Chapitre 57 : Les Moroshiwas (chapitre remanié)

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la boue, la veille, avait malmené mes muscles. Le soleil pointait enfin son nez ce matin, fort heureusement pour Orialis. À la vue des rayons lumineux traversant le voile végétal, cette dernière bondit de notre petite maison. Je la suivis pour m’étirer. Elle grimpa le long de l’arbre avec agilité, le plus haut possible, puis se percha sur l’une des plateformes afin d’absorber un maximum d’astinas, cette fameuse nourriture indispensable à sa survie.

 « Bon appétit, Orialis ! » lui lançai-je.

 Elle me répondit par un petit signe de la main, le sourire aux lèvres.

 Une Moroshiwa vint à ma rencontre, un bol en céramique à la main. Elle me le tendit, et je bus un jus couleur vert olive, au goût sucré, rafraichissant.

 Quel regard pénétrant ! Ses incroyables pupilles jaune-or me fascinaient. En la remerciant, je regardai un peu partout autour de moi. Seuls six Moroshiwas nous accompagnaient. Cet endroit ne ressemblait guère à un village, mais plutôt à un point de ralliement. Je m’en ouvris à notre bienfaitrice, qui m’expliqua que leur peuple n’habitait pas ici ; il s’agissait d’un simple campement, provisoire. Nos quelques protecteurs surveillaient l’évolution des créatures de l’ombre dans cette forêt. En véritables gardiens de la nature et de ses habitants, ils s’assuraient qu’elles ne ressortent pas de Lillubia. Les plateformes qu’ils avaient construites dans l’arbre servaient de postes d’observation. Nos sauveurs nous avaient repérés depuis un moment, et assuré notre sécurité, à distance.

 Celle qui s’était occupée de nous se prénommait Imaya. Elle nous offrit un petit-déjeuner composé de légumes verts et de fruits. Nous nous assîmes par terre pour le déguster. Orialis et Avorian eurent droit à la délicieuse boisson que je venais d’avaler. Les cinq autres Moroshiwas vinrent nous saluer. Ils parlaient peu, en effet, et se montraient réservés, tout en prenant néanmoins soin de nous.

 Avorian leur évoqua notre quête et nos difficultés avec les M

– Tout va bien, ce sont les Moroshiwas ! lança Avorian.

 On m’empoigna par la taille et me transporta jusqu’à une branche, où je découvris deux magnifiques humanoïdes à la peau verte. L’un d’eux, suspendu par les genoux à la manière d’un trapéziste, m’aida à me hisser ; son comparse le soutint pour me soulever.

 Je portai mon regard vers l’arbre d’Orialis. Un autre Moroshiwa s’apprêtait à saisir Avorian. Le corps du mage s’éleva avec une légèreté surprenante, guidé par la poigne ferme de nos alliés. J’étais sidérée par leur force, fascinée par leurs yeux jaunes, brillants comme de l’or. Des fougères semblaient pousser à la place de leurs cheveux.

 J’en dénombrai quatre : deux silhouettes féminines drapées de larges feuilles – brassières et jupes de verdure – tandis que les hommes se contentaient d’un simple pagne végétal. Nos sauveurs fermèrent leurs paupières à l’unisson. Un halo doré apparut, s’élargit et nous enveloppa. Nous nous retrouvâmes prisonniers d’une sphère géante qui vibra. Je laissai échapper un petit cri au moment du décollage. Les Moroshiwas m’invitèrent à m’asseoir sur cette étrange substance, un doux sourire aux lèvres. Leur bienveillance me rassurait.

 Avorian et Orialis étaient à bord d’une deuxième bulle, voyageant avec les deux autres. Nos sphères lévitaient jusqu’à la canopée. Au bout d’une heure de vol sous un ciel crépusculaire, elles entamèrent enfin leur descente.

 Ô splendeur ! Je distinguais en contrebas une habitation ronde, sertie au cœur des arbres. De larges plateformes s’étendaient au niveau des branches. Nos bulles arrivèrent enfin à destination, se posèrent délicatement sur le sol de la forêt. Elles disparurent dans un éclair fulgurant. Sans un mot, l’une des Moroshiwas nous fit signe de la suivre. Mes amis me rejoignirent.

 Après quelques pas, nous arrivâmes à un point d’eau. Notre guide nous invita à nous laver – nous étions couverts de boue. Sa longue chevelure végétale aux petites feuilles lancéolées ruisselait jusqu’en bas de son dos. Ses lèvres mauves tranchaient sur son teint jade.

 Nous la remerciâmes tout en ôtant nos vêtements, bien trop sales et épuisés pour être gênés par notre nudité.

 J’entrai dans la petite mare. L’eau était claire et froide, pour ne pas dire glaciale. J’inspirai à fond, pris mon courage à deux mains et m’immergeai. Un petit cri m’échappa, transie de froid. Nous frottions vigoureusement nos corps maculés de terre – objectif : en finir le plus vite possible avant d’être congelés.

 Il me restait une bonne quantité de savon et de shampoing solide ; et même la précieuse huile nourrissante offerte par Kaya. Je sortis promptement de l’eau, me séchai avec ardeur.

 Notre guide nous entraîna ensuite à l’abri : une maisonnette en bois coiffée d’un toit de plantes tressées. L’ensemble ressemblait à une charmante cabane forestière. À l’intérieur, point d’objets ni de meubles ; seulement un vaste espace pour dormir, tapissé d’une mousse qui, rien qu’à la vue, semblait fort moelleuse.

– Reposez-vous ici.

– Merci de nous avoir protégés, dit Avorian.

– Merci à vous de protéger Orfianne, nous répondit-elle. Mangez avant de dormir. Nous veillerons sur vous cette nuit, et demain, vous reprendrez la route vers des terres plus sûres.

 Nous la remerciâmes, louant sa bonté. Elle nous tendit quelques fruits orangés, puis quitta notre logis en refermant doucement le rideau végétal qui servait de porte.

 Nous dévorâmes les fruits et nous allongeâmes sans tarder, gagnés par le sommeil. Je ne réalisais pas ce qui venait de se produire tant je me sentais épuisée. Je m’enfouis dans les bras d’Orialis, trouvant auprès d’elle un peu de chaleur et de réconfort. La Noyrocienne resserra son étreinte en posant sa tête contre moi.

 Malgré la mousse duveteuse, je m’éveillai courbaturée. Notre bataille contre la boue, la veille, avait malmené mes muscles. Le soleil pointait enfin son nez ce matin, fort heureusement pour Orialis. À la vue des rayons lumineux traversant le voile végétal, cette dernière bondit de notre petite maison. Je la suivis pour m’étirer. Elle grimpa le long de l’arbre avec agilité, le plus haut possible, puis se percha sur l’une des plateformes afin d’absorber un maximum d’astinas, cette fameuse nourriture indispensable à sa survie.

 « Bon appétit, Orialis ! » lui lançai-je.

 Elle me répondit par un petit signe de la main, le sourire aux lèvres.

 Une Moroshiwa vint à ma rencontre, un bol en céramique à la main. Elle me le tendit ; je bus un jus couleur vert olive au goût sucré. Ses pupilles jaune-or me fascinaient.

 Six d’entre eux seulement nous accompagnaient. Cet endroit ne ressemblait guère à un village, mais à un simple point de ralliement. Je le fis remarquer à notre bienfaitrice, nommée Imaya, qui m’expliqua que leur peuple n’habitait pas ici ; il s’agissait d’un campement provisoire. Nos protecteurs surveillaient l’évolution des créatures de l’ombre dans cette forêt et s’assuraient qu’elles ne ressortent pas de Lillubia. Les plateformes construites dans l’arbre leur servaient de postes d’observation. Nos sauveurs nous avaient repérés depuis un moment et nous protégeaient à distance.

 Imaya nous offrit un petit-déjeuner de légumes verts et de fruits ; Orialis et Avorian purent goûter la délicieuse boisson que je venais d’avaler. Les cinq autres gardiens vinrent nous saluer. Ils parlaient peu, réservés mais attentif à notre bien-être.

 Avorian leur évoqua notre quête et nos difficultés avec les Métharciens.

– Notre Gardienne, Asuna, chemine elle aussi vers le Royaume de Cristal, nous apprit Imaya. Nous serions rassurés si vous parveniez à la trouver. Vous pourriez voyager ensemble. Asuna est très jeune.

– N’est-elle pas accompagnée ? demanda Orialis.

– Si, par quelques protecteurs. Notre discrétion joue en notre faveur, mais est-ce suffisant ? Avorian, vos talents sont reconnus sur Orfianne. Pourriez-vous protéger notre Gardienne ?

– Bien-sûr. Vous pouvez compter sur nous.

– Elle devrait bientôt atteindre la cité Nord de notre peuple. Elle est censée y faire une halte.

– Au Nord-Est de la forêt des Myrias ? vérifia Avorian.

– Oui. La cité se trouve sur votre chemin.

 Notre repas terminé, nous promîmes à Imaya et aux siens de chercher leur Gardienne et de veiller sur elle jusqu’au Royaume de Cristal. De son côté, Imaya préviendrait les Moroshiwas de notre venue par des moyens télépathiques.

 Nous ne pouvions séjourner ici plus longuement. Les Moroshiwas serrèrent nos mains dans les leurs, fermant les yeux, concentrés, comme pour ressentir notre énergie. La méditation dura quelques minutes, intenses et belles.

 En lâchant ma main, Imaya souffla :

– Asuna est ma fille. J’ai conscience de l’importance de sa quête… mais je ne peux pas l’accompagner. Il y a trop à faire ici.

 Ses yeux expressifs donnaient tout le poids de cet aveu.

 Je me sentis pleine d’empathie envers elle, ainsi qu’Avorian, qui n’avait pas pu sauver son propre enfant.

 Le mage lui rendit son regard, résolu, et hocha lentement la tête en une promesse silencieuse.

 Les Moroshiwas nous indiquèrent le chemin à suivre pour quitter la forêt. Grâce au voyage d’hier par la lévitation, nous avions bien progressé, déjà proches de la sortie.

 Nos gourdes remplies à ras bord et nos sacs garnis de provisions supplémentaires, nous repartîmes sur les sentiers étroits, le cœur plus léger. Tout au long de notre voyage, nous avions eu la chance de recevoir l’aide des Fées, d’un Limosien, puis du peuple Komac. Nous avions sauvé une Noyrocienne, rencontré les valeureux Moroshiwas – ces guerriers du silence.

 Malgré les embûches, Orfianne demeurait, à mes yeux, une planète hospitalière.

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