Chapitre 9 (2/4)

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Il trébucha et roula à terre dans un grognement sourd. Cela faisait un mal de chien ! Arthur serra les dents et frictionna son épaule endolorie. Il ne savait pas où il avait atterri, il ne reconnaissait pas les lieux. C’est pas bon ça, pas bon du tout.

— Comment je suis arrivée ici, moi ?

Comme à son habitude, Émile ne répondit pas. Sinon, il lui aurait volontiers expliqué dans quelle nouvelle dimension il se trouvait. Il n’avait pas biloqué, de cela il était certain : son épaule douloureuse constituait une preuve suffisante à elle seule.

Tout autour de lui était trop lisse, trop net, pour ne pas être suspect. Une sorte de décor posé à la va-vite pour lui donner l’illusion du vrai. Le change ne fonctionnait pas, la différence lui sautait aux yeux, comme un endroit où rien ne vivait. Strictement rien. Pas même un frémissement, un brin d’herbe ou même une trace de béton ou de macadam. Les couleurs se confondaient en échos ternes, sans le moindre contraste. Tout était plat, sans la moindre nuance.

Arthur préférait encore largement la bilocation. Son univers fouillis et dépourvu de repères lui était bien plus familier et plus réconfortant qu’ici. Moins hypocrite aussi.

— Chiqué, marmonna-t-il. Vous essayez de tromper qui, là ?!

La fille était dans le coup, il en mettrait sa main à couper. Il se souvenait clairement de l’avoir fait reculer, elle avait cédé bien trop facilement d’ailleurs. Juste après le départ de Claire. Elle l’avait laissé mener la danse, sans pour autant abandonner : elle avait maintenu la pression de son champ de force contre le sien, sans aucun effort de sa part, le regardant s’essouffler patiemment. Quand il avait enfin réussi à dévier en courbe son champ de force pour la découvrir, elle avait soudainement laissé le sien la submerger, emporté dans son élan, s’épancher violemment jusqu’à les englober entièrement tous les deux. Et là… il s’était fait enlever, assailli par une lame de visions imprécises qui s’étaient enchaînées. Il pensait avoir basculé dans la bilocation mais contre toute attente, son corps avait été entraîné lui aussi. Au fond, il se foutait bien de la raison, ou de l’endroit où il se trouvait. Il voulait juste le quitter le plus vite possible.

— Ha !

Claire roula à terre devant ses pieds. Étendue sur le dos, elle contemplait l’absence de ciel avec perplexité. Les teintes plates ne facilitaient pas la perception d’une quelconque démarcation qui en délimiterait la fin ou le commencement.

— Il manque un truc, là. C’est trop… vide…

Elle chercha confirmation chez Arthur au-dessus d’elle.

— J’ai pas raison ?

— Qu’est-ce que tu fais-là ? Je t’avais dit de t’en aller ! Où est le petit ?

Claire refusa d’un signe de tête sa main tendue et écarta une mèche de sa joue.

— Ravie que tu sois toujours en vie. Pour info, je vais très bien, merci. Je me suis sans doute déboîtée l’épaule mais tout baigne. Tu sais où on est, par hasard ?

— Non, et justement. On ne peut pas rester ici. Tu comptes te lever ?

— Je ne sais pas, je me tâte. Je suis bien là. J’ai un point de vue imprenable. Ne t’inquiète pas pour le petit, il est en sécurité. J'ai réussi à l’amener chez moi, par pur hasard. Dans la chambre de Bastien, même.

— Par hasard ? Comment as-tu réussi ton coup ?

Arthur était à cran. Il perdait le contrôle de la situation et cela ne lui plaisait pas du tout.

— Aucune idée. Une situation d’urgence sans doute. Mais pour une fois que j’ai réussi quelque chose, je ne vais pas m’en plaindre. Avec Bastien, il ne court aucun danger. Thomas. C'est comme cela qu'il s’appelle.

Claire inclina la tête, de façon à aborder la situation sous un autre angle. Ses doigts tapotaient l’espèce de masse gélatineuse et informe qui semblait faire office de sol, déboussolée.

— C’est vraiment bizarre... C'est donc ça la bilocation ?

Arthur poussa Claire du pied, irrité.

— Si c'était le cas, tu crois que tu le ressentirais, ça ?

Claire se redressa enfin, vexée.

— Ok, alors on est où exactement ?

Le teint terreux d'Arthur qui se mariait bien aux couleurs du patelin la renseigna sur deux points : Arthur n’en savait strictement rien. Arthur venait manifestement de perdre la longueur d’avance qu’il possédait sur eux. Ergo, troisième point : ils étaient fichus. Et bien entendu, pas le moindre journal voletant à l'abandon en pleine rue, pas la moindre voiture typique pour leur donner un petit indice sur l’époque ou même le lieu où ils se trouvaient. Exclue également la banderole proclamant en rouge vif la 25ème édition de la foire aux livres de Champigny-sur-Seine pour l’année 2004. Naaaan, ce serait bien trop facile !

— C’est encore un de leur coup. Elle l’a fait exprès, j’en suis sûr, marmotta Arthur.

Claire l’écouta raconter son bras de fer sans chercher à l’interrompre. Les capacités d'Arthur la fascinaient. Elle se rappelait de cette barrière protectrice qu'il avait érigée pour elle et Thomas, identique et pourtant à l’antithèse de la barrière-prison que les monstres avaient créés pour les isoler du reste du groupe, sur la place.

— Elle m’a laissé l’atteindre et elle en a profité pour me refourguer un flot d’images. C’était en accéléré, je n’ai rien pu voir de précis. Peut-être bien que ce lieu en faisait partie, je ne sais pas. Dans tous les cas, c’est elle qui a dû m’entraîner ici, c’est évident. Sinon, je ne n'aurais pas été capable de me retrouver physiquement dans cet endroit, je n’aurais pas eu ces sensations. Bien qu’ici, il n’y en ait pas des masses. Donc, non, ça n’a rien à voir avec la bilocation, conclut-il, un brin désespéré.

Claire ne l’écoutait plus. Le front plissé par la concentration, elle laissait les rouages de son cerveau tourner à plein régime, emballés par une de ses hypothèses complètement loufoques.

— Et si... Si c’était moi qui t’avais entraîné ici, plutôt ?

— Arrête avec tes âneries, c'est du sérieux

— Je ne plaisante pas.

Claire s'appuya sur ses mains pour se relever. Le sol mou possédait une élasticité poreuse, laquelle lui permit de rebondir plus facilement sur ses pieds que dans l'univers régi par les lois de la pesanteur des corps. Un univers en apesanteur en somme. Nice !

— Toi et moi, on est complémentaires, pas vrai ? Un peu comme le corps et l’esprit. Moi, je ne peux me rendre que dans les endroits que je connais et toi, tu ne peux t’y plonger qu’en esprit. Mais là, j’ai suivi un tracé qui s’est formé dans ma tête et qui m’attendait. Imagine un instant qu’on se soit liés pour se compléter ? La fille qui te montre l’image de cet endroit, toi qui l’inscris dans ma tête, et moi qui nous y entraîne tous les deux ?

Ce ne serait pas tellement impensable, si ?

L’étincelle de vie avait repris sa place et animait de nouveau ses yeux clairs alors que la panique gagnait ceux d’Arthur. Claire s’échauffait toute seule et Arthur était glacé. Pourquoi maintenant ? Par quel miracle ?

Un hoquet stoppa net les conjectures de Claire et les angoisses d’Arthur. Ils se tournèrent d’un même bloc vers Thomas qui hoquetait au rythme de ses tremblements. Claire fut la première à se ressaisir. Elle s’approcha, difficilement – fichu revêtement caoutchouteux –, et l’enserra prudemment. Les frémissements ne s’apaisèrent pas pour autant. Raah, elle n’était pas qualifiée pour cela ! Si elle espérait une quelconque aide d’Arthur, c’était râpé de ce côté-là : il détaillait continuellement le garçon sous tous les angles, le ratissant comme s’il espérait le voir se volatiliser à force d’allers-retours.

— Ne reste pas planté là ! Il a l’air frigorifié, fais quelque chose !

Arthur se rua à grandes enjambées sur Thomas dans un grognement frustré de taureau furieux. Même Claire ne put réfréner un sursaut Elle sentit Thomas se recroqueviller contre elle tandis qu’Arthur l’agrippait brutalement par le col.

— Comment es-tu venu jusqu’ici ?

Le gamin lui jeta un regard épouvanté puis mendia le soutien de Claire dans un gémissement étranglé.

— N’aie pas peur, c’est juste Arthur. Il est un peu énervé, c’est tout, mais il est très gentil d’habitude. Je veux dire cool. Arrête de le terroriser. Tu as l’intention de te venger sur les enfants maintenant ?

Arthur l’ignora royalement. Il posa un genou à terre pour forcer Thomas à soutenir son examen scrutateur. Thomas s’écarta d’une bourrade mais ne se déroba pas. Ses yeux n’étaient plus délavés sous l’effet de la peur mais brillaient d’un ressentiment bien perceptible.

— Tu nous fais quoi ?

— Tu voulais que j’intervienne, non ? Eh ben voilà, c’est fait. Regarde-le, il me déteste mais au moins, il ne tremble plus.

Arthur se redressa avec précaution.

— Mais il n’a toujours pas répondu à ma question. Il préfère répondre aux tiennes tu crois ?

Thomas le fusilla du regard et Claire se dérida, soulagée.

— Tactique intéressante ! Tu vois, Thomas, je t’avais dit qu’Arthur était sympa, non ?

Thomas lui lança un coup d’œil biaisé sous ses longs cils mais s’abstint de tout commentaire. Claire ne pouvait s’empêcher de l’infantiliser. À sa grande honte en plus.

— Je crois que j’ai suivi le chemin dans ma tête, dit enfin Thomas, les yeux au sol.

— Le chemin dans… ?

La sensation de ces doigts fouillant son esprit lui revint en mémoire.

— Comme un itinéraire ?

Thomas acquiesça, troublé.

— Mais… Mais pourquoi tu t’es lancé dedans aussi ? Je t’avais promis que je reviendrai. Tu ne pouvais pas m’attendre ?

Claire était au bord des larmes.

— Je pense qu’il m’a suivie. Non, j’en suis sûre. Il s’est connecté à moi. C’est pour cela que j’ai pu l’amener aussi facilement.

Arthur croisa ses mains derrière la nuque et la racla frénétiquement dans un grand cri rageur. À s’en arracher le cuir chevelu.

— Arrête, tu fous les jetons, sérieux !

Thomas en revanche n’eut pas l’air impressionné. Plutôt dubitatif.

— Ça aussi, c’est une mise en scène ?

— Nan, ça, ça fait partie du pack pétage de plombs ! Désolé, Thomas, se radoucit Arthur qui réalisait qu’il allait passer sa colère sur lui pour de vrai. Tu n’y es pour rien. C’est déjà assez difficile pour toi et moi j’en rajoute. Je suis un imbécile, pardon.

Thomas éloigna ces excuses d’un vague mouvement d’épaules magnanime comme si tout lui passait au-dessus.

— Ça t’était déjà arrivé, cette situation inhabituelle ?

Thomas cilla, l’air absent, tout en retirant sa jambe qui s’enfonçait dans le magma informe.

— Non. Après ton départ, j’ai voulu me cacher sous le lit mais un type est entré. J’ai eu peur. J’ai pris le chemin qui était dans ma tête, j’ai eu l’impression de tomber et je me suis retrouvé ici.

— Ce « type » était Bastien, mon frère, tu n’as rien à craindre de lui. Et il a dû être ravi de constater que tu pouvais te téléporter toi aussi, il va m’accuser de t’avoir contaminé à coup sûr.

— On te fera un topo détaillé plus tard, lui promit Arthur. Une fois qu’on aura quitté cet endroit.

— Super. Et comment fait-on cela ? se renseigna Claire.

— À toi de me le dire, puisque tu as une réponse à tout.

C’est toi l’expert des dimensions spatio-temporelles.

— D’après ce que tu avances, tu es concernée maintenant. Et lui aussi, ajouta Arthur en désignant Thomas.

Claire approuva.

— Il nous faudrait une localisation pour commencer. Ne serait-ce qu’un indice. De là, on trouverait peut-être un moyen de se créer un trajet. Enfin, si on trouve aussi le moyen de se reconnecter. Et là je ne sais pas trop comment ce serait possible.

— Tu es vraiment rassurante, j’apprécie ton optimisme, Claire.

— Il y a quelqu’un qui pourrait nous renseigner, interrompit Thomas, le doigt pointé en direction d’une fille.

Elle allait à leur rencontre, le pas élastique, ses pieds sautillant avec entrain sur… le trottoir qui se solidifiait sur son passage. Sa main caressait de temps à autre les murs crème jaunis ou grisâtres qui apparaissaient à son approche. Ses éclats de rire se perdaient dans le ciel orageux qui prenait forme juste au-dessus d’elle. Ses cheveux baguette dégoulinaient de sa capuche de ciré rouge grenat, sans que cela ne l’empêche d’être heureuse, ruisselante de pluie. Claire resta béat devant le réel qui se redessinait l’air de rien pour venir à eux. Thomas se baissa pour ramasser une feuille, stupéfait de ce miracle. Arthur se précipita sur l’inconnue. Elle glapit, prise au dépourvue face à ce fou. Elle observa Arthur, embrassa d’un regard Claire et Thomas dans son sillage puis glapit derechef en gloussements incontrôlés. Être abordée de manière aussi cavalière paraissait l’amuser.

— Où sommes-nous ?

La question saugrenue la fit s’esclaffer de nouveau. Elle écarta une mèche à la couleur indéfinissable, lissa son ciré pour le décharger du trop-plein de gouttelettes. Secoua la tête avec hilarité, provoquant un autre raz-de marée.

— Où vous êtes ? Dans la rue Duffort, tiens !

— Je connais, murmura Thomas, c’est dans mon ancien quartier, près du lycée Péri. Je me disais bien que je reconnaissais l’allée des platanes, dit-il en brandissant sa feuille rachitique.

— Hein ?

L’égarement d’Arthur redoubla le fou rire.

— La rue Duffort, répéta-t-elle en détachant les syllabes comme si elle s’adressait à un dur de la feuille. Ou à un demeuré. Une œillade complice sur le côté et la voilà qui repartait dans son délire. Son rire communicatif s’estompa sur un hoquet effaré. Elle se tourna sur sa droite, sa tête pivota par-dessus son épaule puis son visage se durcit dans un masque d’affolement.

— Nous sommes juste un peu perdus, se justifia Arthur.

— Fuis, marmonna la fille.

— Pardon ?

— Dépêche-toi, va-t’en ! cria-t-elle à l’adresse de son épaule, dans une attitude défensive clairement prononcée.

— Ce n’est pas ce que tu crois ! intervint Claire. Nous ne sommes pas eux, nous ne voulons aucun mal, ni à toi, ni à ton ami…

— Ton ami ? Quel ami ?

Arthur devenait dingue. La fille ne baissa pas sa garde.

— N’approchez pas, gronda-t-elle sur ses dents.

— On peut m’expliquer ce qui se passe ? s’impatienta Thomas en s’immisçant au milieu du cercle.

Face à cette initiative, la jeune fille disparut, de même que la scénographie qu’elle avait concrétisée. Le sol était redevenu une boule de gomme instable. Thomas laissa échapper un cri, manquant de s’aplatir à terre. Arthur vacilla et se stabilisa au petit bonheur la chance alors que Claire titubait pour reprendre son équilibre à ses côtés.

— Cette fille nous a confondus avec les autres.

— J’avais compris. On en rediscutera, – il y avait beaucoup à discuter – mais avant tout, il faut vraiment qu’on parte d’ici. Thomas, tu disais que tu connaissais cette rue ?

Thomas acquiesça, déstabilisé.

— Mon collège était de l’autre côté du lycée.

— Tu saurais revenir à l’arrêt de bus à partir d’ici ?

— En temps normal, oui. Ce n’est pas très loin.

— On a peut-être une localisation mais aucune indication, objecta Claire. Tout est vide. Ce n’est plus une question de trajet mais de dimension.

— Oui, j’ai bien saisi le problème, merci. Si tu veux nous faire part de tes illuminations, fais-toi plaisir.

Claire se tut, désappointée.

— Je croyais que c’était elle qui m’avait amené ici. Je pige rien, moi !

Claire contempla Thomas, qui était vexé de ne pas comprendre la situation. Quel drôle de gamin que celui-ci !

— C’est plus compliqué que ça en a l’air. J’ai moi-même suivi le tracé qu’Arthur a projeté dans mon esprit.

— J’ai compris !

Arthur venait de prononcer son Eurêka. S’il ne se trompait pas, il venait de découvrir une nouvelle utilité à la bilocation et cela lui procurait une étrange de sensation de vertige.

— C’est le champ de protection. Quand je t’ai englobé dedans, nous sommes restés liés, même quand vous vous êtes téléportés dans la chambre de Bastien. Quand j’ai reçu ces images, j’ai dû te les transmettre. C’est comme cela que tu es venue ici à ma suite.

— Et ensuite, je les ai données à Thomas, chuchota Claire, éberluée. Pour être exacte, je pense plutôt que Thomas me les a piquées.

— Eh ! protesta Thomas, outré.

— Ce n’était pas un reproche. Tu ne voulais pas que je t’abandonne. Attends, ce n’est pas le sujet !

Arthur, tu saurais reproduire ce bouclier ? s’excita Claire.

— Je l’espère. J’ai juste agi parce qu’on était en danger.

— Ben là, on est toujours en danger, d’accord ? Replace-toi dans le contexte et tire-nous de là !

Thomas dévisagea Claire, scandalisé. Il se reporta à Arthur : « Tu vas la laisser te parler sur ce ton ? ».

— T’en fais pas, c’est sa façon de me motiver.

— Je lui aurais collé une baffe si j’étais à ta place, riposta Thomas.

— Tu ne vas pas bien, espèce de petit crétin ! s’insurgea Claire, estomaquée.

— Mais avant, j’aurais collé une baffe à ton copain d’abord. C’est une bonne manière de se motiver, expliqua Thomas.

Claire éclata de rire devant ce caractère trempé qui lui plaisait bien. Arthur au contraire semblait prêt à jeter l’éponge à la perspective d’accueillir une tête brûlée supplémentaire.

— Ne fais pas cette tête, on essaie de relâcher la pression maintenant qu’on a une solution.

— Qui n’a pas encore marché, rappela Arthur, boudeur.

— Ton côté défaitiste, ça craint aussi parfois.

Arthur était d’accord mais il ne pouvait faire autrement.

— Tu sais quoi, si cela marche du premier coup, j’essaie d’arranger mon côté défaitiste, Ok ?

— Deal.

Arthur se visualisa basculer dans son domaine de prédilection tout en demeurant solidement ancré à la réalité. Enfin, ce qu’il en restait. Il fallait qu’il progresse en équilibriste chevronné le long de la frontière sans céder à l’appel de l’inconscience. Il se concentra sur les voix fantômes qui jonchaient souvent son esprit d’appels étourdissants. Un léger tournoiement s’empara de lui tandis que les fourmillements habituels se propageaient progressivement dans tout son corps.

Il se projette habilement hors de lui-même, s’efforçant de ne pas se détacher de l’environnement. Il ne doit pas lâcher prise face à la tentation. « Imagine-toi en train de marcher », s’impose-t-il en partant en exploration.

Retrouver l’arrêt de bus est plus aisé qu’il ne le pensait, la destination se trouvait à dix minutes de marche à tout casser. Luttant pour conserver son énergie, Arthur imagine un champ de force semblable au précédent, extensible afin de s’étirer tout au long du parcours qu’emprunteraient Claire et Thomas. La tâche est ardue : le bouclier n’arrête pas d’échapper à son contrôle et il doit se focaliser pour qu’il épouse l’itinéraire à la perfection.

« Replace-toi dans le contexte, ils sont en danger », se répète-il en mantra. La panique qu’il avait ressentie dans le combat avait été galvanisante ; c’était cette même résolution qui doit le guider jusqu’au bout. Exténué, il parvient à atteindre Claire puis à l’attirer dans sa bulle. À cet instant, le bourdonnement de sa tête se fait rugissement et un afflux électrique lui remonte le long de l’échine. Il prolonge son champ de force vers Thomas. Mais le bouclier rebondit contre ce dernier pour s’attacher à Claire. Il retente l’expérience, en vain. Déjà, ses forces l’abandonnent. Il n’y a pas de troisième chance. Le mugissement envahit tous ses sens et il se laisse emporter, balayé comme une feuille morte.

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