Elle croyait être tout
Camille n’était pas comme les autres.
C’est ce qu’on lui avait toujours dit. Depuis l’enfance, on la regardait avec une admiration silencieuse, une aura presque mystique. Belle, cultivée, intelligente — elle rayonnait.
Et elle y croyait.
À cette idée qu’elle était différente, qu’elle avait quelque chose en plus. Elle marchait dans la rue avec l’assurance de ceux que le monde attend. Elle ne parlait pas aux gens qu’elle jugeait “petits”. Elle pensait que certains ne méritaient même pas ses mots.
Dans son miroir, chaque matin, elle voyait une femme rare. Une pièce de collection. Un bijou humain.
Mais ce que Camille ignorait, c’est que la valeur ne crie pas. Elle ne s’impose pas. Elle se révèle en silence, souvent là où personne ne regarde.
Un soir, lors d’un dîner mondain, elle se retrouva face à un homme ordinaire. Rien d'impressionnant. Il parlait peu. Il l’écoutait beaucoup.
Et pour la première fois, Camille sentit quelque chose d’étrange : elle ne brillait pas.
Il ne semblait ni impressionné ni charmé.
Juste… calme. Présent.
Elle tenta ses sourires habituels, ses phrases qui fascinaient d'autres.
Rien.
Il la regardait comme on regarde quelqu’un de normal. Pas plus. Pas moins.
— Tu crois être différente ? lui demanda-t-il soudain, les yeux posés sur elle avec une douceur déstabilisante.
— Je sais que je le suis, répondit-elle, droite.
— Ce que tu crois être rare, finit-il par dire, c’est peut-être juste une illusion bien entretenue.
Ce soir-là, Camille rentra sans bruit.
Dans le miroir, son reflet lui parut… flou. Fatigué. Humain.
Elle comprit que se croire précieuse, sans rien offrir au monde, sans jamais se questionner, c’était bâtir un trône sur du sable.
Depuis, Camille ne parle plus pour briller. Elle parle pour comprendre. Elle regarde les gens. Elle les voit. Et parfois, dans leur regard, elle trouve plus de valeur que dans toute l’image qu’elle avait construite d’elle-même.
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