4-Chapitre 38 (2/3)

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« Salut luciole, tu m’appelles de plus en plus souvent ces derniers temps, c’est ma santé qui t’inquiète ?

— Arrête, tu sais très bien que c’est toi qui as coupé les ponts.

— Alors pourquoi tu t’obstines à me contacter depuis quelques mois ?

— J’essaie de sauver l’oliveraie. »

Bénédicte posa le téléphone sur sa table de nuit en mode haut-parleur pour ne pas s’embêter à le tenir. Il s’étira en bâillant longuement.

« Je suis pas plus riche que toi, rossignol. En plus, j’ai déjà vendu tes masques pour ça. C’est à cause de la dingue ?

— Elle n’est pas plus folle que toi.

— ça ne répond pas à ma question. »

Le silence se prolongea dans l’appareil, à peine troublé par le souffle régulier du petit frère. Bénédicte se leva enfin de son lit pour commencer à s’habiller, pas encore tout à fait réveillé. Dix-neuf heures déjà ; il s’étonna que le fils prodige ne soit pas encore au travail.

L’armoire contenait une quantité assez astronomique de jeans de plus ou moins bonne qualité, et des vestes à ne plus savoir qu’en faire. Bénédicte gratta sa barbe qui commençait à pousser trop longue en considérant ses options. Simple pour ce soir : une chemise blanche ; du daim retourné, clair ; une ceinture noire. Peut-être une touche de fantaisie sur les chaussures ? Non, il ne voulait pas attirer l’attention.

La voix se décida enfin à briser le silence :

« Je cherche un collier.

— Tu veux que je le vole ?

— Certainement pas !

— Alors pourquoi tu m’appelles, coccinelle ? »

Le soupir qui répondit lui renvoya aussitôt le visage familier du petit dernier qui passait ses mains sur son visage —ce tic qu’il avait chaque fois qu’il se retenait d’exploser—.

« Elle l’a vendu à un mont-de-piété quelque part au nord ; il se trouve que tu es plus à même que moi de trouver ces endroits et de récupérer ce qu’ils ont.

— Donc c’est bien pour ton artiste que tu m’appelles.

— Ce n’est pas mon artiste.

— Bien sûr. » Bénédicte récupéra le téléphone pour poursuivre la conversation à la salle de bain, pendant son rasage avec un double lame jetable : « En même temps, c’est presque un bien public, cette femme. C’est à se demander ses tarifs…

— Qu’est-ce que tu sous-entends ?

— Moustique, t’es vraiment trop naïf… Comment est-elle devenue Chloé D., la sculptrice de génie à ton avis ? Comment s’est-elle fait repérer par l’agence Dellepierre, la troisième meilleure du pays, sans presque aucune œuvre à son actif ?

— Si tu voyais ce qu’elle sculpte avec trois fois rien !

— ça ne marche pas comme ça, la reconnaissance artistique. Vu sa réputation, elle a dû serrer plus que des mains pour se faire un nom aussi vite. »

De nouveau, l’appareil resta silencieux. Le souffle avait perdu son rythme habituel. Bénédicte se coupa, s’immobilisa en serrant les dents, rinça la lame puis sa peau. Un filet rouge tinta la faïence avant de disparaître dans la bonde. Le frérot encaissait mal l’annonce. Bénédicte s’en voulut de le blesser aussi gratuitement, mais il fallait bien que quelqu’un le secoue : à être trop couvé par toute la ville, il n’avait aucun sens de la réalité. La réalité, ricana Bénédicte avec dégoût : le monde entier. Un monde dont Chloé D. salissait son frère chaque jour qu’elle passait aux Bas-Endraux.

« Et alors ? », demanda le téléphone.

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