Chapitre 38 : Des pas dans le désert (chapitre remanié)

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 L’aube entrouvrait le ciel. J’enserrai le corps inanimé de mon ami, les joues mouillées de larmes.

 Mes membres tremblaient ; un gémissement m’échappa. Ces frissons d’abattement me donnaient l’impression que la vie me quittait à pas comptés. Du sang perlait à mes plaies – cela m’était bien égal. À bout de forces, je m’endormis sur lui, au milieu des cadavres. Leur odeur exécrable promettait de s’amplifier dès les premiers rayons du soleil.

 Un mal de crâne atroce me tira du sommeil. Cette chaleur suffocante me donna la nausée. Devant moi, une flaque de mon propre sang, absorbée par un sable devenu pourpre — horreur foudroyante. Je faillis m’évanouir. Tête tournante, éreintée, je luttais pour me ressaisir : non, pas maintenant ! Pour Avorian.

Je ne cicatrise pas comme je le devrais, me rappelai-je. Mon séjour sur Terre a altéré mes capacités.

 À quoi donc avait servi cette fichue grotte des Feux Sacrés, hormis à me gonfler de pouvoir ? À faire de moi une meurtrière, incapable de sauver l’être auquel je tenais le plus ?

 J’apposai mes mains sur mes plaies. La lueur verte jaillit de mes doigts et me soigna. Mais elle me vidait du peu de force qu’il me restait. J’avais terriblement soif et faim. Mon vœu de végétarisme m’empêchait de découvrir si la chair des Glemsics était comestible. Cette idée saugrenue me révulsa ; ces créatures me répugnaient.

 La canicule rendait la puanteur qui m’entourait insupportable. L’odeur attirerait certainement d’autres créatures immondes.

 Je tentai de guérir Avorian une dernière fois, refusant de baisser les bras.

 En posant mes mains sur son corps, ma vision se troubla. Je me sentais dans une sorte de rêve, au seuil de la mort. Pourtant, mon pouvoir régénérateur s’écoula de mes paumes.

 Rien ne se produisit. Aucune réaction.

 Je sanglotai, abattue.

 Même si mes blessures avaient cicatrisé grâce à la magie, je venais de perdre une grande quantité de sang, et ne tiendrais pas longtemps sans pouvoir me réhydrater.

 Je rangeai les deux gourdes vides dans mon sac et laissai la troisième, avec ses quelques gouttes d’eau, à côté d’Avorian, au cas où il finirait par se réveiller. Humectant ses lèvres, je partis marcher au hasard dans le désert, en quête d’eau.

 Je fis volte-face après seulement trois pas pour recouvrir son corps de tissus. Je ne voulais pas qu’il meure d’insolation si jamais ma magie se mettait à opérer en mon absence. Je m’approchai des Glemsics, repliai ma cape au niveau du nez pour me préserver de leur odeur abjecte, et sectionnai leurs piquants à l’aide de notre couteau de cuisine, louant mon bon sens. Je voulais les utiliser pour baliser le chemin, à la manière du petit poucet, afin de rejoindre mon malheureux compagnon avec de l’eau, si j’en trouvais. Je désirais secrètement qu’il soit encore en vie à mon retour, prêt à me donner ses directives.

 Comme avant.

  Le couteau, pourtant bien affûté, ne rendait pas la tâche moins ardue. Je tranchais, inlassable, jusqu’à obtenir assez de piques. Satisfaite, j’improvisai une tente au-dessus d’Avorian : je suspendis nos couvertures à deux piquants des Glemsics, créant une zone d’ombre pour le protéger des rayons cuisants. Geste parfaitement inutile, et même idiot, puisqu’Avorian était probablement mort.

 Je partis enfin, exténuée. Je risquais ma vie pour rien, mais c’était plus fort que moi. Je n’arrivais pas à abandonner l’espoir de le ranimer.

 Je répandis les aiguilles des Glemsics comme des balises sur mon chemin – mauvaise idée : le moindre coup de vent risquait de les ensevelir. Je plantai chaque pique bien droit dans le sable, la pointe enfoncée.

 La canicule me pliait en deux ; j’avançais chancelante, trop affaiblie par l’anémie.

 Pourquoi mon pouvoir guérisseur ne calmait-il pas la soif et la faim ? Une fois encore, j’en revenais aux miracles de Jésus-Christ, amère : il était définitivement bien plus utile de savoir multiplier les pains, de changer l’eau en vin – en l’occurrence, le vin (ou plutôt le sang de mes victimes) en eau. À quoi servaient mes dons, sinon à détruire ? Cette magie se destinait-elle uniquement au combat ? Je ne comprenais pas, et ne m’y retrouvais pas.

 Une demi-heure plus tard, je fis demi-tour, perdue dans les dunes. La fameuse fleur d’Arianna me revint en mémoire. Comment avais-je pu l’oublier ? Dans les moments désespérés, où tout semblait perdu, il suffisait d’arracher un pétale pour invoquer la Reine des Fées. Avorian serait sauvé !

 Je farfouillai ma sacoche, mais une sensation de vertige me cloua sur place. Mes jambes cédèrent ; une douleur fulgurante me transperça la tête. Je m’écroulai, harassée.

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