1-Chapitre 1 (1/4)

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Chloé laça les rubans pour maintenir le loup de satin blanc sur son visage puis observa le résultat dans la glace. Son reflet lui renvoyait la jeune fille qu’elle avait été, quand sculpter n’était pas devenu vital pour subsister. Une jeune fille espiègle, qui riait sur des malentendus, pour des jeux de lumière, pour des petits riens qui lui semblaient magiques. Une jeune fille qu’elle avait perdue au fil des années, à force de travail acharné et d’heures non comptées qui se révélaient —toujours— inutiles.

Pourtant, elle savait qu’il lui suffisait d’un sourire pour illuminer son teint blafard et perdre dix ans d’un coup (bon, allez, cinq, ne soyons pas trop généreuse non plus). Un sourire et une sacré dose de maquillage. Malheureusement, son compte bancaire à sec ne lui permettait plus ce genre de folies. En guise de fond de teint bonne mine, elle se contenterait du masque qui mangeait la moitié de son visage et couvrait ses yeux d’une résille blanche. L’artifice avait l’immense avantage de cacher ses cernes et le léger inconvénient de flouter sa vision. Mais c’était un détail.

Quand elle avait découvert le dépliant dans sa boîte aux lettres, son premier mouvement avait été de le jeter. Après les huées des derniers mois, Chloé n’avait plus envie de ressortir en public. Mais Chloé était une fêtarde née et la certitude que personne n’était au courant de son dernier échec, ici, au fin fond du bout du monde, l’avait convaincue que sortir un peu ne pouvait que lui remonter le moral. C’était d’ailleurs son remède à tous les maux, avant

Il ne lui avait pas fallu réfléchir à deux fois avant d’emprunter une robe dans le thème auprès de sa tante et se confectionner un masque assorti : il y avait trop longtemps qu’elle n’avait pas dansé, oublié ses problèmes même quelques heures…

Elle s’adressa un sourire, retrouvant ses fossettes qui n’osaient plus se montrer que rarement. Ce soir, elle serait la jeune fille insouciante d’autrefois.


L’affiche scintillait sur la grille du château, jetant à la foule bariolée qui se massait sous ses lignes l’invitation à entrer. Des palmiers délimitaient les allées du parterre, ornés de guirlandes lumineuses et de neige synthétique, comme autant d’arbres de Noël qui se seraient trompés de pays. Entre eux, de longues lignes encore visibles dans le crépuscule soutenaient des bulbes blancs : une rangée d’étoiles enfilées sur un câble électrique. Chloé se laissa porter par le mouvement de foule qui avançait joyeusement vers la grand-porte, les yeux écarquillés par l’émerveillement. La frange de sa robe attrapa la fausse neige qui parsemait les massifs en fleurs, couvrant d’une écume persistante la courte traîne qui ondoyait derrière elle. Elle rit. D’autres lui répondirent avec autant de gaieté, mais, déjà, on arrivait à la porte ouverte.

Les battants étaient en bois massif, incrustés de caissons sculptés dont elle n’eut pas le temps d’admirer le travail. Elle tenta de jouer des coudes pour rester sur place et observer l’art qui avait façonné le bois, mais la foule implacable ne lui laissa pas ce loisir, l’entraînant vers une cascade de duvet blanc qui accapara bientôt toute son attention : une pluie de neige artificielle formait un rideau opaque entre l’air chaud de la nuit et les secrets du château. Des gouttes de légèreté s’écartèrent sur sa tête, et il semblait tout d’un coup que Noël se tenait en plein août. Chloé ne chercha pas à débarrasser ses boucles des flocons cotonneux, elle qui détestait pourtant le désordre dans ses cheveux. Au lieu de cela, elle s’immobilisa sur le perron pour s’émerveiller de toutes les lumières dont étincelait le hall.

Magique.

Des lutins, des bonshommes de neige et même de faux ours polaires circulaient entre les convives avec des plateaux chargés de cocktails dont on les déchargeait au fil de leur avancée. Chloé happa une coupe orangée au passage d’une fée puis se faufila entre les groupes épars. Le château n’avait pas semblé bien grand de l’extérieur ; il y avait sans doute quelque magie à l’œuvre pour y caser tant de monde ! Ses yeux dévoraient la pièce sans savoir où se fixer. Retombée en enfance, son sourire creusait ses fossettes jusqu’à la douleur. Les ignorant, elle poursuivait ses découvertes sans faiblir.

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