47 Parc Maillol - Mocassins 6ème

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Vendredi 3 novembre.

Mila coupe le contact de sa voiture. La 308 est là, la maison est allumée.

Ce soir, la route lui a semblé plus longue que d’ordinaire, il pleut dehors et un brouillard cotonneux a poussé à l’intérieur de son crâne.

Elle entre.

— Bonsoir !

S’essuie les pieds, traverse la grande pièce et entre dans l’atelier.

— Madame.

— Bonsoir Pierre. Comment vous allez ?

— Pardon…

— Non rien, laissez tomber.

Les trois quarts de la pièce sont faits, il reste le plafond à quadriller devant la porte. Cet espace où Mila a remonté les étagères et placé toutes ses affaires qui étaient dans la cabane. Chaque objet est soigneusement recouvert d’un torchon et emballé dans un sac plastique, bien protégé.

Mila est contente. Cet avancement lui donne du baume au cœur.

— Vous avez bien travaillé !

Pierre rassemble les rails, les vis, les outils.

— Je vous débarrasserai tout mon bazar ce week-end, je le mettrai de l’autre côté.

Elle regarde le visage de Pierre, attendant qu’il lui raconte sa semaine, mais comme il ne dit rien, elle fait :

— Comment ça va ?

— Bien.

— Vous avez passé une bonne semaine ?

Elle est ailleurs. Pierre le sent, elle veut discuter, le cœur dans la voix.

— Oui. Merci.

— Toujours besoin de rien ? Elle sourit, inclinant la tête, triste.

— Non. Bonsoir madame

— Bonne soirée Pierre. Et bon week-end à vous !

 

Et puis Pierre ouvre le coffre.

Il tire la caisse en plastique et s’assoit sur le plaid déplié gris. C’est un gris bleu en fait.

Il sort le premier mocassin en cuir souple, le second, les enfile. Les bottes sont sales. Il les secoue et les met dans la caisse rouge.

La caisse rejoint sa place dans le coffre. Pierre le referme, rejoint sa place dans la voiture. Et la voiture démarre et quitte sa place, là devant la maison éclairée de Mila, la laissant toute seule dans ce brouillard de coton.

 

Elle s’assoit par terre contre le mur, le bras tendu sur un genou replié, la main pendante.

Elle attrape son téléphone et clique sur le contact Abi.

— Mila !

— Abigaëlle, comment tu vas ?

— Oh là ! Certainement mieux que toi.

— Comment va ton mec de la pub ?

— Il va bien, on commence à se voir tout doucement.

Mila ne dit rien, elle attend qu’Abigaëlle raconte.

— On se voit le samedi soir quand je n’ai pas les enfants et en ville le jeudi quand j’ai les enfants.

— Ça se passe bien. Il est bien, tu crois ?

— Oui. Eh bien, il semble ne pas avoir peur pour les p’tits. Tous les voyants sont au vert. On verra bien.

— Comment il s’appelle ?

— David.

— Tu tiens à lui ?

— Oui. Je crois que c’est trop tard maintenant. Si ça devait s’arrêter, je serais malheureuse. Tant pis ! C’est comme ça. Et toi ?

— Oh moi... Pfouuuh. Elle souffle. Je n’ai pas vu Edmond cette semaine. Il a séché nos rendez-vous.

— Tu es à la maison ?

— Oui, je suis toute seule dans l’atelier trop grand de cette maison trop grande.

— Tu sais où le trouver !

— Quoi donc ?

— Edmond ! Tu sais où le trouver.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Parce que quand quelque chose nous manque, on peut continuer à en souffrir ou on peut aller le chercher. Tu as la possibilité d’aller le chercher si tu le veux.

— Je ne sais pas s’il me manque !

Abigaëlle ricane.

Mila :

— C’est juste que… j’aime bien discuter avec lui. Je suis bien avec lui…

— Mila, arrête de te cacher derrière ton petit doigt !

— Abi, putain fait chier !

— Je t’aime Mila.

— Je t’aime aussi Abigaëlle.

 

Mila éteint le phare de chantier et la lumière de la cuisine ; elle ferme toutes les portes et revient sur Nyons.

La voiture d’Edmond n’est pas au parc auto, elle sort à Giono et monte chez elle, se change. Brassière de sport, jogging, baskets.

Elle a un message d’Edmond depuis trois jours. Histoire d’être un peu avec lui, elle lui répond.

 

De : Blanche MAGNAN

Objet : Re : Parcours et soirée

Date : 3 Novembre 19 :37

À : Edmond VALLONE

 

Ok pour le parcours du 9 nov. mais sans les clubs.

Je vous accompagne en voyeuse.

J’ai hâte de voir si vous êtes un grand 15 ou bien un petit !

 

« Construire, c'est collaborer avec la terre : c'est mettre une marque humaine sur un paysage qui en sera modifié à jamais, c'est contribuer aussi à ce lent changement qui est la vie des villes. »

 

Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien

 

Mila.


 

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