4-Chapitre 41 (2/5)

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(SUITE DIRECTE DU CHAPITRE PRECEDENT: Bénédicte est chez Ben et Jo, Jo souhaite parler à Ben)

« Ben, on peut parler ? »

Son cousin le suivit pensivement dans sa chambre sans un mot. Jo ferma aussitôt la porte en espérant que Bénédict ne viendrait pas coller son oreille indiscrète de l’autre côté du battant ; espoir bien vain connaissant l’énergumène.

« Pourquoi tu voulais le collier de Chloé ?

— Je lui ai promis de l’aider à le trouver pour qu’elle sculpte l’arbre à l’enfant. »

Jo se retint de jurer entre ses dents. Ça commençait à gentiment lui casser les pieds, les engagements intenables de Ben.

« Vous avez passé un autre marché ? »

Le malaise était palpable. Jo insista jusqu’à ce que Ben avoue :

« Quand elle nous a aidés à la récolte.

— Et tu lui as promis quoi, cette fois ? »

Son cousin consulta le médaillon du regard, comme si la réponse était marquée dans le bronze patiné par l’âge.

« Un sourire. »

Jo laissa échapper un soufflement incrédule.

« Un vrai sourire. »

Il y avait tant de détresse dans les yeux de Ben que Jo n’osa pas relever. Aux yeux de son cousin, le collier à plusieurs mallettes de billets semblait dérisoire en comparaison de ce nouveau gage. Ce qui ne collait pas du tout avec les soirées qu’ils avaient passées à s’échiner sur le dossier quelques semaines plus tôt ni aux lundis où elle dormait à la maison après la télénovela. Mais ce n’était pas vraiment le moment d’élucider cette intrigue.

« Tu as promis quoi à Bénédict en échange du collier ?

— La maison.

Ici ?

— Non, la maison de nos parents. J’hériterai de la vieille grange. S’il reste encore quelque chose lorsqu’il sera temps d’y penser.

— Mais… mais tu as toujours voulu t’installer là-bas ! C’est la maison de tes rêves, de ton enfance, de ta vieillesse !

— Lui aussi…

— Mais c’est toi qui la retapes à longueur d’année ! Tu ne vas pas la lui donner pour un collier qui ne t’appartient même pas alors qu’il ne met jamais les pieds ici et qu’il la hait, cette maison ! »

Ben se passa alors une main sur le visage avec lassitude.

« C’est compliqué Jo, n’en rajoute pas s’il te plaît.

— Ça dépend, tu vas continuer à leur promettre des trucs infaisables à tous ces gens ? »

Le silence valait toutes les réponses. Ben s’adossa contre le mur en contemplant le médaillon minuscule, presque insignifiant, pour lequel il avait perdu la maison de son futur.

« Quand Chloé m’a demandé ça, je me suis dit qu’une sculpture à un million contre un collier, ce n’était pas cher payé.

— Elle le sait, combien il te coûte son fichu pendentif ?

— Elle n’a pas à le savoir. Elle a tenu sa part du marché, je dois tenir la mienne. De toute façon, la maison ne vaut pas un million.

— Ce n’est pas une question d’argent ! »

Le regard désespéré de Ben prouvait qu’il le savait très bien, mais qu’il avait promis et il était trop droit pour reprendre sa parole. Jo haït les Bas-Endraux et leurs valeurs inflexibles qui volaient encore un bout de son avenir.

« Ne dis rien à Chloé. »

Puis Ben rouvrit la porte pour rejoindre le salon où Bénédicte contemplait les sculptures de Ben sur l’armoire. À son air trop concentré, mais légèrement essoufflé, Jo devina qu’il avait écouté à la porte et s’était précipité à l’autre bout du salon juste avant qu’ils ne ressortent. Le petit frère ne sembla pas s’en rendre compte, sans doute incapable d’imaginer une fourberie, et encore moins pour si peu.

« On ira chez le notaire demain matin », annonça Ben qui avait retrouvé tout son calme. « Tu veux dormir ici ?

— Pas la peine, j’ai pris un hôtel. »

Bénédict leur lança un nouveau rictus et sortit avant que Jo perde le contrôle de ses nerfs. Lorsque la porte fut fermée à clé, Ben s’assit doucement sur le canapé, puis enfonça la tête dans ses mains. Jo s’assit à côté de lui en lui tapotant l’épaule.

Le souffle de son cousin se fit plus difficile. Rauque. Irrégulier. Comme ces nuits à l’hôpital où on attendait de savoir s’il aurait assez de force pour continuer à respirer. Il y avait toujours une nouvelle inspiration ; une nouvelle expiration. Il y avait toujours un soulagement qui précédait une nouvelle crainte. Mais Jo savait que Ben était beaucoup plus fragile qu’il n’y paraissait, et combien chaque respiration lui coûtait. Il était aussi frêle qu’une buée dans un ciel d’été.

Bénédict le savait pertinemment, et s’en moquait. Jo se demanda si Chloé s’en était rendu compte, elle qui paraissait toujours sur le point de se briser sans jamais rompre.

Un nouveau sifflement entre les mains alors que Ben arrachait une inspiration à ses côtes trop souvent brisées.

« Je vais me coucher », annonça Ben très bas, dans un murmure doux comme le goutte-à-goutte d’une perfusion.

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