1-Chapitre 8 (2/4)

2 minutes de lecture

Après de dernières politesses, le vicomte décida de prendre congé, faisant signe à Ben de l’accompagner au bureau. Une fois isolés, il se planta devant lui, les mains croisées dans le dos, les sourcils froncés en v.

« Combien coûtent les outils dont elle a besoin ?

— Il me semble qu’Hélios serait plus à même de répondre.

— C’est à vous que je le demande.

— Tout dépend de la qualité ; de quelques centaines à plusieurs milliers, d’après ce que j’ai compris.

— Contentez-vous du premier prix, juste le strict nécessaire pour qu’elle puisse terminer cette sculpture. On complétera la panoplie avec les bénéfices de ses ventes. Je veux cette dentelle. Pas de dentelle, pas de prolongation de son contrat, c’est clair ?

— Ce n’est pas moi qui gère les contrats, monsieur le vicomte… »

Mais, déjà, son employeur regardait ailleurs, pensif. Ben n’avait aucune idée de ce qu’était un premier prix et il y avait fort à parier que Chloé ne serait pas très enthousiaste pour l’aider là-dessus. Le vicomte caressa son menton glabre encore quelques instants, puis reprit :

« Je ne m’attendais pas à ce qu’elle puisse présenter quoi que ce soit aujourd’hui. On m’avait dit qu’on ne pouvait pas compter sur elle. C’est intéressant…

— Pourquoi l’avoir embauchée dans ce cas ?

— Hum… Je fais une fleur à Adelphe. Tant que sa nièce travaille pour nous, elle nous fait un prix d’ami sur les lavages. Chloé est payée presque totalement à la commission ; son contrat ne nous coûte rien ; on pourrait même dire qu’elle nous fait gagner de l’argent.

— Mais pourquoi ne pas lui donner un salaire comme tout le monde ? »

Le vicomte expliqua succinctement comment il procédait avec les artistes : une base fixe qui leur permettait de subsister en étant engagé envers sa société, et une part variable qui les obligeait à produire des œuvres et à participer à leur promotion. Avec quelqu’un de la réputation de Chloé, ce type d’approche relevait de la plus élémentaire prudence.

« Vous ne connaissez pas sa réputation ? Non, bien sûr, les rumeurs sont lentes à atteindre les Bas-Endraux. Elle est connue pour son talent, mais surtout pour son manque de professionnalisme et son incapacité à tenir ses engagements. »

Pensif, le vicomte se tut un moment. Puis il murmura, plus pour lui-même :

« —Je me demande comment tourneraient les choses si je devenais celui qui parvient à en faire l’artiste qu’elle aspire à être… », il se reprit presque aussitôt et retrouva son dynamisme volontaire : « Tout cela reste entre nous, Benoît, je ne veux pas que son sérieux actuel soit affecté par cette petite conversation. »

Ben s’humecta les lèvres. Il ne voulait pas avoir à garder cela pour lui. Il ne pouvait pas laisser Chloé croire que le vicomte ignorait ses frasques. Mais le vicomte attendait sa confirmation.

« L’équipe n’a pas besoin de le savoir, en effet… », répondit enfin Ben, ce qui sembla suffire à son chef, car il sortit un agenda de sa poche. Il était déjà l’heure pour lui de filer à son prochain rendez-vous. Sur le pas de la porte, le vicomte se retourna cependant :

« N’oubliez pas, Benoît : je veux cette dentelle ! »

Ben passa lentement les mains sur son visage. Il savait le vicomte calculateur, mais pas à ce point. Il était clair qu’il allait devoir trouver un moyen de prévenir Chloé avec assez de délicatesse pour éviter qu’elle ne perde courage. Au vu de leurs derniers échanges, c’était mission impossible.

Annotations

Vous aimez lire - Kyllyn' - ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0