Judith (par Vanecia)

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J'eus un drôle de pressentiment en montant dans la Jaguar que Serge nous laissa. Un sentiment dérangeant et diffus. Je devais me faire des idées. Olivier était trop éméché pour conduire. Je lui pris les clefs des mains.

J'adorais cette voiture, sa vibration résonnait dans mes entrailles me donnant une sensation de puissance. Je jetais un coup d'œil à Olivier, sourire aux lèvres. J'aimais sa façon de me regarder. Il me mettait sur un piédestal avec lui aussi, je me sentais puissante.

Nous nous étions rencontrés à un mariage. Son humour tout en finesse m'avait emporté sur des pics de rires intenses. J'avais d'abord vu en lui une aubaine pour ma chaîne de radio. Je le présentais à Serge.

Serge, mon mari. Celui que je m'étais chevillé au corps. D'une certaine façon, il restait l'une des meilleures choses qu'il me soit arrivé. Jusqu'à Olivier.

Serge, le temps était passé et je n'avais plus que de l'affection pour lui alors qu'il me vénérait. J'étais sa princesse, sa poupée qu'il affichait avec fierté. Il n'était pas très beau mon Serge, mais son intelligence contrebalançait.

Je le voyais malheureux en ce moment, ma relation avec Olivier prenait bien trop de place. Mon pauvre Serge, je m'en voulais du mal que je lui faisais et de celui que j'allais lui faire encore. Arrêter ma liaison avec Olivier, paraissait au-dessus de mes forces.

Je passais ma main droite dans les cheveux d'Olivier, tenant le volant de la gauche. Il s'empara de mes doigts pour les savourer dans sa bouche. Des frissons d'anticipation montaient déjà dans mon dos.

Olivier et moi, c'était la force de la passion. Une passion qui m'était inconnue jusqu'alors. Mon corps s'intoxiquait du feu qu'il traçait sur ma peau.

Mon pauvre Serge ne m'arrachait rien de plus que des miaulement de chaton alors qu'Olivier faisait rugir la tigresse qui vivait en moi.

Serge et moi, nous représentions surtout une association commerciale lucrative. Il fructifiait le capital de ma famille avec l'intelligence et la facilité qui le caractérisait. Cela me convenait jusqu'à présent. La belle maison, la belle voiture, le statut social. Mais mon âme ne vibrait pas. Olivier chamboulait tout mon être.

Je tournais dans le virage un peu trop vite. Mon pied sur le frein ne rencontra pas de résistance. Mon cœur manqua un battement. Le frein ne répondait pas. Olivier sentit que quelque chose n'allait pas et tourna un regard anxieux vers moi.

La roue mordit la ligne blanche se rapprochant dangereusement du ravin. La route ne possédait pas de barrière de sécurité. Une sueur froide suinta de mes pores alors que la voiture s'engageait, nez en avant dans la pente, commençant sa chute.

Une chute lente, interminable, aussi brouillée qu'un rêve, seulement accompagnée du cri perçant d'Olivier.

Ma vie défilait, saccadée. Mon mariage avec Serge, son regard fasciné. Mes lassitudes, comblées des corps d'homme dont je ne me rappelais plus les noms. Ma rencontre avec Olivier. Ce premier baiser enflammé échangé derrière une porte. Les yeux froids et calculateurs de Serge au moment de tendre les clefs de la Jaguar à Olivier. Encore ce sentiment dérangeant. Il n'aurait pas osé.

L'impact me coupa le souffle, le bruit de verre et de tôles froissées se propagea comme la dernière musique de ma vie.

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