ton malicieux, le sourire aux lèvres.

 Je me retournai pour reprendre la marche, sursautai, les yeux écarquillés de stupeur : au loin, un immense tourbillon de sable se dirigeait droit sur nous. Je tirai Avorian par la manche pour le lui montrer, incapable de parler. De violentes bourrasques soulevaient déjà le bas de son kimono, lui donnant l’air d’un épouvantail sans défense. Les rafales m’obligeaient à plier les genoux, comme pour me défier, et s’engouffraient dans le tissu léger de mon pantalon.

 Avorian ne réagissait pas ; je lui pressai le bras en criant :

– Courons !

 Ce déferlement de puissance allait inévitablement nous emporter.

– Non. Ça ne sert à rien, il nous rattrapera. Il faut vite créer un bouclier !

 La tornade se rapprochait à grande vitesse. Effrayée, je m’efforçais de rassembler toute mon énergie pour constituer un bouclier résistant, alors qu’Avorian venait de faire apparaître le sien en un clin d’œil. Mes mains refusaient d’obéir, trop crispées. Je me concentrai davantage en inspirant à fond. Une sphère transparente aux reflets bleutés jaillit de mes paumes. Nos écrans protecteurs se fondirent en un seul autour de nous.

 Le tourbillon infernal continuait sa course, inéluctablement, nous démontrant sa supériorité. Nous voilà face à une force de la nature dans toute sa splendeur ! me dis-je, aussi impressionnée que paniquée.

– Couche-toi au sol et accroche-toi ! s’époumona Avorian. Même fusionnés, nos boucliers ne tiendront pas, on risque d’être emportés ! Je vais tenter de le ralentir.

 Le bruit de la tornade couvrait le son de sa voix.

– Laissez-moi vous aider !

– Non ! Préserve tes forces, j’ai besoin de toi pour maintenir notre protection.

 Avorian positionna ses mains face au danger, projeta un puissant jet de lumière blanche. Sa magie passait à travers notre sphère sans l’endommager, et percuta la colonne de sable qui pivota alors un peu moins vite. Mon guide continuait à alimenter son rayon, sans discontinuité. Complètement affolée, je renforçais au mieux notre bouclier. La tornade progressait. Elle arriva jusqu’à nous, traversa notre dôme bleuté. Je posai mes mains sur ma tête en un geste instinctif. Je priai avec ferveur tous les Dieux et Saints que je connaissais – merci, Isabelle.

 Notre bouclier bougea, vibra, mais ne céda pas.

 Enfin, la terreur s’éloigna, entraînant des vagues de sable sur son sillage.

 Je me relevai doucement. Notre champ de force disparut. Je cherchai Avorian du regard et le trouvai étendu au sol ; il ne bougeait plus, paupières closes.

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