4-Chapitre 42 (2/5)

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Le soleil tapait sur les vitres avec une intensité trop élevée pour la matinée, ce qui augmentait la température de la chambre d’une manière non négligeable et très désagréable. Ben parvint à ouvrir les yeux malgré la luminosité beaucoup trop prononcée de ce début de journée, déjà couvert de sueur. Il se redressa doucement, à gestes comptés, entendant les bruits familiers de la cuisine. Déjà l’heure du déjeuner ? Une revue rapide de ses souvenirs lui permit de clarifier la situation : il était HS donc Jo avait dû estimer qu’il valait mieux le laisser dormir. Ben s’étira longuement, s’assurant avant chaque mouvement que son corps ne protesterait pas. La nuit avait été réparatrice et la douleur avait disparu. Il faudrait cependant qu’il trouve un moyen d’améliorer son endurance parce qu’il en avait un peu assez de s’évanouir à chaque fois qu’il devait courir dix mètres.

Au moment de sortir, son téléphone mobile attira son attention : treize messages non lus et quatre appels en absence. Ses parents et ses amis avaient appris son état. Les nouvelles volaient trop vite dans cette ville, il aurait préféré leur épargner cette inquiétude inutile. Après les avoir rassurés, il écouta les messages vocaux. Deux fois celui d’Adelphe.

Enfin, il prit des vêtements propres pour se doucher et s’habiller correctement avant de rejoindre son cousin dans le salon-cuisine-salle-à manger. Il tomba dans l’huile des yeux de Chloé.

« Notre Belle au bois dormant s’est réveillée ! Comment tu te sens ? »

Ben répondit à Jo sans trop savoir quels mots il prononçait, incapable de détacher son regard de ces deux disques fluides qui n’avaient pas grand-chose à faire dans son salon un jeudi midi alors qu’ils avaient passé deux jours en grève.

« Tu me cherchais ? », demanda-t-elle calmement sans cesser de pétrir sa pâte à tarte.

Elle portait un t-shirt de Jo, le rouge un poil trop serré pour lui qui dessinait ses abdominaux d’habitude, ainsi qu’un de ses caleçons. Ben comprit. Après tout, c’était avec Jo qu’elle riait les lundis soirs devant la télénovela avant d’aller dormir dans sa chambre, et c’était lui qui avait insisté pour qu’elle vienne les aider à l’oliveraie. Il était vraiment le dernier des imbéciles pour ne pas l’avoir vu venir, ce coup-là, d’autant que Bénédict l’avait prévenu. Mais comme avait répondu Ben : ce n’était pas son problème. Ça lui fit quand même un pincement au cœur.

Ben ignora son état émotionnel pour prendre place au comptoir en face d’eux. Leur complicité faisait envie.

« Que voulais-tu me dire ? », reprit-elle.

Ben força un sourire en songeant à tout ce qu’il lui aurait dit la veille ; c’était un peu tard pour ça.

« Le Vicomte a adoré le dossier, il veut que nous commencions dès lundi. Ça veut dire que tu dois être à l’atelier pour sculpter.

— C’est plutôt une bonne nouvelle, ça. Jo, je croyais que ça s’était mal passé avec le vicomte ?

— Je n’en sais rien, je n’étais pas dans la pièce. Mais vu qu’ils sont sortis tous les deux d’une humeur massacrante…

— C’est l’agence Dellepierre. Pourquoi les as-tu contactés ?

— Moi ? »

L’incompréhension de Chloé lui piqua un peu plus le cœur.

« Ruby Lelierre, ton ancienne agente. Elle a dit qu’elle t’emmenait.

— M’emmener ? M’emmener où ?

— Dans le nord.

— Je n’ai pas contacté Ruby.

— Tu comptais partir sans prévenir ? »

Chloé cilla.

« Je n’ai contacté aucune agence », finit-elle par dire. « Je ne veux pas retourner dans le nord.

— Alors pourquoi as-tu rendu tes clés à Adelphe ? »

Chloé baissa les yeux sur ses mains. Elle commença à gratter les résidus de pâte qui y restaient collés. Doucement. Jo lui secoua l’épaule, tout sourire disparut.

« C’est quoi cette histoire ? Tu vas où ? »

L’artiste se mordit la lèvre, serra les poings, sa peau si pâle blanchissant encore au niveau des jointures.

« Je ne peux plus croiser Adelphe dans la rue comme si j’étais transparente. Être traitée de monstre partout où je mets les pieds. Ne jamais réussir à sculpter. Je n’y arrive plus.

— Tu comptais aller où ?

— à l’océan.

— Tu plaisantes ? », s’énerva Jo en la prenant brutalement par les épaules. « Tu allais partir comme ça, sans rien dire, sans laisser d’adresse ? Tu serais vraiment partie si Ben ne t’avait pas couru après ? »

Il se mit à la secouer comme une branche d’olivier un peu trop verte : « Tu ne peux pas faire ça à Ben ! Pas après tout ce qu’il a fait pour toi, tu m’entends ? Je t’interdis de l’abandonner !

— Jo, calme-toi. Ce n’est pas à toi de lui dire quoi faire ou non me concernant.

— Oh, toi tu peux parler ! Tu as perdu ton oliveraie pour une histoire de coucheries et tu as donné ta maison à Bénédict pour son stupide collier ; tu es encore plus mal placé pour lui faire la morale ! Mais vous vous êtes vus tous les deux ? On dirait des gamins bornés qui préfèrent continuer de s’enfoncer dans leur vase au lieu d’emprunter le chemin. »

Jo commença alors à hausser le ton, les pointant tours à tours, si semblable à sa mère, subitement, que Ben se sentit régresser à l’âge de ses premières bêtises. Son cousin lâcha alors tout ce qu’il avait sur le cœur : Ben qui n’avait aucune conscience des réalités et Chloé qui les ignorait délibérément pour s’y noyer avec un enthousiasme suicidaire. Il poursuivit sa tirade pendant un bon quart d’heure avant de s’arrêter, haletant. Ben attendit le sourire en coin dont Jo effaçait ses rares colères, mais celui-ci ne vint pas.

« C’est quoi ces histoires de coucheries et de maison ? », demanda enfin Chloé.

Jo fit signe à Ben que c’était à lui de répondre, parce qu’il était temps d’être un peu honnête avec elle. Ce fut son tour de se sentir incapable de trouver les mots. C’est à cet instant que la sonnette choisit de retentir.

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