3-Chapitre 9 (3/4)

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La porte s’ouvrit tout aussi brusquement que la dernière fois, mais Ray était préparé : il se contenta de trébucher avant de reprendre son équilibre. Une fois dans le salon composite de Phytammos, il accepta la tasse de thé affablement proposée en observant son interlocuteur avec plus d’attention que précédemment. Il n’avait pas tiré l’homme de ses draps, cette fois-ci, et il fallait avouer qu’il semblait beaucoup moins banal que lors de leur première rencontre. Sa barbe de cinq jours commençait à piquer dans des directions différentes et ses cheveux bouclaient malgré leur courtitude. Les vêtements décontractés, Phytammos portait des lunettes légèrement teintées au design sportif qui lui conféraient une tout autre aura.

Une fois le thé terminé, Phytammos s’étira sur le sofa style Empire, et croisa les pieds sur la table basse. La partie amoureuse des arts de Ray se révolta contre la manière dont il traitait ce meuble en bois massif, clairement travaillé par un artiste qui connaissait son affaire, mais le plateau en verre qui protégeait le paysage lui épargna l’apoplexie.

« — Alors, que veux-tu cette fois ?

— C’est au sujet de Chloé D.. Lors de notre dernière entrevue, vous avez dit vous y intéresser… »

L’homme laissa échapper un rictus assez inquiétant qu’il ne tenta même pas de cacher. Il glissa la main dans une de ses poches pour sortir un téléphone portable. On disait tant de choses au sujet de la disparition de l’artiste que les scénarios les plus incongrus ne semblaient plus si impossibles. Une goutte de sueur chemina le long de la colonne vertébrale de Ray tandis que l’assistant imaginait les gardes surentraînés débarquer pour lui imposer silence. Après un long moment à consulter l’écran de son mobile rétrograde, l’homme reporta son attention sur Ray :

« — Il serait difficile de ne pas se pencher sur son cas au vu de son comportement lors de sa dernière apparition publique.

— Justement, mon agence ayant travaillé avec elle par le passé… »

Phytammos se leva brutalement, contourna son sofa pour se rendre aux fenêtres et leva son portable à la recherche de réseau. Ray déglutit.

« — Je me disais que vous en sauriez peut-être un peu plus sur elle. Sur l’endroit où elle pourrait se trouver ?

— Être capable d’obtenir des places pour un vernissage ne signifie pas que je suis dans les petits papiers des artistes.

— Non, mais les masques que vous nous avez demandé d’acheter proviennent de la même entreprise que les photos de Chloé D. que nous avons vendues aux enchères. »

Phytammos ne sembla pas réagir à cette information, poursuivant sa recherche de barrettes numériques de fenêtre en fenêtre. Finalement, il sembla décrocher celles qui lui manquaient, car il se mit à tapoter sur le clavier de l’appareil. Après ce qui parut un temps interminable, il prit de nouveau place sur le velours vert bouteille de son assise, le menton au creux de sa paume.

« — Tu es peut-être moins idiot que tu en as l’air. »

Ray fut si estomaqué qu’il ne sut comment répondre.

« — Mais si tu avais vraiment fait tes recherches correctement, tu saurais pourquoi je voulais vendre ces masques. Maintenant, j’ai du travail, alors tu décampes. »

L’éclat rieur dans les yeux noirs s’était transformé en autre chose, brut, angoissant. Ray comprit aussitôt qu’il n’avait pas intérêt à tester la patience de l’homme. Il prit ses affaires et s’enfuit sans demander son reste. Il avait tout de même deux indices : d’une, Phytammos connaissait l’entreprise en question, ce qui signifiait qu’il était sans doute leur meilleure piste pour l’instant. De deux, il fallait éplucher le fichier des masques. Il composa le raccourci téléphonique pour appeler son agente en louvoyant entre les passants. Quelques minutes plus tard, il recevait un mail avec le dossier complet des sculptures qu’ils avaient dû acheter.

Ray sauta dans le tramway juste avant que les portes ne se ferment et s’assit fébrilement sur un strapontin en téléchargeant le zip «Masques_Regards Fermés_BP», qu’il ouvrit dès que possible pour détailler les photos. Si son intuition était bonne, il reconnaîtrait peut-être la patte de l’artiste. Dans ce cas, ils avaient acheté des Chloé D. à prix bradé.

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