Chapitre 52 : Voyage au milieu des étoiles (chapitre remanié)
C’était beau.
La lumière, les étoiles… en dehors de l’espace-temps. Une perception de vitesse. Il n’y avait rien à comprendre, pas même besoin de réfléchir. Toutes les réponses venaient déjà à moi.
Mon esprit voyageait, à présent libre de toute contrainte. Mais… pourquoi maintenant ? Ne devais-je pas me battre pour continuer à vivre ? Indignée, mon âme fit le chemin inverse. Comme mon corps paraissait pâle, mon visage si blême, et mes lèvres exsangues. Pourtant… quelque chose me raccrochait à la vie.
En bas, Avorian se débattait avec rage. Il n’abandonnait pas.
Je devais revenir.
J’entrouvris les yeux. Un Métharcien me portait sur son épaule à travers la forêt, sans ménagement, comme on saisirait une vulgaire poupée. Mon ami, désormais attaché et vaincu, était toujours vivant. Je soupirai, soulagée.
Les monstres nous conduisaient vers un bâtiment creusé à même la roche. Les flammes des nombreuses torches dessinaient des ombres menaçantes sur les murs de pierre.
Mon porteur me déposa au fond de la cavité, aux pieds d’un autre Métharcien et s’agenouilla en signe de respect devant ce dernier. Son supérieur lui adressa un regard impitoyable. Les créatures restèrent muettes ; leurs paroles résonnèrent pourtant dans ma tête. Les Métharciens étant télépathes, cet état second me conférait peut-être une forme d’omniscience ?
« Les ombres la voulaient intacte ! Elles ne tolèreront pas un tel affront ! Tu n’as pas respecté les ordres, tu es responsable. »
« C’est une Guéliade, elle va vite cicatriser ! » se défendit le désigné.
« Tu vois un signe de guérison sur sa chair, peut-être ? »
Sur ces mots, il fit jaillir de sa corne centrale un puissant rayon doré qui trancha la tête de mon porteur.
J’observais la scène avec effroi, les yeux légèrement entrouverts.
Le sang coulait encore de mes blessures. Avorian, maintenu fermement par nos assaillants, ses mains écartelées pour qu’il ne puisse plus produire de magie, s’écria :
– Je peux encore la guérir ! Je vous en supplie, laissez-moi la soigner ! Il est encore temps !
« Oui, je veux bien te croire, mais tu pourrais ensuite utiliser tes pouvoirs contre nous. Je sais que tu es un grand magicien », lui répondit le chef par transmission de pensée.
Je percevais toujours chacun de leurs mots.
« Mais tu as raison, Guéliade. J’ai besoin d’elle vivante. Tu ne partirais pas sans elle, de toute façon. Vous, tenez fermement la jeune fille, ordonna-t-il en désignant deux gardes positionnés près de l’entrée. Et vous autres, à la moindre tentative de fuite, abattez le magicien. »
Il se tourna vers Avorian :
« Je te donne la permission de la soigner ».
Tandis que les sentinelles amenaient mon ami à mon chevet, d’autres empoignèrent mes bras.
Avorian prit une profonde inspiration. Il prononça des paroles dans la langue des Fées, dont je reconnaissais bien la consonance depuis mon séjour au village d’Arianna. Un rayon de lumière émeraude pénétra mes plaies. Le sang cessa de couler, les chairs se reconstituèrent peu à peu. Après quelques minutes, mes entailles à l’épaule se refermèrent complètement, sans même laisser de cicatrices.
Les yeux humides, mon compagnon farfouilla dans son sac et en retira sa gourde. Les gardes le surveillaient, aux aguets, se méfiant du moindre de ses gestes.
Il essaya – en vain – de me faire avaler de l’eau. Je ne pouvais même pas déglutir. L’expression de son visage reflétait un désespoir profond. Il plaça ses mains sur ma tête, déterminé à me rendre mon souffle.
Mais je sombrais dans les limbes. Impossible de revenir à la réalité.
« C’est malin… c’est trop tard », lui lança le chef d’un air dédaigneux, comme si tout était de sa faute.
– Non ! protesta Avorian, ne renonçant toujours pas. Elle ne peut pas mourir, elle n’en a pas le droit ! Nêryah est notre seul espoir ! La dernière…
Il ne termina pas sa phrase, le dos courbé, las de ces trop nombreuses épreuves. Le mage avait tout fait pour me sauver. Des Modracks, des ombres, des Glemsics, puis des Métharciens. Et il se retrouvait de nouveau seul.
Mon âme entendait ses appels, sa détresse, mais quelque chose m’empêchait de revenir, irrésistiblement attirée vers les étoiles. Je volais à une vitesse impressionnante, sans émettre la moindre pensée. Des lumières défilaient de partout. Je planais parmi les astres, dans le cosmos.
Au loin, je distinguais un magnifique royaume lumineux, d’une architecture époustouflante, indescriptible, au-delà même de notre imagination ou de notre conception de la beauté.
Ce palais céleste scintillait de mille feux, flottant au milieu du tout et du rien. Cet endroit m’aspirait comme un aimant. Une voix me retenait, suppliant que je revienne. L’être que je chérissais tant m’éloigna du captivant royaume. J’avais tellement envie d’y rester, d’y entrer ! Je stagnais dans l’espace, totalement hypnotisée.
Incapable de faire demi-tour, un ange aux longues ailes noires apparut au loin. Il tendit son bras vers moi pour m’aider à redescendre sur Orfianne. Je ne pouvais pas distinguer son visage, mais lorsqu’il s’approcha, mon esprit se stupéfia. Ce masque… si reconnaissable…
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